
Le personnage d’Hiram, incontestablement un bronzier, pourrait être entrevu comme une exception au sein de l’histoire du peuple d’Israël, que l’on a tendance à voir comme un peuple essentiellement composé de bergers pacifiques. Il n’en est rien, toute l’histoire rituelle du peuple juif jusqu’à la captivité à Babylone met en évidence l’importance de la tradition des bronziers dans leur vécu religieux et journalier mais aussi guerrier.
Cette tradition des forgerons transperce tous les écrits bibliques comme la Genèse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres, le Deutéronome, les Livres des Rois, les Chroniques, mais aussi Josué, Samuel, Jérémie, Ézéchiel et Daniel principalement.
Si les traditions des forgerons sont un des vecteurs reliant notre modernité à la Tradition primordiale, le peuple juif semble donc bien faire partie des civilisations présentes dans cette importante transmission. C’est ce que nous allons tenter d’explorer quelque peu dans cet article.
La première relation à la métallurgie se trouve dans la Genèse au chapitre 4 et au verset 22 :
«Cilla, quant à elle, enfanta Toubal-Caïn qui aiguisait tout soc de bronze et de fer; la soeur de Toubal-Caïn était Naama.» (T.O.B. page 51. Note sur le mot «aiguisait» : Texte difficile. Autre traduction : il fut l’ancêtre de tous les forgerons en cuivre et en fer. Mais d’après 1 S 13, 20, ce terme hébreu désigne le soc et non le forgeron.)
La Bible Segond traduit :
«Tsilla, de son côté, enfanta Tubal-Caïn, qui forgeait tous les instruments d’airain et de fer.»
En fait, même les traductions apocryphes, comme le Livre du combat d’Adam, se reportent toutes à un Tubal-Caïn, ancêtre de tous les forgerons, le maître du feu et des puissances de la terre. La timide traduction de la T.O.B. pourrait être motivée par un désir d’atténuer l’aspect luciférien du métier des forgerons au sein de la Genèse en tentant de lui donner un sens plus agraire et pacifique.
L’importance de la tradition des bronziers prend ensuite une ampleur extraordinaire à partir de l’Exode, au moment où le peuple juif s’enfonce dans le désert du Sinaï, au pied duquel la première Arche d’alliance sera conçue. Tout tourne autour de la métallurgie, que cela soit le Serpent d’airain que Moïse fait faire pour protéger le peuple de la morsure des serpents, ou bien encore l’épisode du Veau d’or, et bien sûr l’important passage de la construction de l’Arche d’alliance, véritable pré-maquette du futur Temple de Salomon.
Bible Segond, Nombres, chapitre 21, verset 9 :
«Moïse fit un serpent d’airain et le plaça sur une perche; et quiconque avait été mordu et regardait le serpent d’airain conservait la vie.» Bible Segond, Exode, chapitre 32, verset 4 :
«Il les reçut de leurs mains, jeta l’or dans un moule et fit un veau en fonte. Et ils dirent : Israël ! voici ton dieu qui t’a fait sortir du pays d’Égypte.»
En ce qui concerne la construction de l’Arche d’alliance, les citations disponibles s’étalent sur les chapitres 25, 26 et 27 de l’Exode. Nous n’en prendrons que trois versets pour l’exemple. Notons ici que selon les traductions rencontrées, les objets métalliques sont en or, en argent ou bien en bronze, ce qui indique une sémantique commune dans l’hébreu ancien suggérant avant toute chose le travail des métaux et autorisant une permutation des concepts. La Bible de Chouraqui traduit que l’Arche d’Alliance est faite de bois d’acacia et d’or pur; le bronze n’apparaît pas.
Bible Segond, Exode, chapitre 27, versets 17-19 :
«Toutes les colonnes formant l’enceinte du parvis auront des tringles d’argent, des crochets d’argent et des bases d’airain. La longueur du parvis sera de cent coudées, la largeur de cinquante de chaque côté et sa hauteur de cinq coudées; les toiles seront de lin fin retors et les bases en airain. Tous les ustensiles destinés au service du tabernacle, tous ses pieux, et tous les pieux du parvis seront d’airain.»
Cette apparition assez brutale et massive des traditions de la métallurgie au sein même de la Bible permet de se poser quelques questions sur les vecteurs de ces transmissions au sein même de l’Exode.
Alors que toute la période d’Abraham montre une tribu itinérante de bergers passant de la Mésopotamie en Égypte en suivant la grande route des caravanes, puis se dispersant dans la région d’Hébron pour le clan d’Abraham et de Sodome pour celui de Loth, il est impossible de discerner la moindre relation avec les métiers de la forge. Les autels sont en pierre et toute l’économie repose sur des échanges entre cette tribu de bergers et leur monde environnant. Il apparaît donc probable que leurs connaissances de la métallurgie aient dépendu essentiellement de leur «captivité» en Égypte, royaume puissant et très avancé technologiquement dans de nombreux domaines, dont celui de la forge. En effet, cette captivité fut très longue et deux datations possibles sont à retenir (Atlas de la Bible, Éditions Sator et Emmaüs, 1986). La première datation issue des textes eux-mêmes place l’arrivée en Égypte vers 1700 ans avant Jésus-Christ et l’exode vers 1270 de la même ère, soit quatre cent trente ans de «captivité». La deuxième datation plus conforme aux données archéologiques, propose une arrivée en Égypte vers 1800 ans et un exode vers 1450 av. J.-C., soit trois cent cinquante ans de «captivité».
Il ne faut pas oublier non plus que les contrées au pied du Sinaï étaient de temps immémoriaux une région de métallurgistes qui puisaient dans les ressources minérales de la grande montagne. Elles portent souvent dans la Bible le nom de pays de Madian dont le prêtre sacrificateur n’est autre que le beau-père de Moïse, Jéthro. Ces Madianites seront ensuite souvent en conflit avec les territoires d’Israël, et voici comment ils sont décrits dans les Juges, au chapitre 8, versets 24-26 de la T.O.B. :
«Puis Gédéon leur dit : «Je voudrais vous faire une demande. Donnez-moi chacun un anneau de votre butin !» En effet, les vaincus [les Madianites] avaient des anneaux d’or. Ils répondirent : «Oui, nous allons te les donner.» Ils étendirent un manteau et y jetèrent chacun un anneau de son butin. Le poids des anneaux d’or qu’il avait demandés s’éleva à mille sept cents sicles d’or, sans compter les croissants, les pendants d’oreilles et les vêtements de pourpre que portaient les rois de Madian, sans compter non plus les colliers qui étaient au cou de leurs chameaux.»
sur ce sujet voir aussi nos autres livres : la Révélation du 3ème temple

voir aussi notre article : Tubal-Cain, Nimrod et Hiram : l’autre légende
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