Nouvelles Hespérides

Le serpent et l’oiseau
Introduction phénoménologique à  l'imaginal de la Tradition première.

Vers la fin du néolithique, deux animaux occupèrent un rang éminent : le serpent et l’oiseau-rapace. Le reptile, notamment, jouit d’une considération indicible : il fut, en effet, bien avant la vache, la chèvre, la chienne, ou la jument, l’hypostase de la Mère Divine; l’homme-serpent, ou dragon, fut, en conséquence, le personnage transcen­dant par excellence, celui qui transformait en initiés les néophytes. On identifia avec lui, par la suite, ces construc­tions sinueuses, appelées labyrinthes, que l’on édifia dans les grottes et sous la terre, puis que l’on aménagea ulté­rieurement, sur le sol; en pénétrant dans ces structures de pierre, c’est dans les replis du reptile surnaturel que s’engageaient les novices; le serpent les avalait, les faisait mourir, les dévorait, afin de les métamorphoser en son essence immortelle; le séjour dans le monde souterrain équivalait ainsi à une digestion de l’homme par le sur‑homme, et aboutissait à une transsubstantiation. Cette grandiose conception se rencontre dans tous les cycles culturels, même dans les milieux théocratiques, où il est notoire que Kronos mangeait ses enfants afin de les changer en son être parfait. Les pierres employées dans les constructions souterraines envisagées étaient au surplus sacrosaintes à un degré extraordinaire : il suffit, par exemple, à Jason de semer les dents d’un dragon (autrement dit les matériaux du serpent souterrain qui correspondaient aux dents) pour créer des hommes; Deucalion obtint le même résultat en jetant derrière lui les os de sa mère (en d’autres termes les pierres qui, dans la structure identifiée à la Mère Divine, constituaient le squelette).

Par opposition à l’homme-serpent, qui siégeait dans la caverne, l’homme-oiseau séjournait au sommet de la mon­tagne. C’était un personnage céleste. C’est lui qui, à la fin de la réclusion, conduisait les nouveaux initiés au ciel. II était le Libérateur, tandis que le reptile constituait ce que nous avons nommé un Digesteur divinisant. Cette distinction entre serpent et oiseau, entre nagas et garudas, est connue de beaucoup de mythologies. Les deux entités sont, du reste, complémentaires, ce que montrent claire­ment les serpents à plumes de l’Amérique précolombienne. En nombre de pays, au demeurant, serpents et oiseaux en vinrent à désigner les deux sous-groupes qui vivaient en symbiose dans les sociétés dualistes : dans ce cas, le serpent emplumé, dressé à l’omphalos du territoire commun, combinait en lui les caractères divins, propres à chacun des deux éléments de l’ensemble.

Le grand veneur : Dieu Odin. Il est le Dieu des dieux, vénéré et craint à la fois. Dieu de la magie, du savoir, de la guérison et de la guerre, Odin est aussi celui qui décide qui doit vivre ou mourir sur le champ de bataille. Dieu Ase, Óðin vit à Ásgard, et observe le monde depuis son trône Hlidskjálf (ou Hliðskjálf). Ses deux corbeaux, Huginn et Muginn, parcourent le monde et viennent lui chuchoter à l’oreille ce qu’ils ont vu. Difficile d’échapper à l’omniscience du Dieu aux 1000 surnoms. Quand il se déplace, Odin enfourche son cheval à huit pattes, Sleipnir.

Une troisième personnalité, notoire dans les pratiques initiatiques de l’antiquité, était le Grand Chasseur, ou Grand Veneur, qui rabattait ou entraînait les novices vers le monde souterrain. C’était fréquemment, lui aussi, un homme-animal; Odin, par exemple, en qualité de grand chasseur, était un homme-corbeau. En l’occurrence, le trait caractéristique est que ce rabatteur sacrosaint portait, chez tous les peuples, un costume rouge et noir : noir, pour signifier qu’il faisait mourir, et rouge (c’est-à-dire couleur de la vie sans fin), puisque le trépas qu’il infligeait avait pour but une résurrection au sein de l’im­mortalité. Le plus célèbre de ces chasseurs « rouge et noir » est le grand dieu de l’Inde, Rudra-Çiva (Vishnou, lui, est, par excellence, un Libérateur). — Un second trait à relever est que le Grand Chasseur, en tous pays, comman­dait à une troupe d’hommes-animaux, qui l’aidaient dans sa besogne initiatique. Le cortège de ces chiens, de ces chats, de ces boucs, de ces taureaux, de ces chevaux, etc., etc., qui défilaient la nuit dans les villages en poussant des cris effarants, et qui entraînaient brusquement les garçons ou les filles vers un lieu de ténèbres où l’on était « mangé », a laissé des souvenirs dans un grand nombre de folklores. Chez les peuplades de l’ethnographie, le Grand Chasseur et sa meute se sont transformés en Esprits ou en Morts. Nos ancêtres croyaient, vers la fin du paga­nisme, les entendre dans les hurlements du vent.

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C’est de l’examen de la fonction initiatique du sacerdoce primitif, celui de l’Ile Sainte et celui de la Montagne Sacrée, que l’on peut tirer la conclusion que les Dieux d’une religion sont les Prêtres de celle qui l’a initiée et lui a transmis la Tradition Primordiale. C’est-à-dire que les personnages sacrés, représentants de la Grande Eglise néolithique, initiateurs et civilisateurs des peuples de leur temps, sont devenus les Dieux et les Déesses des religions de l’Antiquité. Ces Dieux et ces Déesses ont donc véritablement existé, et la Grande Montagne — L’Olympe des Grecs, le Méru de l’Inde, le Quaf de l’Islam, le Fuji-Yama du Japon, l’Alborj des Perses, les Monts Sinaï, Thabor, Garizim, ou la colline du Golgotha — fut véritablement leur demeure. Comme Guénon et Gordon, comme Lotus de Païni nous les considérons comme des êtres authentiquement « surnaturels », «transcendants », «divins », grâce aux rites qui les ont consacrés et métamorphosés, et qui en ont fait des «Immortels ». C’est véritablement qu’ils ont apporté aux hommes le salut, en leur enseignant, par le rituel de mort et de renaissance, le moyen de retrouver leur nature originellement surhumaine. Enfin, c’est véritablement qu’ils sont des Héros, de parfaits modèles dont il fallait suivre la voie, et les Grands Ancêtres dont tous les initiés sont les fils, les enfants, les descendants spirituels. Cette conception permet de tout tenir pour vrai et réel de ce que disent le Mythe et la Fable, sans renoncer à rien de ce qui, en eux, est transcendant et surnaturel.

le grand veneur

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