Shem hamphorash ou les 72 noms de Dieu

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Le Tétragramme Yhwh, est le Nom divin gouvernant tous les Noms, les 72 Noms lui sont intimement attachés. Il est d’ailleurs assez facile de retrouver la valeur 72 dans le Tétragramme, par une simple triangulation. Pour cela, il suffit d’écrire le nom comme Pythagore le faisait pour la Tétrakys, afin de montrer que le 10 sort du 4 (1+2+3+4 = 10).Ce procédé pythagoricien est totalement en harmonie avec les principes de la Kabbale, car il montre l’émanation des 10 Séfiroth à travers les quatre mondes, ce qu’exprime également le Tétragramme que l’on peut écrire de la même manière, mais dont la somme est alors égale à 72 :

Sachant que les 4 lettres du Nom YHWH  symbolisent les 4 Mondes de la Création : Atsilouth, Beriah, Yetsirah, Assiah, dans lesquels vibrent les 10 Séfiroth, les 72 Noms vont représenter le flux d’énergie qui traverse tous les degrés de la création en s’exprimant à travers les 22 lettres et les 50 Portes de Binah (22+50 = 72).

De là vient le nombre de 72 attributs de Dieu, et des 72 anges qui environnent son trône. Suivant le témoignage du Zohar, c’est ici l’échelle que Jacob vit en songe, formée de 72 échelons, dont le sommet, placé sur les rayons du soleil et de la lune, allait se perdre dans l’immensité des demeures de la Divinité.

C’est par cette échelle que les influences de Dieu descendent et se communiquent à tous les ordres des hiérarchies célestes et à toutes les créatures de l’univers…

Dans la Bible, la première mention de la constitution de l’aréopage des anciens, se trouve dans le Livre des Nombres, lorsque Dieu ordonne à Moïse de rassembler 70 hommes, ayant pour charge d’expérimenter l’inspiration de la Présence divine et de partager la charge de Moïse. « Yahvé dit à Moïse : « Rassemble-moi soixante-dix des anciens d’Israël, que tu sais être des anciens et des scribes du peuple. Tu les amèneras à la Tente du rendez-vous (Ohel moéd), où ils se tiendront avec toi. Je descendrai parler avec toi ; mais je prendrai du Souffle (Rouah) qui est sur toi pour le mettre sur eux. Ainsi ils porteront avec toi la charge de ce peuple et tu ne seras plus seul à le porter » (Nombres 11:16-17).

Ce verset montre que le Souffle de Moïse est partagé en autant de Souffles (Rouahoth) qu’il y a d’anciens. On peut alors en déduire qu’il y aurait non pas 72, mais 70 Souffles (ou Noms). Mais le Talmud compense l’absence des deux, de cette façon : « Nos rabbis ont enseigné : Mais là deux hommes demeurèrent dans le camp. Certains disent : Ils sont restés dans l’urne. Car lorsque le saint, béni soit-II, dit à Moïse : « Rassemble-moi 70 anciens d’Israël », Moïse a dit : « Comme ferai-je ? Si j’en choisis 6 dans chaque tribu, il y en aura 2 de plus, si j’en choisis 5, il en manquera 10. Si d’autre part j’en choisis 6 dans certaines tribus et 5 dans d’autres, je causerai la jalousie parmi les tribus ». Que fit-il ? Il choisit 6 hommes [hors de chaque tribu] et prit 72 étiquettes, il inscrivit le mot « anciens » sur 70 et en laissa 2 blanches. Qu’il mélangea puis leur fit choisir.  » (Sanhedrin 17a ).

Car, en effet, les 70 anciens étaient bien 70, car deux restèrent à l’écart, comme le montre plus loin le Livre des Nombres : ‘Yhwh descendit dans la nuée et lui parla : Il prit du Souffle qui était sur lui et le donna aux soixante-dix hommes, les anciens. Et c’est lorsque le Souffle reposa sur eux, qu’ils furent inspirés, sans fin. Deux hommes restèrent dans le camp. Le nom de l’un était Eldad et le nom de l’autre Meidad. Le Souffle reposait sur eux. Ils furent parmi les inscrits mais ne sortirent pas vers la tente. Ils furent inspirés dans le camp ». (Nombres 11:25-26). Il y avait donc bien 70 anciens plus 2. Entre les nombre 70 et 72, il existe cette frange qui se remarque toujours entre la rigidité du Principe et la flexibilité de la Loi.

Ainsi, les 70+2 anciens, représentent les 72 Souffles, qui rayonnent autour de la tente de la Présence divine et qui portent en charge les créatures. Ce sont les 70+2 anciens faisant rayonner la Présence de l’Ancien des Jours. Le verset 17 du chapitre 11, du livre des Nombres, contient, en plus du mot Souffle, une allusion numérique aux 72. Ce verset est fait de deux phrases, l’une commençant par le mot « vayaradati« , « et Je descendrai … » et l’autre par « vassimti » « et Ainsi… ». Ces deux mots d’introduction ont une valeur par rang de 72. La valeur par rang, n’est pas la valeur numérique d’une lettre, mais sa place dans l’alphabet. « Vayaradati : 6+10+20+4+22+10 = 72. « Vassimti » : 6+21+13+22+10 =72.

Les 72 anciens sont les maillons essentiels de la transmission de la tradition, de la Kabbalah, dont le Souffle traverse les âges. Le talmud mentionne : « R. Shiméon Ben Azzai dit : J’ai une tradition (meqoubal) de la bouche des 72 anciens  » (Zévah’im 11 b).

La transmission de la tradition, passe par le texte de la Torah de Moïse, les 72 anciens sont également les Septante sages érudits qui traduisirent la Bible en grec : « Rabbi Judah dit : Lorsque nos Maîtres ont autorisé le grec, ils l’autorisèrent seulement pour un rouleau de la Torah. En raison de l’incident en liaison avec le Roi Ptolémée, comme il est enseigné : « Cela concerne le Roi Ptolémée qui rassembla 72 anciens et les plaça dans 72 salles, sans leur indiquer la raison pour laquelle il les avait réunis. Il pénétra dans chacune d’elles et disant à chacun : « Traduis pour moi la Torah de Moïse ton Maître  » (Mas Meguilah 9a).

Les 72 Souffles représentent le temps et les cycles structurant l’espace. L’espace est symbolisé par la robe du Grand Prêtre et par le, rideau du Temple. Le Talmud remarque que ces deux espaces contiennent aussi symboliquement le nombre 72. C’est ainsi que les noms des 72 anges sont formés des trois versets mystérieux du chapitre XIV de l’Exode, savoir, les 19, 20 et 21, et lesquels versets, suivant le texte hébreu, se composent chacun de 72 lettres hébraïques. La première diction du 19e verset commence par vaisa, ויסע, le 20e, par vaibo, ויבא, et le 21e, par vaiet, ויט.

La manière d’extraire les 72 noms de ces trois versets fait ainsi :

Écrivez d’abord séparément ces versets, formez-en trois en commençant par la gauche, ensuite prenez la première lettre du 20e verset, qui est celui du milieu, en commençant par la droite ; ces trois premières lettres forment l’attribut du génie : en suivant le même ordre jusqu’à la fin, vous avez les 72 attributs des vertus divines. Si vous ajoutez à chacun de ces noms un de ces deux grands noms divins, Iah, יה, ou El, אל, alors vous aurez les 72 noms des anges, composés de trois syllabes, dont chacun contient en lui le nom de Dieu, suivant ce verset de l’Écriture, « Mon ange marchera devant vous ; observez-le, car il porte mon nom en lui ».

Les Kabbalistes chrétiens : Johann Reuchlin et le « De arte cabalista »

Rappelons que les 72 noms ineffables de Dieu (ou plus exactement le Nom de 72 syllabes ou de 72 noms, appelé Shem hamphorash, c’est-à-dire le grand Nom de Dieu développé) dont on rencontre l’attestation la plus ancienne dans le Livre Bahir, sont issus des spéculations kabbalistiques sur les trois versets d’Exode XIV, 17-21. Chacun de ces versets comprend 72 lettres. La première lettre du premier verset soit un W, la dernière du second verset (H) et la première du troisième verset – W – constituent la première syllabe (WHW) du Nom. La seconde lettre du premier verset (Y), la pénultième du second verset (L) et la seconde du troisième verset (Y) constituent la deuxième syllabe (YLY), et ainsi de suite jusqu’à 72 syllabes. A partir de ces 72 syllabes ou noms de Dieu, on tire les noms des 72 anges en ajoutant à chacune d’elles soit ‘eL (= puissance), soit YaH (= dieu). Ainsi obtient-on WHWYH pour le nom du premier ange, YLY’L pour le nom du second, etc. Enfin à chacun de ces noms les kabbalistes faisaient correspondre, en partie pour des raisons mnémotechniques, un verset du livre des Psaumes, verset qui contient à la fois le Tétragramme YHWH et le nom de l’ange. Par exemple, au premier ange convient le verset 4 du psaume 3 : We-‘atàH YHWH magen be ` adi kebhOdi ù-mérim rôshi (Et toi YHWH, bouclier devant moi, ma gloire et celui qui élève ma tête).

Cette doctrine de la série des 72 anges composant le Shem hamphorash fut répandue à la Renaissance dans le monde latin par Johann Reuchlin (1455-1522) et en France par Jean Thenaud, cabaliste à la cour du Roi François 1er. Dans le livre III de son De Arte cabalistica, (que nous publierons à l’attention de nos lecteurs) imprimé en 1517, il explique en effet en détails le système de formation de ces noms « qui dérivent tous de la propriété de la Clémence » et comment « appelés par ces symboles les anges portent secours aux hommes, à la louange et à la gloire de Dieu ineffable ». Ainsi ce fut « avec leur aide que Moïse, fameux par les miracles qu’il opéra de sa main, ouvrit la mer jusqu’au sec ». La connaissance de ces noms et leur manipulation, qui peut affecter aussi bien le monde physique que le monde spirituel, ouvre donc la voie à une kabbale pratique, c’est-à-dire à une magie théurgique. Cependant, bien qu’une telle magie ne fût pas confondue avec la magie noire (shemot ha-tum’ah), laquelle marque une rébellion de l’homme contre Dieu, son exercice ne fut pas encouragé par les kabbalistes qui estimaient que l’on n’y devait recourir que dans le cas de la plus extrême nécessité, avec une grande pureté de cœur et à ses risques et périls. Même les « maîtres des noms » (ba’alei shemot), que les kabbalistes espagnols distinguaient clairement des maîtres de la doctrine des sephirot (ba’alei ha-sephirot), furent souvent attaqués, notamment par Abulafia qui ne voulait pas qu’on pût assimiler cette kabbale pratique à son propre enseignement sur « Le chemin des noms ».

C’est la raison pour laquelle Reuchlin, qui avait déjà procédé dans son De Verbo mirifico (1494), à une critique radicale de la magie en ne laissant subsister que les « nomina numina », formés par Dieu ou par les anges sur son ordre, considère surtout ces noms comme une voie pouvant nous mener jusqu’à Dieu en tirant notre âme de sa somnolence : les noms divins, explique-t-il, « incitent nos sens par leur forme.

Reuchlin et Agrippa : le De Occulta Philsophia

Cornelius Agrippa

La Table des 72 anges indique en outre pour chaque signe du zodiaque le nom de Dieu et l’ange prince qui lui correspondent. On obtient ainsi :

   Signe                                            Nom de Dieu                                     Ange prince

  • Bélier                                            Ieoa                                          Matthadiel
  • Taureau                                       Ieheau                                        Asmodel
  • Gémeaux                                    (omis)                                         Ambriel
  • Cancer                                         Hahuhai                                    Mariel
  • Lion                                             Hueiah                                      Barachiel
  • Vierge                                          Hahaiu                                      Hamaliel
  • Balance                                       Vehaiah                                     Zuriel
  • Scorpion                                     Vehahaï                                     Barbiel
  • Sagittaire                                   Veiahah                                     Adnekiel
  • Capricorne                                Haievah                                    Hanael
  • Verseau                                       Haiehu                                      Gabriel
  • Poissons                                      Heavi                                         Barchiel

Dans son livre, Reuchlin donne la liste des anges :

« Il y a donc 72 noms sacrés qu’on appelle Schemhamphoras formant un seul nom, c’est-à-dire le nom qui développe le très saint Tétragramme. Ils doivent être ainsi prononcés avec crainte et tremblement par les hommes dévots et dédiés à Dieu dans l’invocation des anges Vehuiah, Ieliel, Sitael, Elemiah, Mahasiah, Ielahel, Achaiah, Gahethel, Haziel, Aladiah, Laviah, Hahaiah, Iezalel, Mebahel, Hariel, Hakamiah, Loviah, Caliel, Leuuiah, Pahaliah, Nelchael, Ieiaiel, Melahel, Haiviah. Nithhaiah, Haaiah, Ierathel, Saeehiah, Reiaiel. Omael, Lecabel, Vasariah, Iehuiah, Lebabiah, Chavakiah, Manadel, Aniel, Haamiah, Rehael, Ieiazel, Hahahel, Michael, Veuialiah, Ielahiah. Sealiah, Ariel, Asaliah, Mihael, Vehuel, Daniel, Hahasiah, Imamiah, Nanael, Nithael, Mebahiah, Poliel, Nemamiah, Ieialel, Harahel, Mizrael, Umabel, Iahhael, Anaviel, Mehiel, Damabiah, Mavakel, Eiael, Habuiah, Rechel, Iabamiah, Haiaiel, Mumiah. » page 239 de la traduction française.

La liste des soixante-douze noms des anges transcrits en caractères latins, donnée par Reuchlin fut reprise par Cornelis Agrippa de Nettesheim dans son De Occulta Philosophia (1531) avec quelques variations orthographiques qui ne sont pour la plupart que des coquilles dues aux imprimeurs, puis par Kircher, toujours dans son Oedipus Aegyptiacus, qui tenta d’en améliorer la transcription. C’est la liste de Reuchlin et la table d’Agrippa (reproduite ci-dessus).

Quant à la litanie des 72 versets des psaumes, Reuchlin l’avait déjà donnée dans son De Verbo mirifico avant de la reproduire dans son De Arte cabalistica.

Si Agrippa ne donna pas les 72 versets renfermant les 72 noms d’anges, en revanche il mit en correspondance ces anges avec les signes du Zodiaque, les érigeant par conséquent en chronocratores.

A leur sujet il observe en effet :

« Ce sont eux qui président au soixante-douze quinaires du ciel, à pareil nombre de nations, de langues et de parties du corps humain, et qui coopèrent avec les soixante-douze vieillards de la synagogue et les soixante-douze disciples du Christ. »

Et à propos du nombre 72 il avait auparavant noté :

« Ce nombre a une grande conformité avec le douzième. C’est ainsi qu’en matière de choses célestes chaque signe étant divisé en six parties, résultent soixante-douze nombres quinaires, auxquels président autant d’anges, et autant de noms de Dieu influent dessus. » En d’autres termes, à chaque ange sont attribués cinq des 360 degrés de la sphère céleste. Ainsi que l’explique Lenain dans La Science cabalistique ou l’art de connaître les bons génies (1823), ces 72 anges ou génies « gouvernent les 72 rayons du ciel, et les 72 parties du cercle qui contiennent l’espace de 5 degrés, ou 5 jours que chacun d’eux préside. Les mages et les cabalistes commencent l’année au premier degré du bélier, c’est-à-dire le 20 mars. Le premier génie domine depuis le 20 mars jusqu’au 24, inclusivement, et ainsi de suite; en suivant cet ordre, vous arriverez au 72 génie, qui domine depuis le 10 mars jusqu’au 14; il reste donc cinq jours, lesquels sont consacrés, par les Égyptiens et les Perses, à cinq divinités, nommées Epagomenés, qu’ils appelaient la Pentade sacrée. Les cabalistes modernes attribuent ces cinq derniers jours aux intelligences qui président aux quatre éléments (suivant les anciens), aux quatre points cardinaux, aux quatre quarts du cercle qui correspondent aux équinoxes, aux solstices, et aux quatre saisons : il reste un jour, il est consacré au grand principe (Dieu); quand l’année est bissextile, il en reste deux : nombre attribué au génie de l’homme.

à paraitre

le dossier complet dans cet ouvrage : bientôt en souscription