Ancestralité et lointaine origine saurienne des premiers hominidés

Résumé : Yvette Deloison, CNRS en 1999) ne voient pas la bipédie comme une acquisition récente des hominidés mais plutôt comme un ancien acquis. Ils avancent la théorie que les hominidés ont un ancêtre dont la bipédie était le principal mode de locomotion. Deux idées en découlent naturellement :
– les grands singes actuels utilisent moins la bipédie que leur (notre) ancêtre commun, et sont devenus arboricoles .
– la lignée humaine n’a pas adopté ce mode de locomotion puisque nos ancêtres le maîtrisaient déjà… elle a publié : L’homme ne descend pas d’un primate arboricole, Yvette Deloison

Des singes déjà bipèdes il y a plus de 11 millions d’années

Une espèce inconnue de grand singe bipède qui vivait il y a 11,62 millions d’années a été découverte en Allemagne. C’est la plus vieille preuve de bipédie jamais découverte chez un primate.

C’est un drôle de singe qui se promenait dans les forêts d’Allemagne, il y a 11,62 millions d’années. Le représentant d’une espèce inconnue, mis au jour sur le site de Hammerschmiede (Allemagne) et baptisée Danuvius guggenmosi. A l’instar des hominines, les ancêtres des hommes et leurs proches cousins qui sont apparus au moins 4 millions d’années plus tard, il marchait sur ses deux pattes arrière. Une découverte inédite pour une période aussi lointaine effectuée par Madelaine Böhme de l’Université de Tübingen (Allemagne) et publiée dans la revue Nature.

Ce sont les restes d’au moins quatre individus qui ont permis à la chercheuse allemande et son équipe de conclure à la découverte de cette nouvelle espèce de grands singes. Il y a 11 millions d’années, l’Europe n’avait pas grand-chose à voir avec ce que nous connaissons. La faune y était particulièrement riche. Les animaux évoluaient globalement dans un environnement tropical. Sur le site de Hammerschmiede, de nombreuses autres espèces de vertébrés ont été mises au jour. Il n’y a donc rien de très surprenant d’imaginer un singe se promener dans ces contrées. En revanche, le mode de locomotion proposé par Madelaine Böhme et son équipe a de quoi surprendre. « En fait, ces conclusions confirment des hypothèses qui faisaient débat dans la discipline, explique Gilles Berillon paléoanthropologue au Muséum national d’Histoire naturelle. La bipédie, un des modes posturaux parmi de multiples disponibles dans leur répertoire, a très bien pu être utilisée chez certains grands singes dans des contextes différents et de manière diversifiée. Ici, la forme du tibia par exemple laisse peu de doute sur sa bipédie : il est vertical et perpendiculaire aux pieds. Pareil pour les hanches qui indiquent clairement la manière dont s’emboîtaient les fémurs  » sous  » le pelvis. »

« La bipédie est donc un phénomène bien plus divers qu’on a pu le penser. »

« Les plus vieux hominines que l’on connaisse datent d’environ 7 millions d’années et ont été découverts en Afrique de l’Est et centrale, ajoute Guillaume Daver paléoanthropologue à l’université de Poitiers. L’environnement d’alors en Europe connaissait une période de mutation où des forêts tropicales laissent place à des paysages plus ouverts. » On a longtemps pensé que c’est ce changement climatique qui avait poussé les ancêtres des hommes vers la bipédie en Afrique. Or Danuvius guggenmosi vivait, lui, dans un environnement boisé, dans des forêts qui devaient ressembler aux forêts tropicales. « Danuvius guggenmosi qui devait peser entre 17 et 31 kg marchait donc sur deux pattes mais se suspendait aussi aux arbres, continue Guillaume Daver. Pour se déplacer, il alternait sans doute ces deux modes de locomotion. » « On assimile la bipédie au fait de se redresser ; en fait ce mode, qui existe chez les grands primates a pu être davantage utilisé au dépens d’autres comme la quadrupédie ; ce n’est donc pas littéralement un redressement, ajoute Gilles Berillon. C’est une caractéristique qui a pu exister chez d’autres grands singes du Miocène, comme les oréopithèques qui ont vécu un peu plus tard, il y a 8 millions d’années. De nos jours, on constate que d’autres espèces de singes peuvent marcher sur deux jambes, bien qu’on n’en trouve pas les marqueurs habituels sur leur squelette. La bipédie est donc un phénomène bien plus divers qu’on a pu le penser. »

Les grands singes ont fini par disparaître d’Europe il y a 8 millions d’années. Si cette découverte permet de confirmer l’hypothèse d’une bipédie précoce et diversifiée, elle alimente aussi un autre débat entre spécialistes. Les grands singes bipèdes, ancêtres des premiers hommes, sont-ils les descendants de ces singes européens ? « Il y a deux solutions, explique Guillaume Daver. L’Europe a connu un bouleversement climatique qui a profondément modifié certains environnements. Ces primates ont donc très bien pu tout simplement disparaître, sans donner de descendance. Mais rien n’indique non plus, que ces singes n’ont pas suivi cette rétractation du couvert forestier vers l’Afrique. » Les forêts tropicales n’ont pas disparu subitement d’Europe. Leur superficie s’est rétrécie, leurs habitants, plutôt que de s’adapter à de nouveaux environnements, ont pu suivre ce rétrécissement qui, au fil des millénaires et des générations, les aurait confinés en Afrique. Une chose est certaine, quand Homo erectus, le plus vieux représentant du genre Homo connu en Europe, est arrivé d’Afrique il y a plus de deux millions d’années, il n’a croisé sur sa route aucun autre grand singe bipède.

De la bipédie originelle

Une chose apparait aujourd’hui bien plus qu’hier : nous ne descendons en aucun cas des grands singes car ceux-ci sont bien plutôt les représentants d’une dévolution que son origine. Regardons de plus près cette remise en cause fondamentale.

THEORIE DE LA BIPEDIE ET PROCESSUS

PRÉ-ADAMIQUE DE L’HOMINISATION

«  En élargissant notre horizon dans le passé et dans l’avenir, il est impossible que nous ne nous rendions pas compte que dans deux ou trois millions d’années la race humaine sera radicalement transformée, métamorphosée, et que cette métamorphose sera si profonde qu’elle mettra, entre les êtres de ce vertigineux avenir et nous-mêmes, un abîme aussi net qu’entre l’animal et nous, qu’entre le végétal et l’animal, qu’entre la pierre et le végétal. Que se sera-t-il passé ? Rien que de très normal. Nos sciences, nos conceptions de la vie se seront modifiées de plus en plus, se seront métamorphosées par la marche même des choses ; peut-être serons-nous complètement des routiniers, des automates, des instinctifs de notre genre humain, et ce qui restera en nous de « libre esprit », purement moral, aspirera ardemment à un autre ordre de choses, à un nouvel aspect de l’existence. L’Homme lui-même par un moyen que son génie lui suggérera aidera l’homme à l’avènement d’un nouvel être, il fera glisser la race humaine dans un nouvel ordre de l’existence. » Lotus de Païni (Les trois totémisations)

« A la fin du secondaire, à l’aube du tertiaire, nous constatons que l’évolution animale s’est scindée en deux ; deux types très caractéristiques se montrent : le marsupial et le pachyderme, deux types dont les impulsions psychiques s’opposent radicalement les unes aux autres et forment désormais, dans la grande faune, deux lignées très distinctes. Dans l’une, l’animal VEUT SE TENIR DEBOUT, mettre son épine dorsale verticale, dans l’autre, IL VEUT RESTER SUR SES QUATRE PATTES. Cette simple volonté décide de toute l’orientation future de l’existence des êtres. L’humanité est là en puissance ! Dès ce jour ces deux lignées suivront leur route particulière, creusant un abîme des plus profonds entre leur volonté et leurs formes extérieures. (…) et plus dans le même chapitre : Donc pour retrouver l’origine de ce « Désir de se tenir debout » il faut remonter au-delà de l’aube du tertiaire, remonter dans le secondaire où vivent les grands sauriens. En effet, c’est le gigantesque LEZARD qui a, le premier des êtres, « cette volonté de se tenir debout ». Le type marsupial mammiférien se dégage de la « psychée » de ce saurien à sang froid. »

Cet extrait frappa beaucoup les intellectuels de l’époque qui y virent une dimension visionnaire de l’auteure mais sans pourvoir l’expliquer vraiment, un simple ressenti. Mais aujourd’hui grâce aux travaux de deux femmes brillantes, Anne Dambricourt Mallassé et Yvette Loison,  d’authentiques scientifiques, ces paroles prennent tout leur sens et nous permettent en retour de porter l’intérêt qu’il convient au reste du texte. Lotus de Païni avait vu juste, voyons comment à la lumière des dernières découvertes.

Le fait de se tenir debout et de marcher grâce à ses deux pattes postérieures existe depuis (presque) le début de l’apparition de la Vie sur Terre : le premier squelette identifié d’un animal se déplaçant ainsi est celui d’un petit reptile (eudibamus cursoris) qui vivait il y a environ… 300 millions d’années. C’est dire qu’il s’agit d’une affaire ancienne et on peut certainement affirmer que la bipédie a été probablement, à un moment ou à un autre, un facteur adaptatif majeur dans l’évolution de bien des espèces animales.

L’explication la plus souvent avancée du développement de l’intelligence humaine repose précisément sur l’apparition de la bipédie chez un primate supérieur, l’ancêtre commun du genre homo (voir le sujet : le dernier ancêtre commun), une avancée qui, en libérant la main, aurait permis notre progressif développement cérébral. Est-ce si sûr ? D’éminents scientifiques avancent au contraire que la bipédie n’a été qu’un facteur parallèle – mais non générateur – de ce développement, hypothèse qui s’avère aujourd’hui à la lumière de nouvelles découvertes comme particulièrement faible. Alors, bipédie indispensable à l’apparition de « l’intelligence » ou non ?

La bipédie dans la Nature

Les animaux capables de bipédie sont en définitive assez nombreux mais ils marchent alors avec le buste très incliné vers l’avant et toujours équilibré par la queue : c’est le cas des oiseaux – et avant eux des dinosaures bipèdes – mais également des kangourous, de certains lézards, etc. D’autres encore, comme, par exemple, les mangoustes, les girafes, les zvenjo-debout-copie-1.jpgfélins ou les chiens, arrivent à se dresser sur leurs pattes postérieures afin d’adopter une position verticalisée mais il s’agit en pareil cas d’attitudes transitoires (pour observer ou attraper un objet) qui n’a rien à voir avec une bipédie réelle.  On peut donc affirmer que, contrairement aux oiseaux, les mammifères sont peu doués pour la bipédie : en réalité, seuls l’homme et le pingouin sont capables de marcher longuement, buste vertical, sur leurs membres inférieurs.

Le cas des primates est toutefois assez particulier : habitués à un habitat spécial qui est celui des arbres, ils ont des possibilités de se mouvoir assez étendues, alliant les sauts d’une branche à l’autre, la quadrupédie au sol, le grimper et, parfois, une vraie bipédie mais qui est loin d’être exclusive. Il faut se tourner vers certains grands singes pour rencontrer des bipèdes un peu plus qu’occasionnels : les singes gibbons sont bipèdes lorsqu’ils sont au sol… c’est-à-dire pratiquement jamais alors que les chimpanzés sont bipèdes sur leurs branches et parfois à terre (quand, par exemple, ils transportent de la nourriture). Les gorilles qui, eux, vivent à terre, ne sont bipèdes que lorsqu’ils se font menaçants, probablement dans le but d’augmenter leur taille tandis qu’ils se frappent violemment la poitrine en un geste d’intimidation puissant. En fait, parmi les grands singes, seuls les bonobos sont réellement bipèdes (même s’ils marchent sur leurs phalanges) et ressemblent ainsi parfois aux hommes, bipèdes exclusifs, même si ces derniers ont gardé de leur passé arboricole une certaine habilité à se suspendre.

Les origines de la bipédie

Ces origines sont bien difficiles à définir. Classiquement, on a présenté cette faculté de marcher sur ses deux jambes comme une acquisition progressive aboutissant à l’Homme, seul capable de la mettre réellement en pratique ; les premiers hominidés, précurseurs de Sapiens, se seraient progressivement relevés pour aboutir à l’homme moderne (voir le célèbre evolution-de-l-homme1.jpgdessin ci-contre) mais il s’agit là encore d’un apriori et, en réalité, d’une approche certainement finaliste. Une approche d’autant plus facile à défendre quand on part de l’arrivée pour refaire l’histoire (déjà choisie) à l’envers. En réalité, la situation est bien plus complexe.

Parler de « redressement » progressif des précurseurs successifs de Sapiens, c’est d’abord privilégier un développement purement terrestre… alors que les singes (et les grands singes) vivent essentiellement dans les arbres ! Il n’est donc nullement prouvé que cette approche soit la bonne : peut-être la verticalité est-elle précisément apparue chez des individus habitués à se suspendre et secondairement descendus sur le sol… Les deux théories s’opposent et ont leurs partisans. On peut les résumer ainsi :

Théorie du gibbon : c’est la théorie classique (et historique). Comme le singe de ce nom, la bipédie serait la conséquence de l’acquisition d’une position verticale lors du passage des individus d’un arbre à l’autre. Certains individus descendent au sol en conservant leur position verticale, la bipédie se développant peu à peu.

Théorie du chimpanzé : ici, la bipédie serait apparue dans la savane chez des grands singes qui se sont « redressés » pour voir au loin et ainsi anticiper les attaques des prédateurs ou repérer plus facilement sourceschimpanze.jpg de nourriture et points d’eau. Il s’agit là d’une théorie entrée en faveur avec la notion de nos origines africaines, surtout lorsqu’était évoquée comme certaine la théorie de l’East Side Story, malheureusement aujourd’hui battue en brèche. D’où, chez les spécialistes de la question, un certain regain de l’autre théorie, celle du gibbon.

Mais les bonobos que l’on évoquait un peu plus haut ? Ne démontrent-ils pas que la marche sur les pattes arrière est possible depuis fort longtemps ? Et s’il n’existait pas LA bipédie mais des bipédies, comme autant d’évolutions convergentes ? Des bipédies d’origines diverses ?

De nombreuses théories ont été avancées pour expliquer cette singulière particularité de ne se servir que de ses membres inférieurs pour se déplacer. En voici quelques-unes :

à suivre dans le livre

 


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