La méthode psychanalytique de Freud, dans la relecture de Jacques Lacan, est fondée sur le phonème et non pas sur l’expression grammaticale, sur l’analyse du langage, selon les principes même de ce que les alchimistes à la suite de Fulcanelli dénomment cabale phonétique. « cà parle ! «
LES CONSONNES SONT LE SUPPORT D’UNE TRANSMISSION RÉSERVÉE…
Les premières techniques de cryptographie furent celles qui consistaient à supprimer ou à coder les voyelles d’un texte. Les écritures sanscrite, arabe et hébraïque ne notent que les consonnes ; la graphie souligne la valeur d’information de la consonne qui, dans la langue, est plus déterminante que la voyelle, dont la supériorité reste d’ordre métaphysique. Toutefois l’importance du rôle de la consonne apparaît au niveau de la langue et de l’écriture, c’est-à-dire dans la perspective de l’émanation phonématique sur un plan inférieur. Si, sur le plan métaphysique, les consonnes sont nettement subordonnées aux voyelles, c’est que les consonnes n’ont pas d’être propres. Leur nom même vient de ce qu’elles ne sont qu’une manifestation extérieure de l’énergie des voyelles. En effet, les consonnes ne peuvent pas être prononcées. Il leur faut s’appuyer sur une voyelle qui est ordinairement E dans la prononciation enfantine de celui qui apprend à épeler (ke, pe, me, le, etc.) Les voyelles animent les consonnes, leur permettent de donner naissance, par leur combinaison mutuelle, aux syllabes et aux mots. Ce rapport de subordination est résumé lorsqu’on dit que les voyelles sont ce qui exprime et les consonnes ce qui est à exprimer.
LES VOYELLES SONT LE FONDEMENT D’UNE PRATIQUE (PRAXIS) ÉSOTÉRIQUE : LA VOIE DU SON.
L’immortalité ne serait pas une vérité pour tous les hommes, mais seulement pour ceux qui sont parvenus à s’accomplir selon une voie. Dans le taoïsme, il s’agit de la réalisation de l’état d’Homme Véritable, qui est l’état de l’Adam Kadmon des Kabbalistes juifs. Pour les gnostiques, le corps de gloire serait l’ultime consécration de celui qui s’émanciperait ainsi totalement de.la sphère du destin. Les Cathares assimilaient cette construction du corps de gloire à un tissage. Jacques de Baisieux glose le mot amor a senefie en sa partie sans, et mor senefie mort ; Or l’assemblons, s’aurons sains mort.
Ainsi ceux qui ont obtenu l’amour sont ceux qui ne meurent pas, ceux qui vivront dans un autre siècle de joie et de gloire
Ainsi trouve-t-on dans l’Apocalypse selon saint Jean (I-18) la formulation :
Ne crains rien, c’est moi, le Premier et le Dernier, le Vivant : J’ai été mort, et me voici, Vivant pour les siècles et les siècles, détenant la clef de la mort et de l’Hadès.
Une idée semblable est exprimée par Carlos Castaneda dans Le don de l’Aigle relativement aux traditions amérindiennes. La création du corps de gloire ou d’immortalité est un objectif avoué de l’alchimie, et il le fut de certains rites maçonniques, ainsi celui des Frères d’Asie. Mais peut-être cet objectif était-il implicite dans les initiations de métiers et les compagnonnages ? C’est la conclusion du propos de Maurice Magre dans La clef des choses cachées, que de l’étude que Jacques Trescases consacre à nier cette évidence dans La symbolique de la mort ou herméneutique de la résurrection. N’est-ce pas ce que suggère Grasset d’Orcet lorsqu’il distingue, ainsi que nous l’avons déjà dit, ceux de Morvan « mort vient, ou ceux qui viennent de la mort », de ceux de Murcie « mort che, ou ceux qui choient dans la mort ». Dans le cas des initiations artisanales, ainsi que nous le verrons, la voie du son, dénommée hésychasme depuis les textes des Pères grecs orthodoxes, était probablement la méthode pratique (praxis) de cette réalisation. C’était particulièrement, semble-t-il, l’ascèse de réalisation proposée par les arcana arcanorum des 87e au 90e degrés des rites égyptiens de Memphis et Misraïm, au moins dans ceux de ces rites (s’ils existent encore) où une transmission orale est effective. Je suppute que ce secret était aussi celui de l’Arche Royale, pour le maintien de laquelle les ancients combattirent victorieusement sous la conduite de Laurence Dermott, ce que semble abonder Jean Tourniac dans Les tracés de Lumières.
Selon Baruch de Spinoza (1632, 1677) excommunié le 27 juillet 1656 par la synagogue d’Amsterdam :
[…] en hébreu les voyelles ne sont pas des lettres. C’est pourquoi les Hébreux disent que les voyelles sont l’âme des lettres et que les lettres sans voyelles sont des corps sans âme. À la vérité, pour que cette différence entre lettres et voyelles soit plus clairement comprise, on peut très bien l’expliquer en prenant l’exemple de la flûte que les doigts touchent pour jouer ; les voyelles, c’est le son de la musique ; les lettres, ce sont les trous touchés par les doigts.
Les consonnes ressortissent à l’écriture et les voyelles à l’oralité. Les voyelles ont une importance, qui ne peut être occultée que par l’écriture, elles sont l’âme des paroles dont les consonnes sont le squelette. C’est ce qu’illustre le cri des Dévoirants : E U A I O E, lors des hurlements symboliques (pour les cérémonies d’inhumation par exemple). Ces cris seraient les mots sacrés de JesUs, MArIe, JOsEph par simple disparition des consonnes. En effet l’on ne saurait hurler des consonnes, et cette construction est le contretype de celle qui est utilisée dans le grimoire, ce qui semble venir en renfort de la théorie de Grasset d’Orcet.
A évoquerait dans le discours le grave, le parfait, l’ample, le total, le tragique, l’étrange, le majestueux ;
E, l’être, l’état, la sérénité ;
I, le brillant, le rythme, le devenir, le lyrique, l’illusoire ;
O, le clos, le mort, l’ordonné, l’ordre, le haut, l’inexorable ;
U, la musique, le murmure, la durée, l’étude, la culture, l’écoulement.
Cependant, les mots, cris, devises constitués des seules voyelles sont rares. Je relève cependant les références suivantes, et elles ont peu ou prou un rapport entre elles.

- La devise du Saint Empire Romain Germanique : A E I O U. On trouve ces lettres sur les édifices construits par Frédéric III (1440, 1493), sur ses monnaies, ses sceaux, ses ustensiles. Il y a de nombreuses interprétations de ces cinq voyelles, en tout une soixantaine en langues allemande et latine. La plus probable est la suivante :
Aquila Ejus Juste Omni a Vincit.
L’empereur lui-même écrivait dans son journal :
Austria Est Imperare Orbi Universo.
(Il appartient à l’Autriche de commander à l’Univers).718
- Le Tétragramme imprononçable (ineffable) YHVH, auquel on substituait, en Israël, le mot Adonaï, Seigneur. Ce tétragramme était le mot des maîtres maçons sous la forme : YHVH, auxillia (être éternel, aide-nous Mot volontairement occulté dans la franc-maçonnerie moderne719.
En fait, si l’hébreu possède bien cinq voyélisations essentielles, réparties en six signes, il ny a que quatre sonorités principales : A, E, I, O, car k OU n’est qu’une accentuation particulière de O. […]
Or, le célèbre Nom divin du peuple hébreu ne se compose en fait que de voyelles, et même des quatre voyelles essentielles soulignées plus haut, mais disposées d’une certaine manière :
IEOA
il est très probable que ce nom divin ne se prononce pas, il se module, il se chante d’une certaine façon.
C’est ce que semble confirmer le chant des compagnons :
Le chant n’est pas une chanson. Très symbolique, k chant consistait à faire entendre trois sons : E, O, A, allusion au mot Jehova. À l’image de celui des Compagnons Blanchers-Chamoiseurs, de nombreux rituels du XIXe siècle insistaient sur la différence du chant et des hurlements. Dans tous les cas, le chant devait être noble et majestueux, alors que les hurlements imitaient les cris des animaux pour faire passer un message rituel. Le chant ne se pratique plus depuis le début de notre siècle.
En réalité, le chant semble être abandonné fin du XIXe siècle, si nous en jugeons par Devoir des compagnons blanchers et chamoiseurs réunis, de J.F. Piron dit Vendôme-la-Clef-des-Cœurs. Celui-ci, qui date de Paris 1840, sa rédaction du devoir de Maître Jacques, insiste sur la nécessité de ce devoir de mémoire, la Révolution et les guerres de l’Empire ayant tari le recrutement des compagnons. Ce manuscrit contient des secrets d’une grande richesse que commente Lucien Carny. En tout premier lieu, le triangle de gloire, symbole le plus sacré que nous ayons, symbole de la divinité auréolée d’une gloire en tête de nos arriats. II est figuré en chambre et pour la réception d’un aspirant, il s’exécute en trois temps : du bras droit, du pied, et sera accompagné du chant des trois sons sacrés. La main droite, élevée un peu plus qu’à la hauteur de l’oeil qui doit le fixer, puis vers l’épaule droite et sur le cœur ; à chaque mouvement correspond le chant avec crainte et respects d’un des sons sacrés E
A et le pas du pied droit qui trace le triangle symbolique.
Le chant consiste à faire entendre les trois sons contenus dans le nom de JEHOVA écrit en hébreu dans le triangle symbolique de la Divinité.
Le ton de ces chants varie selon des circonstances précises. Ils sont proférés presque toujours trois fois en mémoire du coq et des reniements de saint Pierre. En signe d’isolement et de détresse les compagnons affectèrent plus ou moins dans leur chant le cri plaintif du chien qui a perdu son maître, emblème de la fidélité.
Cette coutume leur a valu l’appellation de Chiens ; l’origine en était la pénitence et le remords de saint Pierre. Pour les cérémonies funèbres, le chant sera sourd et prolongé. Dans les périls, le chant était un cri de ralliement. Le Devoir recommande d’exprimer clairement les trois sons contenus dans le mot Jehova, seule base du chant des compagnons du Devoir dont le véritable sens est Dieu à mon secours. On voit ici que le chant funèbre n’est pas un hurlement et nous avons déjà rencontré cet appel au secours de Dieu.
Les pas ou danse du Devoir de Maître Jacques sont exécutés en mémoire du roi David, qui dansa devant l’Arche d’Alliance. Très clairement expliqués, ils figurent toujours un symbole, le triangle, la couronne d’épines, le chiffre de quatre.
Christ, les trois clous de la croix, Jésus, Marie, Joseph. Le chiffre symbolique se retrouve dans le choix des trois noms de villes, changés chaque année, ainsi que la couleur de réunion, curieuse sacralisation trinitaire de trois villes du royaume.
LE journal du Compagnonnage, dans le numéro spécial de janvier 1952 qu’il a consacré à l’Exposition des compagnonnages de 1951-1952 au Musée des Arts et Traditions populaires, a reproduit photographiquement une page de l’interrogatoire d’un compagnon cordonnier du Devoir, à la Rochelle, en 1810, dont voici le passage principal :
Q : Quel serment, vous a-t-on fait faire ?
R.: De soutenir mon Devoir.
Q : Qu’entendez-vous par votre Devoir ?
Q : Il m’est impossible de vous le dire : c’est comme une prière, mais je ne m’en souviens pas.
Cette citation appelle deux réflexions, l’une sur le mot prière, l’autre sur le mot souvenir. Jean Reyor relève que ce Devoir qui est comme une prière ne peut pas mieux définir, d’une façon exacte et incompréhensible au profane, l’incantation qui constitue l’élément central de la plupart des méthodes initiatiques. Ces techniques sont connues sous les noms de Japa dans l’indouisme, Dhikr ou Zikr dans l’Islam et Zakhar hébraïque, utilisée par les kabbalistes de l’ancien temps, ou les Mekkoubalim de l’ancien Israël. Zakhar et Zikr ont la même signification étymologique, souvenir. Cette étymologie donne des dérivés, comme souvenir Zakhor et mémorial Maskheret d’où vient : Ziggourat.
Une autre observation est à faire concernant l’incantation : elle s’apparente à la prière, puisqu’elle s’adresse à l’Éternel, mais en diffère rituellement. On la dénomme aussi « Travail » — ce qui confère un sens inattendu à la «glorification du travail» célébrée par la maçonnerie spéculative —ou encore souvenir. Ainsi dans l’hésychasme, la «prière à Jésus » est désignée parfois comme le souvenir de Jésus. Il faut cependant bien souligner que ce « souvenir », « mémorial », « mémoire de Dieu », n’a rien d’une pieuse pensée, d’une simple réminiscence, mais actualise la Présence Vivante, recentre dans un Présent unique l’Acte ou le Verbe originel. Ce souvenir abolit donc la condition temporelle et spatiale ; il est comme il fut et sera éternellement.
Le rire du Créateur dans la Kosmopéiia ou manuscrit (papyrus) de Leyde attribué à Bobs le Démocritien
A éé èèè iiii 00000 uuuuuu 0000000,
ou selon une variante :
Aéèiouô Eèiouô Eiouô iouô, Ouô, Uô O.
Ouôiéèa Uôiéèa, Oiéèa Iéèa, Eèa, Ea A..
Démétrius de Phalère écrivait à la même époque : En Égypte, les prêtres chantent les louanges des dieux en se servant des sept voyelles qu’ils répètent successivement, et l’agréable euphonie du son de ces lettres peut tenir lieu de flûte et de cithare (Cf Démétrius de Phalère : Peri erméeias).

[…] En sa petite plaquette Le chant des voyelles, Edmond Bailly avait donné la reconstitution, selon lui, de la musique pour harpes et flûtes-doubles de cette invocation sonore. Ces textes annoncent la Pistis Sophia, qui est le texte de référence des gnostiques chrétiens.
> Grasset dans son déchiffrement des épigraphes grecques relève :
Telle est l’épigraphe étrusque écrite sur une hydre athénienne donnée en prix aux Panathénées, qui s’écrit ainsi : QenQeaQakths ou le pseudo-Démocrite, un pré-gnostique nommé aussi Bobs de Mendes (vers -200 av. J.-C.) :
C’est la transcription des hiéroglyphes suivants ; (un laurier, dan) (une branche fleurie, thé I (un paons, taon) (une épée avec un noeud, aké dès). Le tout donne la trinité platonique theu, certain, thélé, la volonté, et taou l’étendue esclave pour la guérison ou pour le sacrifice. Comme cette étude lui est consacrée, il est inutile de dire pour le moment en quoi consistait cette guérison ou ce sacrifice ; qu’on se contente de vouloir bien remarquer que ces cinq mots forment un en iambique de quatre pieds, ou de huit syllabes, et que ce n’est pas un effet du hasard731
Une note de renvoi apporte l’information suivante :
Cette formule a été remplacée plus tard par les trois lettres alpha, iota, oméga. qui donnent la formule octosyllabique alpha, io, tao, méga : celui qui à trouvé, la voix, celui qui cherche. accompagné de l’épithète divine mega, grand. Le grand inventeur est le Père, la grande voix, le Verbe, et le grand chercheur,le Fils de notre trinité chrétienne.
Certaines de ces épigraphes sont constituées de voyelles :
[…] J’avais oublié, dans la liste des divinités mentionnées, dans cette tablette, la déesse lé, ou la Voix, plus connue sous le nom d’Hécate, ou la nymphe Echo, qui règne dans la stérilité. C’était la divinité infernale par excellence, et par conséquent celle des cimetières.
Il identifie cette voix à la pensée.
Ida, ou la science et la pensée, appartient au culte anatomique et spécialement à l’école de Médée, dont les dogmes se répandirent partout avec les expéditions argonautiques, vers le quinzième siècle avant notre ère. On la retrouve dans les épigraphes grecques et étrusques, sous le nom dOi, Ei, ou simplement I, ce qui signifie il pense
- OM ou AUM joue un rôle très important dans la technique des mantra des traditions de l’Inde, ces formules sacrées indéfiniment répétées ou la voyelle OM est présente. La tradition védique veut en effet que l’Univers se soit développé à partir de l’énergie cosmique mise en branle lorsque le démiurge prononça cette première formule appelant à l’éveil de toute chose :
AUM BHUR BHUVAH SVAH
(AUM TERRE ! ATMOSPHÈRE ! CIEL !)
L’énoncé de ce son primordial, le verbe de l’univers, contient une charge énergétique considérable et extraordinairement efficace en vue de la transformation spirituelle. Exprimer le son de Dieu, c’est se diviniser. Les spéculations upanishadiques sur om envisagent cette syllabe comme décomposable et on y découvre alors soit trois éléments (a + u + m), om a trois modes, et de ces modes tout l’univers est ourdi et tressé. (Maitry Upanishad IV.4), soit quatre (a + u + m + om ou o). La Prashna Upanisad, V. 1,5 expose :
[…] S’il médite seulement la première lettre, instruit par la même, il revient rapidement sur la terre…, mais s’il s’absorbe en pensée sur deux lettres, il obtient le monde intermédiaire… ; celui qui méditerait sur l’être suprême au moyen des trois lettres… etc.
Cette voyelle ou cette syllabe OM a été intégrée aux prières occidentales par le Dominus Vobiscum. Elle représente le son primordial que Guénon commente dans l’article Verbum, Lux, Vita. Il fait observer que ce son primordial est la parole ou verbe, le Fiat Lux, point de départ de la manifestation, par lequel est illuminé et organisé le chaos des possibilités, et il insiste dans l’article précédent Sur deux devises initiatiques, avec le commentaire des devises de la maçonnerie écossaises Post Tenebra Lux et Ordo ab Chao. L’Évangile selon saint Jean, à l’image de la tradition hindoue, insiste sur l’étroite connexion entre le son et la lumière et affirme le caractère primordial du son.
Au commencement était le Verbe, et le Verbe auprès de Dieu, et le
Verbe était Dieu.
Il était au commencement auprès de Dieu.
Par lui tout a existé, et sans lui rien n’a existé de ce qui existe.
En lui était la Vie, et la Vie était la Lumière des hommes ;
et la Lumière luit dans les Ténèbres, et les Ténèbres ne l’ont point arrêtée.
En VIII, 51 le même évangile reprend en écho en faisant parler le Christ :
En vérité, je vous le dis : si quelqu’un garde ma Parole, jamais il ne verra la mort.
L’école platonicienne utilisait le terme de Logos. Ce Verbe, les gurus de l’école de Kabir (1440, t1518) et Nanak (1469, t1539) l’appellent shabda littéralement le son, ce qui est traduit en français par courant de vie audible. On trouve en Inde une très ancienne pratique des prières, accompagnées des grains d’un rosaire ; ces grains sont liés les uns aux autres, comme le sont les inspirations et les expirations du souffle de vie l’atma. Ce rosaire hindou comportait cinquante grains correspondant aux cinquante lettres de l’alphabet sanskrit : c’était en quelque sorte une guirlande de lettres. La tradition védique distingue jusqu’à seize voyelles ou phonèmes distincts, mais trois prédominent : les trois voyelles brèves, A, I et U. C’est qu’elles représentent les trois énergies fondamentales de Shiva : l’énergie de conscience sans égale, anuttara (A), celle de volonté, icchâ (I) et celle de connaissance ou d’éveil, unmesha (U) (chaque voyelle fournit l’initiale du nom de la forme d’énergie qu’elle représente).
AUM est donc parvenu en occident et il est connu des alchimistes, ainsi Fulcanelli, à propos d’un petit ouvrage in-16 publié vers 1753, sans nom de lieu, ni nom d’éditeur, écrit :
[…] c’est le cas particulier d’un petit livre très curieux et si habilement fermé qu’il est impossible de savoir quel en est k sujet. On l’attribue à Tiphaine de la Roche, et il porte le titre singulier Amilec ou la graine d’hommes. C’est un assemblage de l’anagramme et du calembour. Il faut lire
Alcmie ou la crème d’Aum. Les néophytes apprendront que c’est là un véritable traité d’alchimie, parce que l’on écrivait, au XIII’ siècle, alkimie, alkemie, alkmie ; que le point de science révélé par l’auteur se rapporte à l’extraction de l’esprit enclos dans la matière première, ou vierge philosophique ; qui porte le même signe que la Vierge céleste, le monogramme AUM ; qu’enfin cette extraction doit se faire par un procédé analogue à celui qui permet de séparer la crème du lait, ce qu’enseignent d’ailleurs Basile Valentin, Tollius, Philalèthe et les personnages du Liber Mutus.
À une époque où beaucoup sont désillusionnés par la religion institutionnalisée, mais toujours avides d’une expérience spirituelle authentique, le mysticisme d’Eckhart offre une voie vers une spiritualité originelle, libérée des dogmes et des rituels. Son « silence du désert » n’est pas le vide de l’absence, mais la plénitude de la présence – une présence que nous ne pouvons découvrir qu’en nous libérant de toutes nos tentatives de la limiter par des noms, des attributs ou des concepts.
Comme le dit Eckhart lui-même : « Dieu est plus proche de moi que je ne le suis de moi-même. » Cette proximité ne requiert ni techniques complexes ni connaissances théologiques approfondies ; elle requiert simplement la volonté de s’enfoncer dans le silence et de laisser le divin naître au plus profond de notre être.
Claude Gaignebet a consacré sa thèse d’État à montrer que le mot en blanc du manuscrit de la dernière page du Ve livre de Rabelais est le nom de Dieu transmis oralement dans les sociétés de métier. à suivre … dans mes livres
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