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de la Terre au Ciel, les anges

L’étude des trois grandes traditions monothéistes montre qu’elles ne peuvent être conçues sans une angélologie. Il faut rendre au concept d’ange toute sa densité : l’ange n’est pas simplement le messager, selon l’acception courante, il est fondamentalement la condensation d’une énergie divine, une intelligence céleste et le prototype d’une réalité créée. Aussi le monde angélique apparaît comme le fondement de l’ordre universel, qu’il régit et main­tient dans la durée, et comme ce qui assure la liaison spirituelle entre tous les degrés de la réalité.

Comment, dans ces conditions, une figure aussi essentielle a-t-elle pu disparaître à ce point dans le christianisme occidental? Est-il vrai que l’Incarna­tion christique rende obsolète l’être céleste, et que rejette-t-on exactement en évacuant celui-ci? Une enquête sur le devenir historique de l’angélologie et de la présence de l’ange en Occident apporte des éléments de réponse, de même que leur confronta­tion avec l’Orient orthodoxe et avec les doctrines islamiques. Elles permettent de mieux évaluer les différences de perspectives et les divergences de destin. En particulier, la sécularisation de l’époque moderne n’est-elle pas liée, pour une part, à cette disparition de la figure angélique ? Car, au fond, l’ange est infiniment plus qu’un objet de croyance devenu suranné: il est objet de connaissance, vec­teur d’une révélation, et voie d’accès à une connais­sance supérieure, en mouvement ascensionnel vers le mystère divin. Faute de savoir goûter cette nourriture céleste, l’homme occidental se rapetisse et se perd parmi les biens de la terre.

En vérité, les enjeux de l’angélologie sont consi­dérables. L’homme, l’univers, la Divinité même, ne prennent réellement sens que par et dans l’ange, car le monde angélique est l’océan spirituel qui meut toute réalité et la transfigure. Il faut réintégrer l’ange dans notre conscience, le percevoir au fond de l’être, redécouvrir sa présence nécessaire, alors il reviendra dans la création spirituelle, philosophi­que, poétique, artistique.

Il est d’ailleurs possible que cette réintégration soit commencée. Qu’on nous permette d’en voir deux signes, dans des domaines très différents.

D’abord, l’œuvre immense du philosophe et orien­taliste français Henry Corbin (1903-1978), à qui nous devons beaucoup. Centrée sur l’angélologie et l’expérience visionnaire de l’ange en islam, cette œuvre a exhumé d’un coup toute une partie du patrimoine spirituel de l’humanité, enrichi considé­rablement l’étude comparée des religions et le débat philosophique, nourri un questionnement sur l’angélologie chrétienne.

Les données du Nouveau Testament

A la lecture du Nouveau Testament, on est frappé, il est vrai, par le peu d’anges. La figure du Messie, du Fils de l’homme, relègue à l’arrière-plan, rend inutile ou périmée toute autre manifestation divine. Pourtant, les êtres célestes marquent de leur pré­sence le début et la fin de la vie terrestre du Christ. Un ange annonce, en songe, à Joseph, la naissance de Jésus (Mt 1,20-33), accomplissement des prophéties messianiques. Un autre lui ordonne de fuir en Égypte, puis de rentrer avec les siens en Palestine à la mort du roi Hérode, le persécuteur (Mt 2,13-23). Luc commence aussi son récit par deux apparitions, tout à fait parallèles : celle d’un ange annonçant à Zacharie la naissance de Jean-Baptiste (Lc 1,11-20) et celle de l’archange Gabriel, annonçant à la Vierge Marie la naissance du Sauveur (Lc 1,26-38). La manifestation aux bergers clôt avec ampleur et merveilleux la séquence de la Nativité, car le messa­ger est rejoint par une armée céleste (Lc 2,8-14).

La seconde naissance du Christ, son entrée dans la vie publique par le baptême reçu des mains de Jean-Baptiste, est suivie d’une retraite de quarante jours au désert, durant laquelle Jésus doit subir les assauts de Satan. Là encore, des anges viennent servir le Sauveur, après qu’il a triomphé des tentations (Mt 4,11; Mc 1,13; Lc 4,9-13).

Parvenus au terme du ministère christique, nous retrouvons les anges au jour de Pâques, près du sépulcre vide. Aux saintes femmes qui se rendaient au tombeau ils délivrent leur message : « Il est ressuscité. » Cette manifestation est empreinte de merveilleux (Mt 28,1-8; Mc 16,1-8; Lc 24,1-8). Elle est beaucoup plus sobre chez Jean, assez réticent dans l’ensemble à l’égard des anges (Jn 20,11-13). Ainsi, le cercle se referme : à l’annonce de la naissance terrestre répond l’annonce de la renais­sance à une vie spirituelle. Les anges sont les signes parfaits de la proximité du Royaume de Dieu.

Particulièrement concentrée aux deux extrémités des évangiles, la présence angélique est plus disper­sée dans les Actes des Apôtres : elle accompagne les premiers pas de l’Église. Au moment de l’ascension de Jésus, deux anges se présentent aux disciples et les rappellent à leur mission (Ac 1,10-11). Arrêtés et jetés en prison, les Apôtres sont délivrés par un ange du Seigneur qui leur ouvre les portes (Ac 5,19). Un peu plus tard, la même aventure advient à Pierre, prisonnier du roi Hérode Agrippa (Ac 12,6-11). Ce dernier meurt frappé par un ange, pour avoir omis de rendre gloire à Dieu (Ac 12,21-23). Cependant la figure la plus fréquente reste celle du messager céleste : un ange ordonne à Philippe de gagner la route de Gaza (Ac 8, 26), demande au centurion Corneille d’aller chercher Pierre à Joppé (Ac 10,3­33), avertit saint Paul que son navire va sombrer mais que l’équipage échappera à la mort (Ac 27,22­25). L’apparition de l’ange semble souvent traduire une inspiration de l’Esprit. Mais les anges apparaissent aussi comme les figures d’un discours qui reflète la diversité des héritages, des influences et des controverses à l’épo­que du Christ.

La représentation des cieux change peu: ils sont toujours peuplés d’anges, dont les chœurs entourent le trône divin, acclament le Seigneur (Ap 5,11-14), accomplissent une liturgie éternelle (Ap 19,1-10). Leur hiérarchie reste dominée par «les sept anges qui se tiennent devant Dieu » (Ap 8,1-13); ce sont les anges aux sept trompettes.

Cependant, en employant les images issues des croyances communes, et en les mettant en scène d’une manière dramatique, l’Apocalypse de Jean accentue le sens eschatologique de la figure angéli­que : le Fils de l’homme paraît avec les anges, au jour du Jugement, et ceux-ci séparent les mauvais des justes ; ce sont les moissonneurs et les vendangeurs des nations (Ap 14,6-20). Ainsi se trouvent précisées les affirmations du Christ dans les évangiles (Mt 16,27; Mc 8,38; Lc 9, 26), où d’ailleurs il suggère déjà son rôle de président d’un tribunal angélique (Lc 12,8-9). Mais la dimension eschatologique cul­mine dans l’épisode fameux du «combat dans le ciel » entre Michaël et le dragon (Ap 12,7-9), doublé de la lutte entre le Verbe de Dieu et la Bête (Ap 19,11-21 et 20,1-3).

 

Les anges architectes

l’auteur aka jacob de KILWINNING

la poursuite du Verbe architecte et un autre regard sur les origines de la Franc -maçonnerie loin des mensonges de la GLdf, du G.O etc …

Les premiers concepteurs des cathédrales ont reconnu qu’ils devraient faire appel à des ouvriers formés dans des carrières et des guildes étrangères afin de réaliser les difficiles tâches   géométriques   et   techniques   requises. En 1123, l’abbé Suger de Saint-Denis se rendit dans le sud de l’Italie pour recruter des maçons, des orfèvres et des sculpteurs étrangers afin de réaliser son rêve de recréer le temple de Salomon dans une église chrétienne. Le symbolisme juif représenté dans l’église de Saint-Denis suggère que Suger s’était familiarisé avec les traditions du mysticisme du temple juif. Dans un médaillon de fenêtre, le Christ dévoile la loi mosaïque et la synagogue ; dans un autre, l’Arche d’Alliance est portée sur quatre roues ressemblant à un char. Comme les prophètes hébreux, Suger était convaincu que la conception de son église avait été inspirée par une vision céleste. Sa fascination pour la tradition salomonique a été provoquée par les récits des croisés qui gardaient désormais le mont du Temple à Jérusalem, et il a délibérément recherché les chevaliers de retour afin d’obtenir des informations de première main sur les traditions juives et arabes concernant le Temple.

La confluence des traditions juives, arabes et croisées fut particulièrement fructueuse en Espagne, où les premiers kabbalistes initièrent un renouveau spirituel et architectural. À l’instar d’Abraham Ibn Ezra, qui était associé à une confrérie secrète, un autre polymathe juif, Abraham bar Hiyya (mort en 1136), était associé à une fraternité secrète, l’ordre chevaleresque des Templiers.  Bar Hiyya a reçu un statut officiel élevé de la part des Templiers lorsqu’ils sont venus en Espagne pour mener une croisade contre les infidèles musulmans. Plus tard connu sous le nom de « Savasorda » (mot arabe déformé signifiant « magistrat de la ville »), Bar Hiyya a d’abord été employé à Barcelone par un tribunal chrétien qui l’a recommandé aux Templiers.  Lorsque les chevaliers reprirent les terres aux musulmans vaincus, ils firent appel à des géomètres juifs ou « géomètres » pour documenter, cartographier et diviser les acquisitions territoriales. En raison de son expertise en mathématiques, Bar Hiyya fut largement employé par les Templiers, qui entreprirent un vaste programme de construction en Espagne. De plus, les Templiers admiraient probablement autant ses théories théosophiques que ses capacités géométriques. Le lien entre Bar Hiyya et les Templiers est important, car ces chevaliers chrétiens hétérodoxes ont peut-être joué un rôle significatif dans la transmission des mathématiques mystiques « Savasordan » et du savoir des Templiers aux corporations de bâtisseurs gothiques. D’autres familles juives en Espagne étaient étroitement liées aux Templiers ; en fait, les Cavallerias d’Aragon étaient appelées « homines temple » en raison de leur collaboration avec les chevaliers.L’implication multinationale des Juifs dans les entreprises financières, commerciales et de construction des Templiers finit par provoquer la persécution des deux groupes, sur la base d’accusations presque identiques. De plus, les Templiers joueraient le même rôle prétendument hérétique et subversif au sein du christianisme papal que certaines confréries d’adeptes kabbalistes et soufis jouaient dans le judaïsme talmudique et l’islam coranique.

la pierre d’Abraham, dôme du Rocher, Jérusalem, Arche de la Défende, Paris

Après la conquête de Jérusalem par les croisés en 1099, les Templiers furent chargés de garder le Dôme du Rocher, qui fut transformé de mosquée en église. Leurs quartiers étaient situés dans les fondations d’origine qui subsistaient du deuxième Temple de Jérusalem. Les chevaliers prirent non seulement le nom de « Templiers », mais se consacrèrent également à la préservation chrétienne du Temple. Cependant, le Grand Maître se considérait également comme un nouveau Salomon, qui devait prêcher le culte universaliste du Temple. Bien que le premier Grand Maître, Hugues de Payens, ait mené des missions en Europe du Nord, y compris en Écosse, ses successeurs étaient élus à vie et retournaient rarement en Europe. La plupart des chevaliers restaient au Moyen-Orient et en Méditerranée, tout en chassant agressivement les musulmans de la Terre Sainte et du sud de l’Europe. Au fil des ans, beaucoup perdirent le contact avec les valeurs religieuses orthodoxes et les préjugés de leur pays d’origine, ce qui contribua finalement à leur chute.

Tout en développant de vastes réseaux financiers et en menant une campagne de construction agressive, les Templiers utilisèrent l’expertise juive en matière de banque et de maçonnerie, qu’ils reconnaissaient comme étant fondée sur les connaissances mathématiques supérieures des Juifs. De plus, les codes complexes développés pour assurer la sécurité des transactions financières s’inspiraient des manipulations de chiffres et de lettres juives (Gematria). De plus en plus coupés du christianisme orthodoxe de l’Europe papale, les Templiers assimilèrent secrètement les connaissances mystiques, mathématiques et templières de leurs collègues juifs et, étonnamment, celles de leurs collègues ennemis arabes.

Des emblèmes ésotériques issus des traditions tyriennes, juives et soufies étaient souvent gravés dans les pierres de construction des Templiers. Bon nombre de ces emblèmes étaient étonnamment similaires aux marques des maçons gravées dans les églises templières et autres églises gothiques d’Europe du Nord (et que l’on peut encore voir en Écosse).

Comme Abraham bar Hiyya travaillait avec les Templiers, il a probablement promu ses opinions, fondées sur des recherches approfondies, selon lesquelles les brillantes réalisations mathématiques et scientifiques de Pythagore, Platon, Aristote et Euclide reposaient sur leur étude des sources hébraïques. De plus, il a très certainement partagé avec eux ses théories sur le mysticisme architectural. Très versé dans la tradition de la Merkabah, Bar Hiyya était un admirateur de la poésie d’Ibn Gabirol sur l’Alhambra salomonique. Dans ses traités mathématiques, Bar Hiyya utilisait abondamment l’imagerie maçonnique et architecturale. Afin de comprendre le Créateur, le mathématicien et l’adepte doivent étudier « l’architectonique du monde : « Car chaque édifice peut être identifié par les pierres qui le composent et qui le constituent. Une fois que l’on a établi leur nombre et leur disposition spécifiques, on peut comprendre la conception structurelle de l’édifice et le reconstruire selon son modèle original. »

Le Traité de mensuration et de calcul de Bar Hiyya, écrit en hébreu, était l’un des ouvrages les plus avancés de la pensée mathématique de l’époque. Les chrétiens étaient si désireux d’accéder à cet ouvrage que Bar Hiyya se rendit dans le nord de l’Italie, où il travailla avec Platon de Tivoli pour le traduire en latin. Bar Hiyya utilisa de nombreux enseignements euclidiens contenus dans un ouvrage aujourd’hui perdu et dont seule une partie a été préservée dans une traduction arabe. Baron observe que le texte de Bar Hiyya a été inestimable pour reconstruire certaines opinions du mathématicien grec. Ses nombreux écrits ont apporté au monde gothique non seulement les bases scientifiques des progrès en matière d’arpentage, de conception architecturale et de construction, mais aussi les bases théosophiques de la méditation visionnaire et des arts symboliques.   Tout en élaborant des théories pratiques sur la mécanique et l’optique, il a également travaillé sur la « mécanique de la vision ».

Le fait que les mécènes templiers de Bar Hiyya aient basé leurs conceptions architecturales sur les précédents salomoniciens est démontré dans les églises qu’ils ont construites à Londres en 1185 et à Ségovie en 1204, ces édifices s’inspiraient du plan circulaire du Dôme du Rocher, reflétant ainsi la conviction des architectes que c’était là le plan utilisé par Salomon. En 1615, le roi Stuart Jacques VI et Ier, initié à la franc-maçonnerie écossaise, fut informé que les Templiers de Londres étaient si dévoués au « très saint et célèbre Temple de Jérusalem » qu’ils avaient conçu leur église pour qu’elle « ressemble à un temple juif ou à une synagogue ». De plus, ce rapport était basé sur les documents conservés des maçons qui avaient construit l’église des Templiers.

L’utilisation de l’arc brisé syrien, qui devint le prototype de l’architecture gothique, fut manifestement introduite en Europe par les corporations de constructeurs juifs. Dans les premières synagogues, un arc brisé était sculpté dans la pierre pour abriter l’Arche du Tabernacle, et dans les synagogues plus tardives, l’arc évolua vers une abside, préfigurant l’apparition de l’arc brisé dans l’architecture européenne après le XIe siècle. Bien que Christopher Wren ait suggéré que l’arc gothique était d’origine sarrasine, sa transmission s’est probablement faite par le biais des interprétations juives de la structure musulmane « infidèle ». À Chartres, où prospérait une communauté juive d’érudits, l’évêque Pierre de Celle a introduit l’arc en ogive en 1170-1180 dans le cadre de son programme de construction salomonique. Érudit dans la tradition juive, Pierre a déclaré que le tabernacle n’avait pas été construit par des mains humaines ni avec des matériaux terrestres, mais qu’il appartenait au monde céleste. Cependant, Moïse lui-même « voulait orienter l’esprit des initiés, par le biais de l’œuvre qu’il construisait, vers la vision spirituelle qui se cachait derrière celle-ci ».

Le remplacement des murs par du verre par les architectes gothiques a probablement été influencé par le Livre d’Hénoch et la littérature Hekkalot, qui avaient déjà trouvé une brillante expression dans l’Alhambra juive. La représentation de scènes de l’Ancien Testament sur les vitraux s’inspirait également largement de l’expertise juive en matière de fabrication du verre, des théories de l’optique et du mysticisme Merkabah.

Parmi les plus magnifiques vitraux gothiques figuraient ceux conçus sous la direction de Suger à Saint-Denis. Il rendait hommage aux traditions mystiques juives et dramatisait  le désir ardent des croisés de restaurer le Temple. En 1150, alors qu’il était en plein milieu de son grand projet de construction, Suger fut exhorté par le roi de Jérusalem et le pape à rallier des soutiens pour une nouvelle croisade. Ayant l’intention de se joindre aux croisés, il envoya à Jérusalem de l’argent détourné du fonds destiné à la construction de l’église, et il fit appel aux Templiers pour cette transaction. Cependant, sa santé déclinante empêcha Suger de concrétiser ses ambitions « templières » autrement que dans les vitraux représentant la première croisade et le pèlerinage légendaire de Charlemagne en Orient. Après avoir été « appelé à la Jérusalem céleste », la vision salomonique de Suger fut exprimée par d’autres architectes gothiques et maîtres maçons.

À la suite de la reconquête musulmane de Jérusalem par Saladin en 1187, de nombreux Juifs préférèrent vivre dans les territoires restants contrôlés par les croisés. Un grand nombre d’entre eux s’enfuirent vers les territoires gouvernés par les Templiers, qui partageaient désormais l’ancien désir juif de reconquête du Temple. Dans leur architecture, les Templiers s’inspirèrent des traditions mystiques juives et des conceptions actuelles des synagogues pour exprimer leur vénération pour le Temple. L’utilisation par les chevaliers de colonnes sculptées et nouées s’inspirait des traditions juives concernant Jachin et Boaz, les colonnes symboliques situées devant le Temple de Salomon. Lorsque la synagogue de Worms, détruite par les premiers croisés, fut reconstruite en 1174, une colonne comportait une référence sculptée à Jachin et Boaz (I Rois 7:44) avec son Gematria ésotérique. À la même époque, à Worms, un cercle de Juifs ashkénazes appelé les Hassidim (piétistes) a relancé l’étude du Sepher Yetzirah et du mysticisme Merkabah. En 1225, à Würzberg, où les évêques locaux entreprirent des recherches sur le Temple et firent peut-être un pèlerinage à Jérusalem, la cathédrale comportait des références explicites au Temple salomonique sur une paire de colonnes monumentales portant l’inscription Jachin et Boaz. D’autres historiens ont  souligné que des colonnes similaires dans le sud de la France et en Italie évoquaient délibérément les pouvoirs magiques attribués à Salomon et la signification occulte des nœuds sculptés.

À une époque d’échanges croisée entre les architectes et les maçons juifs, musulmans et chrétiens, il est significatif qu’un brillant prophète hébreu ait tenté d’élargir l’accès à la technologie visionnaire.

à paraitre (janvier 2026)

Nous sommes ce que nous mangeons

La transformation des singes

Les poussées évolutives qui ont conduit à l’apparition du langage et, plus tard, de l’écriture sont des exemples de transformations fondamentales et presque ontologiques de la ligne des hominidés. En plus de nous fournir la possibilité de coder des données en dehors des limites de l’ADN, les activités cognitives nous permettent de transmettre des informations à travers l’espace et le temps. Au début, cela équivalait seulement à la capacité de crier un avertissement ou une commande ce qu’il n’était vraiment pas beaucoup plus qu’une modification du cri d’alarme qui est un élément familier du comportement des animaux sociaux. Au cours de l’histoire humaine, cette impulsion à communiquer a motivé l’élaboration de techniques de communication de plus en plus efficaces. Mas de nos jours, cette capacité de base est devenue le moyen de communication omniprésente, qui engloutit littéralement l’espace de notre planète. La planète nage à travers un océan de messages auto-générés. Les appels téléphoniques, les échanges de données et de divertissement transmis électroniquement, créent un monde invisible vécu comme une simultanéité globale d’informations. Dans notre culture nous tenons cela pour acquis.

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La voie des sons , tisser le sens

La méthode psychanalytique de Freud, dans la relecture de Jacques Lacan, est fondée sur le phonème et non pas sur l’expression grammaticale, sur l’analyse du langage, selon les principes même de ce que les alchimistes à la suite de Fulcanelli dénomment cabale phonétique. « cà parle ! « 

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Khnoum le dieu potier

Il existait une mystérieuse corrélation du Dieu-Potier avec Osiris. C’est en effet essentiellement en tant que Dieu-Potier que Khnoun nous intéresse. Il s’agit moins de dresser son portrait que  d’esquisser à partir des données dont nous disposons les caractéristiques qui font du Dieu criocéphale le type du Démiurge produisant les créatures sur un tour. Khnoum opère exactement comme un potier son œuvre est le produit du modelage de la matière première des dieux et des hommes placés sur son plateau.

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QUATUOR CORONATI ET L’ORIGINE DES COLONNES

Voici ce que l’on trouve dans un manuscrit astrologique grec du XlVème siècle : «Voici ce que l’on célèbre dès l’origine : les combinaisons des étoiles, les noms des mois et des années, et toutes les idées sur les phénomènes célestes furent inscrites en langue hébraïque sur des tablettes de pierre par Seth, fils d’Adam, instruit par l’ange de Dieu. Puis, après la répartition des langues, Ammon le Grec poursuivit ce travail, et ensuite bien d’autres. Mais on dit aussi que le septième descendant d’Adam, Enoch, prévit la future colère de Dieu, sur des tablettes de pierre, en langue hébraïque et, après le déluge, on retrouva ces tablettes sur une montagne, puis, longtemps après, on les transporta en Palestine.»

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Boanergès les fils du tonnerre

Au bord du lac de Tibériade, les futurs disciples Jacques et Jean réparent leurs filets. Un homme passe. Une voix. Un regard… Jacques et Jean se lèvent et le suivent. Zébédée, leur père, reste dans la barque, médusé. Leur mère attend; elle a préparé un ragoût de poisson pour ses hommes fatigués par une nuit de pêche. Mais où donc sont ses fils? Ils ont suivi Jésus…

Le pays est petit. Jésus revient de temps à autre au bord du lac de Tibériade avec ses disciples. Ils déjeunent chez la mère de Jacques et Jean, appelée la mère des fils de Zébédée. C’est à ce moment-là qu’elle entend parler du «Royaume». Il est comme «une graine de moutarde» qui grandit, comme «une perle rare», comme «le levain» qui fait monter la pâte. Elle aimerait que ses fils y occupent une place d’honneur. Au moment où Jésus s’apprête à monter à Jérusalem, elle court vers lui et se prosterne en le suppliant: «Maître, ordonne que mes fils soient l’un à ta droite, l’autre à ta gauche dans ton Royaume.»

Jésus ne lui répond pas, mais parle aux disciples, comme si elle n’existait pas: «Vous ne savez pas ce que vous dites! Ce n’est pas le temps des récompenses, mais le temps des combats et des luttes. Vous n’êtes pas appelés à dominer et avoir autorité les uns sur les autres, mais à être au service les uns des autres.»

La mère des fils de Zébédée veut comprendre le sens de ces mots. Elle se décide à suivre Jésus. A Jérusalem, tout va très vite: Jésus est arrêté, jugé, torturé, puis crucifié.

Au pied de la Croix, elle est là. Elle voit les hommes, l’un à droite, l’autre à gauche, et elle se souvient de sa demande déplacée. Au pied de la Croix, elle fait son choix: suivre et servir! Désormais, elle n’est plus seulement la mère des fils de Zébédée. Elle s’appelait Salomé.

Le marteau de Thor

le dieu Thor maitre des forges

« Mes paroles sont comme du feu, dit le Seigneur, et comme un marteau qui brise la pierre. » « Elle fait pleuvoir la science et la connaissance intelligente, elle exalte la gloire de ceux qui la possèdent. »

« Merlin [ ..] se fist porter à la plus haulte montaigne de Orient […] sur le hault d’icelle fist une enclume d’acier grosse comme une tour et les marteaus convenables iusques au nombre de troys. Lesquels par ses ars il fist que ils frappoyent si impétueusement sur l’enclume que il sembloit que se fut fouldre qui descendist du ciel, et tout par compas »

le bras est levé haut il ne s’agit pas de la frappe d’un tailleur de pierre mais bien celle d’un forgeron frappant son enclume. Il s’agit en effet d’une enclume de cordonnier.

Jacques le Majeur et Jean l’évangéliste, fils de Zébédée, sont, après André et Simon Pierre, les deuxièmes appelés du Maître au lac de Tibériade, où les quatre pêchaient. Tandis qu’André et Simon « allaient jeter leurs filets », Jacques et Jean, dans leur barque, les « réparaient », ayant déjà œuvré… Les fils de Zébédée reçurent de Jésus le surnom de « Boanergès », terme mystérieux « traduit » par « Fils du Tonnerre ». Avec Pierre, ils forment les trois disciples, « semblables à des colonnes », à qui, selon Clément d’Alexandrie, « le seigneur a transmis la gnose ». Ils ont en commun d’avoir été les témoins de la Transfiguration sur le Mont Thabor, montagne éloquemment « fendue » (chald. Inn) par une oeuvre de fulguration. De ce moment crucial surgiront deux « filières » traditionnelles, l’une portée par Pierre, l’autre, double, par les deux « Boanergès ». Si le mystère du Thabor a quelque peu glissé sur Pierre, le prosaïque fidèle plus soucieux d’installer des tentes pour Elie et Moïse, il fut en revanche assimilé et transmis par les fils de Zébédée. L’épisode se comprend bien sûr à la mesure de la réception mosaïque de la Loi sur le Sinaï qui fut communiquée au Peuple, mais dont l’in­terprétation fut confiée oralement à l’assemblée des Anciens par le truchement de Josué, « maître de la Lune et du Soleil » comme son divin homonyme.

On sait que le souvenir de la montagne « polaire » foudroyée s’est perpétué dans la franc-maçonnerie hexagonale sous l’espèce du hiéroglyphe bien connu de la hache-foudre, investie d’une valeur « axiale » (« hache » est en grec givii, axinè, axe en anglais), plantée sur la pierre cubique à pointe, assimilée à la clef de voute de l’édifice. Telle hache, dite en hébreu zayin, donnant sa forme à la lettre éponyme, associée par onomatopée au zig-zag , de l’éclair, fut, en tant que ascia, bien connue du christia­nisme gallique, notamment lyonnais, issu de la filiation johannique de Polycarpe, qui l’associait au Verbe divin. Plantée au sommet de notre pierre, elle composait un grimoire qui s’entendait « pierre-cognée », désignant une fameuse « pierre du coignet » ou « du coin », « pierre d’angle » initialement « rejetée par les bâtisseurs » car vouée à couronner l’édifice et maintenir l’« arc royal ». On observera que dans la célèbre illustration du Speculum humanaesalvationis, la pose de cette pierre faîtière est réalisée par deux maçons, dotés chacun d’une truelle figurée de profil. La pose de cette ultime pierre étant précisément celle qui ne nécessite pas l’usage de cet outil, le détail est significatif: du fait de son affinité avec l’éclair et la foudre de par son profil en zigzag (Tory en témoigne ouvertement en l’asso­ciant au Z dans les lettres fantastiques de son Champfleury) et son maniement dans le jeter du mortier, la présence de la truelle n’a ici d’autre vocation que d’appuyer la nature coruscante de notre pierre adamantine.

Relevons, à propos de ce hiéroglyphe qui a troublé nombre d’es­prits, l’éclairage apporté par les Hiéroglyphiques de Piero Valeriani, source classique de l’iconographie renaissante que les « historiens » de l’Ordre auraient gagné à explorer plus avant, cum grano salis. L’emblème illustrant la notice consacrée au diamant représente un marteau percutant la pointe d’un cristal pyramidal disposé sur une enclume, éclairé par la citation suivante :

« Voicy je mettray vn Diamant au milieu de mon peuple, que le feu de tentation ne brisera point au desert, que les coups, playes & tourmens faits par les meschans en la croix ne froisseront ni ne matteront point, que ny la fepulture ny la desente aux enfers ne pourront offenser tant font peus ains emportera la victoire sur tout cela, et monstrera qu’il est vroiement le diuin & incorruptible Diamant ».

La mémoire de la centralité du Mont Fendu s’est longtemps conservée dans les milieux opératifs. Les minutes d’un procès genevois qui leur fut intenté en 1674 précisent que lors de leur réception rituelle, les Compagnons chapeliers du Devoir usaient d’un lit, assimilé au « chariot de David », dont les quatre pieds figuraient « les quatre coins du monde », tandis que, placé sur le « ciel du lit », un pain représentait « la montagne du Thabor ». Or on se souviendra que pour les traditions populaires occidentales, l’appellation de « Chariot de David » s’appliquait spécifiquement à la constellation de la Grande Ourse, également dénommée « Chariot d’Arthur », dont on sait l’importance symbolique en relation avec le pôle (arktos), précisément représenté ici par le Pain (aptoç, artos) du Thabor, placé au centre du Chariot en même temps qu’à son sommet, sur le « ciel » d’un lit qui n’est pas sans en rappeler un autre, occupé par un Dormant ursin (aptoç, arthos), au sein de la Nef de Salomon.

Hors les Boanergès, dont la mère aurait souhaité qu’ils entou­rassent le Maître au Ciel, l’un à sa gauche, l’autre à sa droite, la tradition insiste sur la présence d’un autre Jacques (le Mineur) et d’un second Jean (le Baptiste) autour du Christ-pôle. Ces derniers partagent avec leurs homonymes une proche parenté avec Jésus par la ligne maternelle : si les Fils de Zébédée étaient les enfants de Marie Salomé, « demi-soeur » de Marie, Jean le Baptiste était filsd’Élizabeth, « parente de Marie », sa « cousine » dit-on, tandis que Jacques le Mineur est lapidairement qualifié de « frère de Jésus ». La Légende dorée précise à son propos qu’il : « ressemblait si fort au Seigneur, par les traits du visage, que plus d’une fois on le confondit avec lui ..] c’est pour ce motif qu’ils [les lue ordonnèrent à Judas de leur désigner le Christ en lui donnant un baiser ».

Ces deux paires gémellaires sont les protectrices du Devoir en même temps que de l’Église Intérieure ; à qui sait entendre, ils for­ment à eux quatre les véritables bornes cosmologiques d’un fameux « pavement de quatre équerres », outil dont l’appellation grecque yvopov (gnomon) désignait également un marqueur spatial ou territorial, autrement dit un « landmark ». On ne manquera pas de relever que laqob et lohanan ont pour initiale hébraïque commune le yod, dont on connaît l’affinité avec l’équerre et le gamma grec, et qui désignait en hébreu la main opérante. Une antique tradition veut également que quatre yods composent l’aleph (s), assimilé à l’unité divine principielle déployée dans le beth de la mani­festation, lettre inaugurale de la Torah. Plus couramment, l’aleph est figuré comme l’agencement de deux yods, disposés de part et d’autre d’un Vav central, « crochet » assimilé à Jacob, conjoignant les eaux supérieures et inférieures, elles-mêmes non sans rapport avec les deux Jean lunaires. Si l’Oint se définit lui-même comme aleph, on sait aussi que quatre yods opéraient ensemble comme substituts du Tétragramme tant dans le judaïsme médiéval que dans les églises d’Occident. L’aleph mystique, articulant les quatre yod-équerres autour du moyeu saint, non sans relation avec les mystères de la Mercavah, figure ainsi un gammadion, manifeste une crux gammata connue dès les premiers siècles.

La Maçonnerie « moderne » a presque totalement oublié l’antique motif du gammadion, qui a subsisté jusqu’au début du XVIIIe siècle de manière marginale et pratiquement incomprise des contempo­rains. Il en est ainsi du curieux « pavement de quatre équerres »

Israel, le mont Thabor

Le neuvième preux : Godefroy de Boulogne

Le tombeau est long de 2m05 et 76cm de large pour 1m53 de haut Le cénotaphe fût d’abord placé dans la nef de la Basilique devant une fresque murale représentant Godefroy de Bouillon avec ses deux frères et sa mère Ide. En 1966, le cénotaphe de Godefroy de Bouillon fût déplacé dans la crypte

Bien cachée au fond de la crypte de Notre-Dame de Boulogne (Pas-de-Calais), la copie du tombeau de Godefroy de Bouillon, premier « roi » de Jérusalem, rappelle les faits d’armes du plus connu des croisés.

L’original a disparu, sous les coups des restaurateurs grec-orthodoxes, lors des travaux qui ont suivi l’incendie de la Basilique du Saint-Sépulcre en 1808. Heureusement, le tombeau de Godefroy de Bouillon subsiste à travers sa réplique, toujours visible dans la crypte de la cathédrale de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais), ville de naissance du plus célèbre des croisés.

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