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Boanergès les fils du tonnerre

Au bord du lac de Tibériade, les futurs disciples Jacques et Jean réparent leurs filets. Un homme passe. Une voix. Un regard… Jacques et Jean se lèvent et le suivent. Zébédée, leur père, reste dans la barque, médusé. Leur mère attend; elle a préparé un ragoût de poisson pour ses hommes fatigués par une nuit de pêche. Mais où donc sont ses fils? Ils ont suivi Jésus…

Le pays est petit. Jésus revient de temps à autre au bord du lac de Tibériade avec ses disciples. Ils déjeunent chez la mère de Jacques et Jean, appelée la mère des fils de Zébédée. C’est à ce moment-là qu’elle entend parler du «Royaume». Il est comme «une graine de moutarde» qui grandit, comme «une perle rare», comme «le levain» qui fait monter la pâte. Elle aimerait que ses fils y occupent une place d’honneur. Au moment où Jésus s’apprête à monter à Jérusalem, elle court vers lui et se prosterne en le suppliant: «Maître, ordonne que mes fils soient l’un à ta droite, l’autre à ta gauche dans ton Royaume.»

Jésus ne lui répond pas, mais parle aux disciples, comme si elle n’existait pas: «Vous ne savez pas ce que vous dites! Ce n’est pas le temps des récompenses, mais le temps des combats et des luttes. Vous n’êtes pas appelés à dominer et avoir autorité les uns sur les autres, mais à être au service les uns des autres.»

La mère des fils de Zébédée veut comprendre le sens de ces mots. Elle se décide à suivre Jésus. A Jérusalem, tout va très vite: Jésus est arrêté, jugé, torturé, puis crucifié.

Au pied de la Croix, elle est là. Elle voit les hommes, l’un à droite, l’autre à gauche, et elle se souvient de sa demande déplacée. Au pied de la Croix, elle fait son choix: suivre et servir! Désormais, elle n’est plus seulement la mère des fils de Zébédée. Elle s’appelait Salomé.

Le marteau de Thor

le dieu Thor maitre des forges

« Mes paroles sont comme du feu, dit le Seigneur, et comme un marteau qui brise la pierre. » « Elle fait pleuvoir la science et la connaissance intelligente, elle exalte la gloire de ceux qui la possèdent. »

« Merlin [ ..] se fist porter à la plus haulte montaigne de Orient […] sur le hault d’icelle fist une enclume d’acier grosse comme une tour et les marteaus convenables iusques au nombre de troys. Lesquels par ses ars il fist que ils frappoyent si impétueusement sur l’enclume que il sembloit que se fut fouldre qui descendist du ciel, et tout par compas »

le bras est levé haut il ne s’agit pas de la frappe d’un tailleur de pierre mais bien celle d’un forgeron frappant son enclume. Il s’agit en effet d’une enclume de cordonnier.

Jacques le Majeur et Jean l’évangéliste, fils de Zébédée, sont, après André et Simon Pierre, les deuxièmes appelés du Maître au lac de Tibériade, où les quatre pêchaient. Tandis qu’André et Simon « allaient jeter leurs filets », Jacques et Jean, dans leur barque, les « réparaient », ayant déjà œuvré… Les fils de Zébédée reçurent de Jésus le surnom de « Boanergès », terme mystérieux « traduit » par « Fils du Tonnerre ». Avec Pierre, ils forment les trois disciples, « semblables à des colonnes », à qui, selon Clément d’Alexandrie, « le seigneur a transmis la gnose ». Ils ont en commun d’avoir été les témoins de la Transfiguration sur le Mont Thabor, montagne éloquemment « fendue » (chald. Inn) par une oeuvre de fulguration. De ce moment crucial surgiront deux « filières » traditionnelles, l’une portée par Pierre, l’autre, double, par les deux « Boanergès ». Si le mystère du Thabor a quelque peu glissé sur Pierre, le prosaïque fidèle plus soucieux d’installer des tentes pour Elie et Moïse, il fut en revanche assimilé et transmis par les fils de Zébédée. L’épisode se comprend bien sûr à la mesure de la réception mosaïque de la Loi sur le Sinaï qui fut communiquée au Peuple, mais dont l’in­terprétation fut confiée oralement à l’assemblée des Anciens par le truchement de Josué, « maître de la Lune et du Soleil » comme son divin homonyme.

On sait que le souvenir de la montagne « polaire » foudroyée s’est perpétué dans la franc-maçonnerie hexagonale sous l’espèce du hiéroglyphe bien connu de la hache-foudre, investie d’une valeur « axiale » (« hache » est en grec givii, axinè, axe en anglais), plantée sur la pierre cubique à pointe, assimilée à la clef de voute de l’édifice. Telle hache, dite en hébreu zayin, donnant sa forme à la lettre éponyme, associée par onomatopée au zig-zag , de l’éclair, fut, en tant que ascia, bien connue du christia­nisme gallique, notamment lyonnais, issu de la filiation johannique de Polycarpe, qui l’associait au Verbe divin. Plantée au sommet de notre pierre, elle composait un grimoire qui s’entendait « pierre-cognée », désignant une fameuse « pierre du coignet » ou « du coin », « pierre d’angle » initialement « rejetée par les bâtisseurs » car vouée à couronner l’édifice et maintenir l’« arc royal ». On observera que dans la célèbre illustration du Speculum humanaesalvationis, la pose de cette pierre faîtière est réalisée par deux maçons, dotés chacun d’une truelle figurée de profil. La pose de cette ultime pierre étant précisément celle qui ne nécessite pas l’usage de cet outil, le détail est significatif: du fait de son affinité avec l’éclair et la foudre de par son profil en zigzag (Tory en témoigne ouvertement en l’asso­ciant au Z dans les lettres fantastiques de son Champfleury) et son maniement dans le jeter du mortier, la présence de la truelle n’a ici d’autre vocation que d’appuyer la nature coruscante de notre pierre adamantine.

Relevons, à propos de ce hiéroglyphe qui a troublé nombre d’es­prits, l’éclairage apporté par les Hiéroglyphiques de Piero Valeriani, source classique de l’iconographie renaissante que les « historiens » de l’Ordre auraient gagné à explorer plus avant, cum grano salis. L’emblème illustrant la notice consacrée au diamant représente un marteau percutant la pointe d’un cristal pyramidal disposé sur une enclume, éclairé par la citation suivante :

« Voicy je mettray vn Diamant au milieu de mon peuple, que le feu de tentation ne brisera point au desert, que les coups, playes & tourmens faits par les meschans en la croix ne froisseront ni ne matteront point, que ny la fepulture ny la desente aux enfers ne pourront offenser tant font peus ains emportera la victoire sur tout cela, et monstrera qu’il est vroiement le diuin & incorruptible Diamant ».

La mémoire de la centralité du Mont Fendu s’est longtemps conservée dans les milieux opératifs. Les minutes d’un procès genevois qui leur fut intenté en 1674 précisent que lors de leur réception rituelle, les Compagnons chapeliers du Devoir usaient d’un lit, assimilé au « chariot de David », dont les quatre pieds figuraient « les quatre coins du monde », tandis que, placé sur le « ciel du lit », un pain représentait « la montagne du Thabor ». Or on se souviendra que pour les traditions populaires occidentales, l’appellation de « Chariot de David » s’appliquait spécifiquement à la constellation de la Grande Ourse, également dénommée « Chariot d’Arthur », dont on sait l’importance symbolique en relation avec le pôle (arktos), précisément représenté ici par le Pain (aptoç, artos) du Thabor, placé au centre du Chariot en même temps qu’à son sommet, sur le « ciel » d’un lit qui n’est pas sans en rappeler un autre, occupé par un Dormant ursin (aptoç, arthos), au sein de la Nef de Salomon.

Hors les Boanergès, dont la mère aurait souhaité qu’ils entou­rassent le Maître au Ciel, l’un à sa gauche, l’autre à sa droite, la tradition insiste sur la présence d’un autre Jacques (le Mineur) et d’un second Jean (le Baptiste) autour du Christ-pôle. Ces derniers partagent avec leurs homonymes une proche parenté avec Jésus par la ligne maternelle : si les Fils de Zébédée étaient les enfants de Marie Salomé, « demi-soeur » de Marie, Jean le Baptiste était filsd’Élizabeth, « parente de Marie », sa « cousine » dit-on, tandis que Jacques le Mineur est lapidairement qualifié de « frère de Jésus ». La Légende dorée précise à son propos qu’il : « ressemblait si fort au Seigneur, par les traits du visage, que plus d’une fois on le confondit avec lui ..] c’est pour ce motif qu’ils [les lue ordonnèrent à Judas de leur désigner le Christ en lui donnant un baiser ».

Ces deux paires gémellaires sont les protectrices du Devoir en même temps que de l’Église Intérieure ; à qui sait entendre, ils for­ment à eux quatre les véritables bornes cosmologiques d’un fameux « pavement de quatre équerres », outil dont l’appellation grecque yvopov (gnomon) désignait également un marqueur spatial ou territorial, autrement dit un « landmark ». On ne manquera pas de relever que laqob et lohanan ont pour initiale hébraïque commune le yod, dont on connaît l’affinité avec l’équerre et le gamma grec, et qui désignait en hébreu la main opérante. Une antique tradition veut également que quatre yods composent l’aleph (s), assimilé à l’unité divine principielle déployée dans le beth de la mani­festation, lettre inaugurale de la Torah. Plus couramment, l’aleph est figuré comme l’agencement de deux yods, disposés de part et d’autre d’un Vav central, « crochet » assimilé à Jacob, conjoignant les eaux supérieures et inférieures, elles-mêmes non sans rapport avec les deux Jean lunaires. Si l’Oint se définit lui-même comme aleph, on sait aussi que quatre yods opéraient ensemble comme substituts du Tétragramme tant dans le judaïsme médiéval que dans les églises d’Occident. L’aleph mystique, articulant les quatre yod-équerres autour du moyeu saint, non sans relation avec les mystères de la Mercavah, figure ainsi un gammadion, manifeste une crux gammata connue dès les premiers siècles.

La Maçonnerie « moderne » a presque totalement oublié l’antique motif du gammadion, qui a subsisté jusqu’au début du XVIIIe siècle de manière marginale et pratiquement incomprise des contempo­rains. Il en est ainsi du curieux « pavement de quatre équerres »

Israel, le mont Thabor

Friedrich Herbort, le marquis de Vaucroze et les illuminés d’Avignon

herbort-biographieLe professeur Eugène Susini s’est particulièrement intéressé à ce comte Vernetti de Vaucrose dans les papiers duquel il espérait trouver des lettres de Franz von Baader avec qui il a correspondu. Voici ce qu’il écrit à son sujet : « Parmi les théosophes et illuminés plus ou moins obscurs que nous rencontrons à propos de Baader, celui-ci est à coup sûr celui qu’enveloppe le plus grand mystère. Différentes études citent son nom en rapport avec des théosophes et des mystiques plus connus, mais les détails manquent et non seulement nous ne connaissons de lui aucun document écrit en dehors de quelques fragments de lettres, mais nous n’avons même sur sa personne aucun renseignement précis. »
On sait tout de même que le chevalier, marquis et comte de Vaucrose est né en 1758 et qu’il est décédé en Suisse, le 22 octobre 1834, âgé de 76 ans. Grâce à la correspondance entre Herbort et Meyer repertoriée par le professeur Jacques Fabry, on en apprend un peu plus sur lui. Bien entendu, il ne reste rien de la correspondance entre Herbort et Vaucrose, puisque les papiers de l’un comme de l’autre demeurent introuvables. Rappelons tout d’abord que Vaucrose est connu et cité par plusieurs auteurs pour avoir offert aux Illuminés d’Avignon et à leur chef Dom Pernéty l’hospitalité dans son domaine situé près de Bédarrides. Plus exactement, c’est dans une maison située sur une colline baptisée par Pernéty Mont-Thabor, à quelques kilomètres de la propriété appelée encore aujourd’hui Grand et Petit Vaucrose que se réunissaient le maitre et ses disciples. Selon Marc de Vissac, Vaucrose avait un esprit primesautier et très malléable, une nature inflammable et qui s’emballait vite. Herbort confirmera, en d’autres termes, ce jugement.
Les deux hommes font connaissance à l’été 1817. Ils resteront liés jusqu’au décès de Herbort et se verront au moins une fois l’an. C’est que Vaucrose, véritable « commis-voyageur de l’Illuminisme », pour reprendre l’excellente formule utilisée par A. Viatte à propos de Divonne, se déplace beaucoup, et à travers toute l’Europe. Il a même littéralement la bougeotte. Herbort relate à Meyer sa première rencontre avec l’Avignonnais :

« Il m’a été adressé depuis un Chevalier de Vaucrose, d’Avignon,ancien officier de cavalerie, comme un frère (maçon) aux dispositions authentiques envers la religion; il a le sentiment que la nation française ne pourra pas continuer longtemps sur ce pied-là, qu’elle est complètement corrompue, que la foule manifeste une très forte propension à vouloir fondre à nouveau sur d’autres pays, sous la conduite de Napoléon ou d’un autre meneur du même style, pour pouvoir continuer à vivre en pillant comme elle l’a déjà fait. »
Un jugement politique assez outré, on le voit, qui correspond bien au caractère du personnage. Dans la même lettre, une autre précision a son importance:
« Ce chevalier de Vaucrose a été l’ami intime de Saint-Martin et il lui succède dans la traduction de J. Böhme en assurant celle du Mysterium Magnum.« 

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