« … les vérités, gardées comme des vierges, dans les Temples de l’Egypte, passèrent aux Sages d’Alexandrie, qui les enrichirent encore et les couronnèrent de tout l’or pur légué à la Grèce par Pythagore et ses disciples… Il convient donc, Messieurs, d’explorer les livres des Hébreux, les hiéroglyphes des Egyptiens et les traités de ces Grecs qu’on nomme gnostiques, précisément parce qu’ils eurent la connaissance. »
(Anatole France, la Rôtisserie de la Reine Pédauque, 1893).
« Le dépôt de l’Initiation Occidentale a eu trois noms dans l’histoire : Gnostiques, Templiers et Rose-Croix ». (Lettre de Papus à Sédir, 1894).
SE CONNESTRE. ESTRE. ET NON PARESTRE.
Aux alentours des années 1550 on pouvait déjà lire cette inscription sur le linteau d’une des cheminées du château de Dampierre-sur-Boutonne en Charente-Maritime.
« C’est (écrit FULCANELLI, page 18 du Tome II de ses DEMEURES PHILOSOPHALES) une simple maxime d’un beau caractère moral mais que l’humanité superficielle et présomptueuse de notre époque répugne à pratiquer ». Notre Adepte a raison, la connaissance de soi-même permet d’acquérir la science, but et raison d’être de la vie, base de toute valeur réelle ; et cette puissance élevant l’homme laborieux qui la peut acquérir, l’incite à demeurer dans une modeste et noble simplicité, éminente vertu des esprits supérieurs. C’était un axiome que les Maîtres répétaient à leurs disciples, et par lequel ils leur indiquaient l’unique moyen de parvenir au suprême savoir : « si vous voulez cognoistre la sagesse, leur disaient-ils, cognoissez-vous bien et vous la cognoistrez ».

Nous ignorons si l’Adepte qui fit édifier et décorer le château de Dampierre était Rose + Croix, mais il est indéniable que ce personnage est l’un des maillons de cette longue chaîne initiatique qui s’est perpétuée à travers les siècles et les civilisations. Fidèle à son engagement de silence et de modestie le philosophe charentais a préféré rester à jamais inconnu en nous laissant, gravé dans la pierre, le merveilleux témoignage de son savoir. Il est ainsi très difficile de dresser un historique de la Rose+Croix car les documents sont rares et les personnages énigmatiques… mais il nous reste une tradition légendaire transmise oralement de génération en génération.
Au cours de l’été 1623, on put voir sur les murs de Paris, placardé aux carrefours, un curieux et court billet de six lignes manuscrites : « Nous, députés du Collège Principal des Frères de la Roze + Croix – disait ce billet – faisons séjour visible et invisible dans cette ville par la grâce du Très-Haut vers lequel se tourne le cœur des justes. Nous montrons et enseignons, sans livres ni marques, à parler toutes les langues du pays où nous voulons être pour tirer les hommes, nos semblables, d’erreur et de mort ».
Cela intrigua fort les Parisiens déjà badauds de nature. Le clergé s’agita trouvant que ce billet sentait le soufre ou, tout au moins, le huguenot. C’était la première manifestation publique, en tout cas en France, de cette mystérieuse association dont on parlait à mots couverts depuis un certain temps. Quelques semaines plus tard fut placardé, aux mêmes endroits, un billet plus explicite dans lequel la confraternité se faisait forte de « rendre comme eux-mêmes, leurs membres visibles invisibles et de les transporter par tous les pays étrangers où leur désir pouvait les porter ».
Les langues allèrent bon train, beaucoup se vantèrent d’en savoir très long sur la mystérieuse association à qui l’on attribuait de non moins mystérieux pouvoirs. Les termes grandiloquents de ces billets avaient de quoi surprendre les esprits non avertis. De toute évidence, il y avait certainement une manière de les interpréter. Les esprits éclairés de l’époque ne s’y trompèrent pas et en retinrent ce qu’il y avait d’essentiel pour leur propre information.
Nous possédons un témoignage intéressant de cette étonnante publication. C’est celui de Gabriel NAUDE (16001653), courtisan, espion et mouchard et qui fut successivement médecin de Louis XIII, bibliothécaire de Mazarin après avoir été « indicateur » de Richelieu. Naudé publia en 1623 un petit livre intitulé « Instructions de la France sur la Vérité de la Rose + Croix ». « Cette Fraternité mystérieuse écrit-il – affirme, entre autres choses, qu’elle est destinée à accomplir le rétablissement de toutes les choses en un état meilleur ; que ses membres ne sont sujets ni à la faim, ni à la soif, ni à la vieillesse, ni aux maladies, ni à aucune incommodité de la nature ; qu’ils connaissent par révélation, ceux qui sont dignes d’être admis dans leur société ; qu’ils peuvent, en tout temps, vivre comme s’ils avaient existé depuis le commencement du monde ou s’ils devaient exister jusqu’à la fin des siècles ; qu’ils confessent publiquement, sans aucune crainte d’être repris, que le Pape est l’Antéchrist ; qu’ils ont dans leurs bibliothèques plusieurs livres mystérieux ; enfin, qu’ils sont certains et assurés que la vérité de leurs maximes doit durer jusqu’à la dernière période ».
LA FAMA FRATERNITATIS
Si le lecteur moyen n’était pas trop surpris, l’érudit n’était pas sans ignorer la parution, neuf ans plus tôt, en Allemagne, d’un petit livre intitulé la « FAMA FRATERNITATIS ». De plus « l’honnête homme » de l’époque se piquait de connaître le latin, le grec et l’hébreu et était très imprégné de Kabbale hébraïque, philosophie étudiée en Europe depuis plus de deux siècles. N’oublions pas que les « abstracteurs de quintessence » étaient légion et qu’avec l’essor de la Renaissance la symbolique kabbalistique était considérée comme la porte de l’Art Royal.
Il est à peu près établi que la FAMA FRATERNITATIS circula en Allemagne dès 1610 sous forme de manuscrit qui révélait l’existence de la FRATERNITE DE L’ORDRE « hautement louable » de la ROZE+CROIX. Mais c’est bien en 1614 comme nous l’assure l’historien Paul Arnold dans son « Histoire des Rose-Croix » que parut à Kassel, en langue allemande, chez l’éditeur Wessen, le petit livre anonyme connu sous le nom de FAMA FRATERNITATIS. Un certain Herr Hasselmayer prit soin d’en envoyer un exemplaire aux philosophes et hommes de science les plus éclairés d’Europe. Herr Hasselmayer devait payer cher cette audace, car, sur ordre des Jésuites, il fut immédiatement arrêté, emprisonné et envoyé aux galères. Mais malgré cela et malgré l’opposition du clergé et des pouvoirs établis la bonne semence était publiquement jetée et elle allait faire son chemin.
La première partie de ce petit livre, la « REFORMATIO » établit un parallèle entre la Bible et les enseignements de Platon, d’Aristote et de Pythagore. Les fondateurs de l’Ordre s’engagent à juger ceux qu’ils trouveront dignes de siéger à leurs côtés afin de leur faire partager la même recherche spirituelle. La seconde partie, de beaucoup la plus importante, la FAMA proprement dite, contient la bibliographie mythique du Frère CRISTIAN ROSENKREUTZ, né en 1378 et mort 106 ans plus tard.
Rosenkreutz, nous dit-on, établira une Fraternité entre les chercheurs. Son corps sera découvert dans un tombeau souterrain cent-vingt ans après sa mort, ce qui permettra à la Fraternité de se manifester et l’ouvrage décrit ce tombeau avec grande précision. Une suite à ce petit livre intitulée la « CONFESSIO » fut imprimée, toujours à Kassel, au début de l’année suivante. La CONFESSIO confirme la pensée générale de la FAMA sans en lever le voile sur son exaltation mystique.
La FAMA retrace la vie – mythique et initiatique – du mystérieux « FRERE et PERE » Cristian Rosenkreutz dont voici les grandes lignes.
Né en 1378, au bord du Rhin, de parents pauvres mais nobles, Cristian est dès l’âge de cinq ans mis en « cloître » où il apprend le grec, le latin, l’hébreu et la magie. Au début de son adolescence il s’associe avec un autre Frère nommé P.A.L. pour partir faire un voyage en Terre Sainte. Mais le Frère P.A.L. meurt au début du voyage à Chypre. Rosen-kreutz toutefois continue et s’arrête à Damas où encore « faible de corps » il demeure quelque temps. C’est à Damas qu’il lie connaissance avec des « hommes sages » qui lui donnent un enseignement occulte. Sur sa propre insistance ceux-ci consentent à l’amener à DAM-CAR, leur « cité philosophique ». Le Frère Rosenkreutz est reçu chaleureusement par les membres de cette communauté qui, lui dit-on, attendaient depuis longtemps sa visite. Ces « Hommes Sages » lui font connaître des « merveilles » qu’il était loin de soupçonner dans son cloître et lui montrent la manière dont le sens de la Nature leur est dévoilé. Rosenkreutz passe quelques années à Dam-Car où il apprend la médecine, les mathématiques et la langue arabe. Il peut ainsi traduire en latin le « LIVRE M » (Liber Mundis : le Livre du Monde). Ce livre qui, dit-il, renferme la sagesse du Monde, d’Adam, de Moïse et de Salomon. De Dam-Car il se rend en Egypte où il ne séjourne pas très longtemps mais acquiert des notions plus profondes sur les plantes et les créatures animées.
Son voyage le mène ensuite au Maroc, à FEZ, où il demeurera trois ans. C’est dans cette ville que ce qu’il appelle « les Habitants des Eléments » lui révèlent un grand nombre de leurs secrets quoique, dit-il, « leur magie ne soit pas absolue-ment pure et leur kabbale altérée par leur religion ». Ceux-ci, néanmoins, le conduisent jusqu’à l’Adeptat (Adeptat vient du latin adeptus qui signifie « qui a acquis »).
Désormais Cristian est appelé « LE PERE ». Il a reçu mission de communiquer à la chrétienté la sagesse qu’il vient d’acquérir et de fonder une société secrète « qui aura à satiété or et pierres précieuses et qui enseignera les monarques ». Ro-senkreutz navigue alors vers l’Europe en espérant que les hommes instruits du continent vont l’accueillir avec joie. Mais hélas, ceux-ci ne font que rire de ses propos. Cristian voyage donc encore quelques temps avant de venir se fixer définitivement en Allemagne où il entreprend de construire ce qu’il appelle « une demeure commode ».
Après avoir médité pendant cinq ans, dans un lieu tenu secret, le désormais Frère et Père Cristian Rosenkreutz fait venir auprès de lui trois de ses anciens compagnons du « cloître » qu’il désigne par leurs initiales : ce sont les Frères G.V., I.A. et Lo. C’est en collaboration avec ces trois Frères qui lui jurent une fidélité absolue que Rosenkreutz rédige les écrits fondamentaux de la communauté, guérit les malades, console les désespérés et commence à bâtir « la Maison de l’Esprit Saint ».
Sept ans après, les quatre Frères fondateurs décident d’agrandir leur communauté et choisissent quatre nouveaux Frères, toujours désignés par leurs initiales. Ce sont les Frères R.C., neveu du fondateur, le Frère F.B., peintre habile, le Frère G.G. et enfin le Frère F.D. qui sera le secrétaire du groupe. Lorsque ces huit Frères eurent disposé et ordonné toutes choses de façon que chacun fût suffisamment instruit ils se séparèrent pour se rendre dans plusieurs pays. Avant de se séparer ils rédigèrent un accord en six points :
1 – Aucun d’eux ne professerait autre chose que la guérison des malades et cela gratuitement.
2 – Postérieurement aucun adepte ne serait contraint de porter un vêtement spécial, mais chacun suivrait « la coutume » du pays.
3 – Chaque année, au jour C., ils se réuniraient dans la « Maison de l’Esprit Saint » ou ils devraient indiquer, par écrit, la cause de leur absence.
4 – Chaque Frère devrait chercher une personne qui, après son décès, serait digne de lui succéder.
5 – Les initiales R.C. seraient leur sceau, leur signe et leur marque distinctive.
6 – La Fraternité resterait secrète pendant 100 ans.
Désormais les Frères R.C. seront les « Nobles Voyageurs » qui vont parcourir le monde nantis de leur haute mission. Douze ans plus tard le Frère et Père Cristian Rosenkreutz meurt en Engelland (Angleterre ou Pays des Anges ?) et le Frère IA. en France, dans le Narbonnais.
En 1604 (soit 120 ans après) le Frère N.N., devenu chef du « cercle intérieur » décide de modifier une partie des bâtiments pour mieux les adapter aux besoins de la Fraternité. C’est alors qu’il découvre la porte cachée sur laquelle est gravée la phrase : « DANS CENT-VINGT ANS JE REVIENDRAI ». C’est la porte qui donne accès à la fameuse crypte qui, nous dit la Fama, est faite de sept côtés et de sept angles, chaque côté ayant cinq pieds de large et huit de haut. Bien que le soleil n’ait jamais brillé dans cette crypte elle était illuminée par « un autre Soleil qui avait appris cela auprès du Soleil » et qui était situé dans la partie inférieure du centre du plafond. Au centre de la crypte s’élevait un autel circulaire couvert d’une plaque de laiton sur laquelle était gravée cette phrase : « A.C.R.C. HOC UNIVERSI COMPENDIUM UNIUS MIHI SEPULCRUM FECI » (J’ai fait de ce sépulcre un unique résumé de l’Univers). Il y avait encore cinq autres inscriptions :
1 – JESUS MIHI OMNIA (Jésus est tout pour moi).
2 – NEQUAQUAM VACUUM (Le vide nulle part) autour de l’image d’un Lion.
3 LEGIS JUGUUM (Le joug de la loi) autour de l’image d’un taureau.
4 – LIBERTAS EVANGELII (La liberté des Evangiles) autour de l’image d’un aigle.
5 DEI GLORIA INTACTA (La gloire intouchable de Dieu) autour de l’image d’un homme.
C’est en déplaçant l’autel que l’on découvrira le corps du Frère et Père Rosenkreutz, intégralement préservé et tenant dans sa main droite un parchemin appelé T., qui, nous dit-on, « est immédiatement après la Bible notre trésor le plus grand que nous ne devons pas livrer à la critique du monde ». La Fama déclare sans ambage que le but de la Fraternité est de réformer la philosophie et d’amener les sciences à la perfection afin que l’homme puisse prendre conscience de sa noblesse et comprendre pourquoi il est appelé Microcosme. C’est de la Kabbale que Paracelse tira les idées qu’il incorpora dans le terme Microcosme et Paracelse fut le premier européen à employer ce terme dans le sens qui nous est maintenant familier à savoir que l’homme est le résumé de l’Univers. La Fama et la Confessio déclarent l’une et l’autre qu’elles sont écrites de façon « énigmatique » afin de ne pas émouvoir les gens d’entendement grossier ».
Il est évident qu’il doit exister des sens cachés derrière la lettre si ces documents sont soumis à une analyse qui soit tant soit peu conforme aux règles bien connues de l’interprétation kabbalistique, règles qui étaient à l’époque très familières aux « Erudits d’Europe ». On remarque tout de suite une certaine progression arithmétique dans les grandes étapes de la vie de Cristian Rosenkreutz :
– il lui faut TROIS ans pour recevoir l’adeptat,
– il passe ensuite CINQ ans en méditation,
– il lui faudra SEPT ans pour bâtir la « Maison de l’Esprit Saint »,
– enfin, il mourra DOUZE ans après la dispersion des « Nobles Voyageurs ».
Ces nombres parlent d’eux-mêmes. Si on additionne 3 + 5 + 7 + 12 on obtient 27. 27 est arithmétiquement le cube de 3. La Pierre des maçons est cubique comme l’est le tombeau d’Hiram (autre crypte mystérieuse) ou comme l’était le Saint des Saints du Temple de Salomon ainsi que le Naos du Temple égyptien. C’est à vingt-sept ans que Rosen-kreutz a commencé la création de sa Fraternité. Pythagore, déjà accordait une grande importance au cube que Platon considérait comme le symbole de la cité céleste.
Les noces (Al-chimiques) de Christian
Le héros, un ermite, y fait le récit des sept journées au cours desquelles il assiste à des noces royales. Plutôt que de se livrer à une exégèse ardue voyons en quoi elle concerne encore l’homme d’aujourd’hui. Quatre personnages, Émilie, Ariane, Thomas et Frédéric, ayant pour point commun d’avoir entrepris une quête initiatique, reçoivent une mystérieuse invitation. Mais auparavant, ils doivent lire ou relire les « Noces chymiques ». Au cours de quatre rencontres dans des lieux symboliques, ils seront amenés à réfléchir, en compagnie d’un initié, sur la signification de cette œuvre qui parle encore au cœur et à l’esprit, et nous introduit dans l’alchimie opérative et spirituelle.
la suite dans notre livre à paraitre en mars.
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merci pour cette parfaite présentation.
avec plaisir ! Johan