Pierre Dujols et l’énigme de la bague baphométique

le Baphomet était l’expression païenne de Pan.(Fulcanelli)

» – Voyez Eyrenée Philalèthe qui l’assimile à l’or et lui en donne le
nom, voyez-le au chapitre XVIII, paragraphe III, de son Introitus
», concluait Fulcanelli, tirant l’indication de sa prodigieuse
mémoire, dans toute la bienveillance de son bon sourire, la main
levée en un geste habituel, où brillait, ce soir-là, l’anneau
baphométique, ciselé en or de transmutation  et venu jusqu’à
lui des Templiers de la Commanderie d’Hennebont en Bretagne.

Eugène Canseliet (préface aux Demeures Philosophales)»

Pierre_DujolsExtrait de « En Héliopolis, Portrait d’un alchimiste du XXème siècle » par Johan Dreue.

Pierre Dujols dernier descendant des Valois.
L’énigme de la bague baphométique

Qui fut Pierre Dujols, ce libraire érudit et dont Eugène Canseliet prétendait qu’une amitié indéfectible le liait à Fulcanelli au point que nombreux furent ceux qui l’identifièrent au Maître ? Pour plusieurs raisons ces rapprochements sont évidemment sans fondement et ce serait également faire injure à la probité légendaire de « l’érudit libraire » puisqu’à plusieurs reprises Fulcanelli le cite élogieusement dans ses ouvrages et comment imaginer Dujols se citant lui même !

Pierre Dujols fut-il, contrairement à toute logique historique, un descendant des Valois ? Ces questions méritent qu’on s’efforce d’apporter quelques éléments de réponses.
Pierre Dujols naquit à Saint-Illide, dans le Cantal, le 22 mars 1862, de François Dujols, cordonnier et de Toinette Lapeyre, sans profession. Pierre Dujols était le benjamin de trois enfants.
Saint-Illide est une localité proche d’Aurillac, ville qui vit naître un personnage dont les travaux tinrent un rôle important dans la genèse fulcanélienne : Grasset cet. En outre, Mathieu de Lesseps en avait été le préfet
Les Dujols quittèrent le Cantal pour s’installer à Marseille. Pierre fit ses études chez les Jésuites d’Aix en Provence. Devenu journaliste à Marseille puis à Toulouse, il monte à Paris et demeure au 47, rue Denfert-Rochereau, l’actuelle rue Henri Barbusse. Personnage érudit, Pierre Dujols reçoit beaucoup et ses soirées sont très fréquentées. Il est vrai qu’une troublante affaire, ayant trait aux origines de sa famille, a suscité quelques polémiques. En 1871, sous la signature d’un certain M.A. de Nantes fut publié Clef des Œuvres de Saint Jean et de Michel de Nostredame. Il s’agit d’un traité d’Alchimie dont le texte est basé sur la lecture à un niveau hermétique des mythes grecs. L’ouvrage est démarqué de celui de Dom Pernety : Les Fables égyptiennes et grecques dévoilées. Dans ce même livre, M.A. de Nantes, s’appuyant sur Saint-Jean et les Centuries de Nostradamus, se faisait le propagandiste du Comte de Chambord et de ses prétentions à régner sous le nom de Henry V. Quelques années plus tard, en 1879, paraissait un opuscule de 58 pages : Valois contre Bourbons, simples éclaircissements avec pièces justificatives par un descendant des Valois. Edité, à Marseille, sur les presses de l’Imprimerie Commerciale Thomas et Cie, cet opuscule portait la signature d’Antoine Dujols de Valois. Né le 24 août 1845 à Saint-Illide, Antoine Dujols était le frère de Pierre. Dans l’ouvrage susmentionné, émaillé de citations latines, Antoine Dujols s’évertuait à démontrer la légitimé dynastique de sa famille.

Que faut-il penser de cet imbroglio ? L’hypothèse d’une mystification ne semble pas devoir être retenue. Antoine Dujols présentait des preuves visant à établir que le dernier des Valois, le quatrième fils de Catherine de Médicis et de Henri II, contrairement à ce qu’indiquent les historiens, ne mourut pas sans héritier. François de Valois, Duc d’Anjou et d’Alençon, épousa le 12 avril 1575, Jeanne Adélaide, Duchesse de Médina Coeli. De ce mariage fut issue une lignée d’enfants mâles qui aboutit à Antoine Dujols, facteur de profession. Sous le règne de Louis XV, la descendance du mariage de François de Valois se manifesta en France en la personne de Charles-Louis de Valois. Ce dernier fut emprisonné à la Bastille et sa femme devint folle. Leur fils fut alors adopté par un ouvrier nommé Guillaume Dujols. Et Eric Muraise dans son livre Du Roy perdu à Louis XVII psychanalyse historique d’un mythe national (Julliard, 1967), citant l’opuscule de Antoine Dujols, ajoutait : « En 1885, on voit alors un Dujol adresser au tribunal d’Aurillac une demande de rectification d’état civil, aux fins d’être reconnu pour Henri-Charles-Louis d’Usson, d’Auvergne, d’Alençon, prince de Valois. Il ne semble pas que le tribunal ait fait droit à cette requête insolite, mais il existe toujours des Dujols. On trouvait encore, avant la dernière guerre, dans le Lyonnais et l’Auvergne, une ligue royale dévouée à la cause de Mgr Henri de Valois, laquelle se confondait avec celle d’un Henri Dujol. »
En 1888, Antoine Dujols habitait Marseille au 43 Boulevard du Nord et en 1889 il se présenta aux élections législatives où il fut battu. Il décéda à Salon de Provence, le 12 juillet 1892, Agé de seulement 46 ans. La notice nécrologique qui fut publiée dans le journal l’Avant-garde de Provence faisait état du dévouement dont fit preuve Antoine Dujols. Durant une partie de son existence il avait soigné les phtisiques et plusieurs guérisons avaient été enregistrées qui semblaient devoir être attribuées à ses dons de guérisseur, terme laissant entendre qu’Antoine Dujols pratiquait le magnétisme curatif fort à la mode à l’époque.

bague
Cette image, sur laquelle on ne possède que de vagues indications ou de simples hypothèses, ne fut jamais une idole, comme certains l’ont cru, mais seulement un emblème complet des traditions secrètes de l’Ordre, employé surtout au dehors, comme paradigme ésotérique, sceau de chevalerie et signe de reconnaissance. On le reproduisait sur les bijoux, aussi bien qu’au fronton des commanderies et au tympan de leurs chapelles. Il se composait d’un triangle isocèle à sommet dirigé en bas, hiéroglyphe de l’eau, premier élément créé, selon Thalès de Milet, qui soutenait que « Dieu est cet Esprit qui a formé toutes choses de l’eau ». Un second triangle semblable, inversé par rapport au premier, mais plus petit, s’inscrivait au centre et semblait symbolisait le feu, et, plus précisément, le feu enclos dans l’eau, ou l’étincelle divine, l’âme incarnée, la vie infuse dans la matière. Sur la base inversée du grand triangle d’eau s’appuyait un signe graphique semblable à la lettre H des Latins, ou à l’ητα des Grecs, avec plus de largeur cependant, et dont la barre centrale se coupait d’un cercle médian. Ce signe, en stéganographie hermétique, indique l’Esprit universel, l’Esprit créateur, Dieu. A l’intérieur du grand triangle, peu au-dessus et de chaque côté du triangle de feu, on voyait à gauche le cercle lunaire à croissant inscrit, et à droite le cercle solaire à centre apparent. Ces petits cercles se trouvaient disposés à la manière des yeux. Enfin, soudée à la base du petit triangle interne, la croix posée sur le globe réalisait ainsi le double hiéroglyphe du soufre, principe actif, associé au mercure, principe passif et solvant de tous les métaux. Souvent, un segment plus ou moins long, situé à la pointe du triangle, se creusait de lignes à tendance verticale où le profane reconnaissait, non point l’expression du rayonnement lumineux, mais une sorte de barbiche. Fulcanelli

Concernant la légitimité des Dujols, il fut rapporté qu’Antoine s’était présenté chez la famille d’Orléans afin de montrer les preuves de ses assertions. Quelques années plus tard, des cambrioleurs pénétrèrent dans la demeure qu’il partageait avec sa mère, rue d’Avignon à Salon. Les cambrioleurs les molestèrent et dérobèrent les documents qu’il détenait ainsi qu’une bague. Existait-il une relation de cause à effet ? Une coïncidence serait pour le moins troublante.
A propos de bague, il est intéressant de noter que l’épouse de Pierre Dujols, née Charton, avait vu le jour à Hennebont en Bretagne, localité dont le nom nous est familier puisque Eugène Canseliet prétendait que Fulcanelli était en possession d’un anneau en provenance de cette région. Cet anneau, qualifié de Baphométique, et donc à l’image du symbole Templier, aurait été remis au Maître par le Père Abbé du monastère Cistercien, voisin au XIIe siècle de la Commanderie d’Hennebont. Il se peut que cette confidence soit fondée, toutefois un détail se révèle faux à l’examen. Hennebont n’a jamais porté la moindre commanderie Templière. En revanche il serait peu honnête de taxer Eugène Canseliet de propos mensongers pour autant car il existait bien une commanderie dans un lieu proche d’Hennebont, à Inzinzac Lochrist, où demeura Madame Pierre Dujols. À proximité d’Inzinzac, jouxtant le bois de Tremelin, se trouve un lieu-dit : Le Temple.

biographiedeuxlivresfulcanelli

à suivre dans le livre « En Héliopolis, portrait d’un alchimiste au XXème siècle »