
Le Sud de la France a connu l’Homo Erectus : l’homme de Tautavel
Il peut avoir été témoin de la spéciation d’une nouvelle espèce issue sans doute d’Erectus ; l’homme de Heidelberg. Après un quasi million d’années d’usage du feu il apprend peu à peu l’art de le maîtriser.
Cette maîtrise associée à sa capacité à traverser la glaciation, son goût pour les beaux objets qu’il couvrait de stries, font de lui un frère ou un simple parent éloigné à qui nous devons beaucoup. Très proche physiologiquement de son successeur sur la même zone, il laissera la place à Neandertal (vers 130 000 BP) qui, lui aussi coincé contre la mer, par l’inlandsis arctique au Nord et celui des Alpes dans un climat glaciaire très rigoureux. Il partira coloniser l’Est de l’Europe, le Moyen Orient où il rencontrera un cousin éloigné venant d’Afrique remontant à contre sens, Homo Sapiens Sapiens.(Cromagnon)
Espace européen de Neandertal
Cromagnon : poursuivant sa vie en Afrique Erectus a donné le jour à des rameaux issus de la variation conjuguée à la sélection naturelle, l’un d’eux, Homo Rhodesiensis, pourrait être à l’origine de Sapiens. Paradoxale, sa spéciation dans le berceau Est-Africain pourrait avoir été antérieure à celle de Néandertal en Europe.Remontant vers le Nord il franchit le goulet du Néguev et/ou plus au sud le détroit de la Porte des pleurs. Ainsi papy Cromagnon remonta vers le Nord Est.
Il y a de la place pour tout le monde. Neandertal, lui, poursuivait vers l’Ouzbekistan et l’Altai. C’est là qu’il aura l’occasion de rencontrer une espèce locale l’Homme de Denisova. A-t-il oui ou non croisé l’homme de Flores ? Il serait alors descendu loin vers l’Asie du Sud Est.
Ce chasseur cueilleur, résistant au froid, solide comme un roc parfaitement adapté à son écosystème a disparu. Il serait bon d’étudier un peu plus près les causes de sa disparition ….
Les difficultés ont été vécues en parallèle par Neandertal et Cromagnon. Bien plus longtemps pour Neandertal qui a pratiquement toujours connu un climat glaciaire. L’échec de l’un, le succès de l’autre. Pour Neandertal cette « défaite » est assez incompréhensible au regard de ses atouts considérables.
Les Atouts de Neandertal
En 1977 le professeur Leakey dans son ouvrage les origines de l’homme émet une hypothèse sur des conclusions tirées de son étude des grands singes. Il établit une distinction entre singes exclusivement végétariens et singes mangeant occasionnellement de la viande. Il constate que de ce mode d’alimentation différent découle un mode de relations sociales lui aussi très différent. Alors que les strictement végétariens s’adonnent au nourrissage de façon dispersée, la consommation de viande donne lieu à une concentration du groupe à cette occasion. Disputes chamailleries mais partage. Le rassemblement à cette occasion, stimule un lien social plus fort et établissement d’une hiérarchie plus affirmée. Au total une plus grande cohésion des groupes. D’une certaine manière, manger de la viande d’après Leakey est le premier stade d’une organisation sociale supérieure.
c’est donc la consommation de viande qui fait franchir la première marche de l’hominisation
Les Heidelberg maîtrisent le feu, installent des foyers et cuisent. La horde à cette occasion jacasse. Les paléontologues estiment que ces jacasseries s’ajoutent et supplantent la pratique de l’épouillage des singes. Tous les animaux communiquent, les ornithologues nous l’ont dit depuis longtemps . Pour l’homme l’invention du langage articulé découle de cette habitude sociale constitutive de leurs sociétés.
Nous n’en sommes pas encore à une viande essentiellement produit de la chasse, elle n’est encore que le fruit d’un charognage systématique, mais les groupes soudés socialement sauront par la communication mener à bien les chasses collectives. Ce stade de la communication langagière sera atteint par les Neandertal qui ont une voûte palatale apte à la phonation, un larynx plus bas libérant les cordes vocales, et un os hyoïde. Tout comme Homo sapiens !
Un gène, le gène FOXP2, va jouer un rôle central dans les régions du cerveau impliquées dans la production du langage. Au cours du temps la maîtrise de l’appareil phonatoire va subi une mutation rédhibitoire.
Ce gène n’est certainement pas le seul, mais il intervient comme déclencheur permettant aux autres de se manifester. Le hasard ou la chance a voulu que l’on retrouve suffisamment d’ADN sur des restes de Neandertal trouvés dans les Asturies dans les 20 dernières années. Et Neandertal possède ce FOXP2.
C’est une découverte assez énorme qui en implique une plus énorme encore car, pour que ce gène se retrouve absolument identique chez Néander l’Européen et Magnon l’Africain, il faut soit que cette apparition soit un phénomène général d’adaptation , ce qui n’est pas le cas , soit qu’un ancêtre commun aux deux espèces l’ait transmis à cette double descendance.
Ce qui nous oblige à remonter très loin en arrière.
Donc premier point Neandertal avait l’outil de communication et de représentation : le langage. L’idéation et l’abstraction lui étaient ouvertes.

Concrètement les fouilles nous apportent la preuve de cette aptitude. Les reste de l’outillage Neandertal au fil des siècles se perfectionnent, offrant la preuve que l’objet fini est le fruit d’un objet prévu, que l’acte de taille est tout entier contenu dans le projet pensé. Les fouilles nous offrent aussi du sensationnel et du prodigieux : la sépulture avec ses rituels.
Qu’est-ce d’autre que la preuve d’une société qui se pense elle-même, qui se projette dans sa propre conception du Cosmos. La sépulture l’invention d’une cérémonie sociale aux conséquences gigantesques. On enterre les morts en veillant bien à disposer les dépouilles selon un rituel réfléchi et systématique. Quelle est la charge de projection magique voire mystique de ces enfouissements ? Par les attentions qu’il réserve au morts Néandertal nous révèle qu’il a une conception du monde voire d’un Univers au-delà du visible. De quoi n’est-il pas le père en s’adonnant à ces rites?
On ne le sait pas, mais les fouilleurs trouvent dans ces « tombes » des parures sur les corps, des ocres et des couleurs sur des galets, sur les coquillages (parfois venant de très loin) . C’est avec stupéfaction qu’ils découvrent, tant l’image de Neandertal brute épaisse est inscrite dans notre esprit, les restes de brassées de fleurs déposées sur les corps.
Ce n’est pas la première fois que les scientifiques révisent leur jugement sur le cousin maudit : on a déjà découvert que son cerveau était bien plus gros qu’on ne l’imaginait, qu’il enterrait ses morts, qu’il portait des ornements, comme des plumes ou des coquillages colorés… Mais c’est la première fois qu’on découvre, composée sur le sol de la grotte, une œuvre artistique néandertalienne.
L’extinction
Apparu à l’époque du répit interglaciaire (environ 130 000 BP) de l’Eémien Neandertal a été frappé par les rigueurs de la Glaciation du Würm. En exagérant on pourrait dire : peu lui importe. Sa morphologie est heureusement adaptée. Il est doté d’un corps massif et dense. À taille égale il pèse au moins 20 kg de plus que Cromagnon aux membres plus déliés. La règle de Bergmann veut que les animaux vivant sous des climats froids tendent à avoir une masse corporelle plus importante que ceux qui évoluent dans des régions chaudes ou tempérées. Le rapport surface de peau exposée/ masse corporelle plus faible chez Neandertal réglerait avec profit le problème de la déperdition thermique.
Alors? Pourquoi son extinction se déclenche-t-elle au moment où les conditions climatiques sont les pires (40 000 BP) relativement au Cromagnon plus fragile et plus exposé aux rigueurs des intempéries ? C’est une question non éclaircie que les générations futures auront à résoudre.
L’extinction de Neandertal
Ils étaient là depuis 120/130 000 ans. Ils avaient subi la glaciation la plus dure sans en avoir souffert plus que leurs cousins Cromagnon. Peut-être beaucoup moins. Et pourtant ! Brusquement on les rencontre de moins en moins à partir de 38 000 ans BP et on les voit disparaître vers 28 000 ans BP.

Quel fléau, quel accident ?
- Ont-ils été frappés par une épidémie dont ils auraient été les seules victimes. Il faudrait en conséquence incriminer une hypothétique déficience immunitaire dont ils auraient été les seuls porteurs
- Alors qu’ils en avaient subi bien d’autres ont-ils été affectés par de brusques changements climatiques, ne leur laissant pas le temps de s’adapter à un nouvel écosystème lui aussi soumis à des variations brutales ?
- Un taux de mortalité infantile élevé ?
- Une espérance de vie courte ? Rares nous sont revenus les vestiges fossilisés d’individus ayant dépassé les 40/45 ans
Doit-on accorder à un événement astronomique et/ou géophysique un rôle essentiel dans leur extinction ? Qui sait ?
Vers 41 000 BP une brusque variation du champ magnétique provoquée par l’Excursion de Laschamp a, pendant une période de 1500 ans environ, entamé gravement la protection fournie par le bouclier de la magnétosphère. La couche d’Ozone insuffisante aurait laissé passer un bombardement intense de rayons UV-B sur l’Eurasie. Ce phénomène pourrait venir confirmer l’hypothèse du développement de cancers chez les Néandertaliens à la peau claire. Peut-être une chute de la fécondité des Néandertaliennes ? Cette fois-là l’exogamie attestée des groupes de Néandertaliens auraient été insuffisante pour s’en sortir par la voie de la variabilité génétique. L’excursion de Laschamp aurait sonné le début d’un déclin inéluctable.
Ce premier phénomène aurait été aggravé par un second venu de beaucoup plus loin dans le temps. Une étude conduite au Périgord par des chercheurs de Cambridge montre qu’au tournant des 40 000 BP les hommes de Neandertal étaient noyés, perdus, dans une marée d’Homosapiens dix fois plus nombreux. Ces derniers vivaient en groupes beaucoup plus importants générant entre eux les échanges plus riches sur des espaces beaucoup plus vastes favorables à leur manière de vivre et chasser avec des armes et des techniques en évolution constante plus rapide que chez les Néandertaliens. Sur le mode du conflit ou de la coexistence pacifique les nouveaux venus étaient toujours gagnants.
En gros avant de disparaître complètement les cousins Néander auraient été, pas forcément avec violence, un peu poussé dans les coins.
Une autre hypothèse :
La plus pacifique des cohabitations n’aurait-elle pas pu provoquer, elle aussi, la plus inéluctable des extinctions. ? Les deux espèces ont pu se croiser, se mélanger et ainsi par hybridation conduire à ce que le génome particulier des Neander soit complètement dilué dans celui d’Homo Sapiens. Y a-t-il eu hybridation entre Neandertal et Magnon ? Sans pouvoir le prouver on l’a considérée longtemps comme possible.
Alors ?
- À Pestera cu Oase en Roumanie dans les Carpates, une mandibule humaine datée devers 36/34 000 BP a appartenu à un individu proche d’Homo Sapiens d’Afrique ou du Proche Orient mais elle possède certains traits dérivés du Neandertalien.
- À Lagar Velho au Portugal un squelette d’enfant vieux de 24 500 ans (donc post extinction) présente au niveau du crâne, des dents et de la proportion des membres, des caractères néandertaliens incontestables.
La paléontologie classique ne permet pas d’aller plus loin sauf à s’autoriser des errements relevant de la science-fiction. Heureusement la biologie moderne et son analyse de l’ADN est venue répondre à bien des questions, renverser bien des vérités et établir des hypothèses jusque-là fragiles.
En 1997 l’institut Max Plank d’anthropologie évolutive de Leipzig procède à une analyse des ADN mitochondriaux de Neander et de Magnon. Mais ses résultats remettent en cause l’hypothèse de l’hybridation. Les médias s’en feront l’écho.
Mais on insista et en 2010 on procède à une autre expérience. On réalise le séquençage presque complet du génome de trois femmes néandertaliennes de la grotte de Vindija en Croatie, puis, on le compare avec ceux de cinq hommes vivant de nos jours : un Français, un Chinois, un Papou, un Africain du Sud et un Africain de l’Ouest. L’expérience conduit à montrer que seuls ceux d’origine Eurasiatique sont porteurs d’un matériel génétique néandertalien. Pour 1% à 4 % .. Bien sûr cela relance le débat sur la définition de l’espèce. Neandertal est toujours là à sa façon et que tant que nous vivrons, il vivra en nous.
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