Les mystères du Tabernacle : Betzalel et Yehuda

De quelle manière la fabrication du Tabernacle, est-elle, selon la littérature midrashique, l’équivalent de la création du monde ? Quelles sont les théories développées par Sir Isaac Newton, le père de la Science moderne, à partir des dimensions du Tabernacle ? Pourquoi le choix de Betzalel, de la tribu de Yehuda et d’Oholiav, de la tribu de Dan pour la construction du Tabernacle ?

Il semble bien que le Tabernacle (le « Michkan« ) préfiguration des deux Temples, crée un espace surnaturel où le Créateur du monde et le peuple juif peuvent résider ensemble, de la même manière que le Créateur et Adam résidaient ensemble au Paradis.

L’Arche avec son propitiatoire

Le modèle du Tabernacle a été montré à Moise « dans la montagne ». D’abord, le Saint des Saints, qui est un cube parfait, dont le côté est égal à dix coudées, à peu près cinq mètres. Dans le Saint des Saints, se trouve « l’arche du statut » où sont déposées les Tables de la Loi. Cette arche  est de dimension extrêmement réduite : deux coudées et demie de long (1m 1/4 environ), une coudée et demi de large (75cm), une coudée et demi de hauteur. Elle est faire de trois boîtes s’emboîtant l’une dans l’autre, recouverte d’un couvercle d’or (« propitiatoire ») surmonté de deux chérubins d’or massif. Ce sont des créatures ailées au visage humain. L’un a le visage d’un homme, l’autre d’une femme. Quand le peuple d’Israël fait la volonté de D., les chérubins se font face en signe d’amour. Quand ce n’est pas le cas, ils se détournent, miraculeusement, l’un de l’autre. Et c’est entre ces deux chérubins que le Créateur parlera à Moise :

C’est là que je te donnerai rendez-vous, c’est de dessus le propitiatoire, entre les deux chérubins, placés sur l’arche du Statut que je te communiquerai tous mes ordres pour les enfants d’Israël.

Le deuxième espace, la tente d’assignation est rectangulaire, dix coudées de large sur vingt coudées de long. S’y trouvent la table (deux coudées de long, une coudée de large, une coudée et demi de haut), le candélabre et l’autel des parfums. Ces deux pièces se trouvent dans un autre espace rectangulaire de cinquante coudées de large sur cent coudées de long, où il y a l’autel des sacrifices. Dix tapis entourent cet espace, cinq de chaque côté. Tout est fait pour l’errance. Chaque accessoire est muni d’anneaux et de barres destinées à le transporter.

La suite est connue. Lorsque le 17 Tamouz, ( Tamouz est le quatrième des 12 mois du calendrier juif, en comptant à partir de Nissan. Avec le mois de Tamouz commence la « saison » de l’été.) Moise, après quarante jours passés dans le Ciel, revient au camp, portant les Tables de la Loi, écrites par le Créateur lui-même, il assiste au culte du Veau d’or. Bris des Tables de la Loi, qui sauve le peuple d’une extermination totale. Deuxième période de séjour au Ciel, selon Rachi, du 20 Tamouz au 30 Av. Troisième période de quarante jours et Moshe revient avec les nouvelles Tables de la Loi. C’est le 10 Tichri, jour qui sera plus tard Yom Kippour. Le lendemain, le 11 Tichri, Moshe revient, une troisième fois, donc, sur ce qui lui a été ordonné pendant son séjour dans les Cieux. Cependant, l’ordre est différent. D’abord, l’observance du shabbat puis la liste des matériaux et la description des éléments du Tabernacle. Cette description est reprise, une quatrième fois, donc, au moment où l’on apporte les matériaux. Le texte revient sur la fabrication du Tabernacle, les tapis, les solives, les pierres de chitim, les rideaux qui séparent les différentes parties du Tabernacle. Et quand Betzalel exécute le Tabernacle, il y aura encore une répétition de toute la description, dans tous ses détails.

Le Tabernacle n’est pas un espace quelconque, mais une réalité infiniment mystérieuse, à la limite entre le naturel et le surnaturel.

Un architecte israélien, David Raphaël Hadji, a écrit un livre sur le Tabernacle où il calcule le poids et le prix de chacun des éléments. En ce qui concerne le prix, le coût du Tabernacle atteint cinq milliards et quelque de chekalim (plus d’un milliard d’euros), ce qui n’est pas une petite somme pour un peuple qui vient d’échapper à un long esclavage. En ce qui concerne le poids, David Hadji parvient à des conclusions qui montrent bien qu’on a affaire à un bâtiment au-delà des lois de la nature. Les Lévites qui devaient transporter l’arche sainte, son couvercle et ses chérubins devaient, chacun, soulever des centaines de kilos pendant le transport. Il est d’ailleurs écrit que l’arche portait ceux qui la portaient, de manière miraculeuse. Chaque poteau pesant plus d’une tonne, les vaches chargées de transporter les poteaux pendant la marche dans le désert, tiraient plusieurs dizaines de tonnes.

Autre argument, plus traditionnel, pour démontrer le caractère surnaturel du Tabernacle, et en particulier de l’arche sainte. Dans le Traité Yoma (21,a), on énonce : « Rabbi Levi dit : ceci est une tradition de nos pères : l’arche sainte n’occupe aucune place dans le Saint des Saints. Et Rabbenaï dit, au nom de Shmuel : les chérubins se tenaient de manière miraculeuse, [car leurs corps ne tenaient aucune place]. »

Rachi, dans son commentaire, explique l’aspect miraculeux des dimensions de l’Arche. Le Saint des Saints est un cube parfait de dix coudées de large, dix coudées de long et dix coudées de haut. L’Arche est au centre et elle mesure deux coudées et demie sur une coudée et demie. Mais la mesure qui sépare l’Arche de chacune des parois du Saint des Saints est dix coudées. On en arrive donc à la conclusion que l’Arche est un objet surnaturel, n’occupant aucune place. Un calcul similaire est effectué avec les chérubins, dans le traité Baba Batra (99a). Le Roi Salomon avait ajouté, aux chérubins du Tabernacle, deux chérubins dans le Saint des Saints. Chaque aile mesurait cinq coudées et l’espace figurant entre le bout des ailes déployées de chacun des chérubins est de dix coudées. Comment les deux chérubins aux ailes déployées pouvaient-ils tenir dans un Saint des Saints qui, dans le Temple, a vingt coudées, le double des dimensions du Saint des Saints du désert ?

La réponse est la même : les chérubins ne tiennent aucune place. Ils ne sont qu’un point. Ils existent, mais dans une réalité au-delà de l’espace. Le Saint des Saints, lieu où le Créateur parle à Moise est le point de contact entre le surnaturel et le naturel. Et d’ailleurs,  après tous les détails de cette construction qui n’est qu’apparemment naturelle, vient le miracle, permanent, visible, pendant les quarante ans du désert. Car une nuée divine couvrait le Tabernacle durant le jour, et un feu y brillait la nuit, aux yeux de toute la maison d’Israël, dans toutes leurs stations.

Pendant quarante ans, pour le peuple d’Israël, le Tabernacle, c’est ce feu ou cette colonne de fumée qui miraculeusement, jour et nuit, le surmonte. Les étranges répétitions dans la description des mesures et des éléments du Temple semblent bien indiquer l’aspect surnaturel du Tabernacle, point suprême de la proximité entre le Créateur et le Peuple d’Israël. D’autre part, par sa symbolique, il peut être lu comme un microcosme de l’Univers.

La construction du Tabernacle et la re-création du monde

Dans tous les commentaires traditionnels, la construction du Tabernacle est mise en parallèle avec la création du monde.

Les trois formes d’intelligence nécessaires à la construction du Tabernacle.

Selon le Midrash,  le Monde, le Tabernacle, le Temple et le Temple à venir ont été construits  par la combinaison de trois types d’intelligence, correspondant à trois différentes sephirot, de nature tout à fait différente l’une de l’autre, et qu’on ne trouve pas souvent réunies dans un même esprit. Il y a d’abord la « Hochma », liée à l’étude de la Torah, qu’on pourrait approximativement traduire par « Sagesse », une sorte d’intelligence à la fois intuitive et globale. Vient ensuite la « Bina », le Discernement, l’intelligence déductive, liée à l’étude des lois. La « Daat », le type d’intelligence nécessaire à l’étude du Talmud est la synthèse et le dépassement des deux autres types d’intelligence. Lien profond avec la chose étudiée, le mot « daat » pourrait être traduit par « Science » ou « connaissance ».

Or, selon les Proverbes, le monde a été créé par la combinaison de ces trois types d’intelligence : « L’Eternel, par sa sagesse, a fondé la terre, par l’intelligence, il affermit les cieux, par sa science, les abîmes s’entrouvrent et les nuées ruissellent de rosée« .

De même que l’Univers, le Tabernacle est créé par la même combinaison dont a été béni Betzalel, l’artiste sacré : Je l’ai rempli d’une inspiration divine, de sagesse, d’intelligence et de science. Ces trois formes d’intelligence, continue le Midrash se trouvent également chez Hiram, qui va bâtir le Temple de Salomon : Le Roi Salomon fait venir Hiram de Tyr. C’était le fils d’une veuve de la tribu de Naftali et son père était un tyrien, ouvrier en cuivre. Lui-même était plein de sagesse, d’intelligence et de science.

  • [1] Proverbes, 3, 19-20.
  • [2]  Exode, 31, 3.
  • [3] Premier livre des Rois, 7, 13-14.

à suivre : Newton et le Tabernacle

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