Lux in Arcana : retrouver le Nord

Johan Dreue, un homme, des livres une quête

Auteur de plusieurs livres sur les racines mémorielles de l’Occident. Discret de nature il ne cherche pas à se mettre en avant.

« L’auteur, Johan Dreue, né en 1952 (Enghien les Bains) a été l’élève de Pierre Hadot, professeur au Collège de France et directeur de la IVème section à l’École Pratique des Hautes Etudes, département sciences religieuses. Il a eu également comme maitre le professeur Emmanuel Lévinas à la Sorbonne. Après des responsabilités en informatique dans différents secteurs – il a dirigé un département d’Intelligence artificielle (neuroconnexionnisme) – il s’oriente vers l’édition et occupe un poste d’éditorialiste auprès des éditions Dervy dans les années 2005 – 2010. Il est aujourd’hui spécialiste des mouvements hermétistes et a dirigé plusieurs colloques sur l’Alchimie dont un à la Sorbonne au grand amphithéâtre. Auteur d’une biographie complète du dernier Adepte en deux volumes « en Héliopolis avec Fulcanelli ». Il se consacre à la « Prisca Sapientia » et donne des conférences en France et à l’étranger. Il est également l’auteur du « Matin des magiciennes » premier volume d’une saga consacrée à l’Odyssée de la Femme solaire, en préparation : « Le féminin en Dieu, éléments de Sophiologie » ainsi qu’un essai sur la quaternité. »

En vérité mon expérience avec ce que l’on appelle « l’ésotérisme » a commencé dès l’âge de 14 ans. Aujourd’hui sur ce terme règne une énorme confusion car l’ésotérisme est aujourd’hui une discipline universitaire et il ne recouvre rien de ce qui a trait au secret. il s’agit maintenant d’une catégorie fourre tout permettant toutes les escroqueries intellectuelles. Pourtant, l’ésotérisme bien compris est une frontière mouvante entre ce qui est public, exotérique et ce qui est de l’ordre du privé et réservé à un cénacle : l’ésotérique. Mais plus intéressant est le domaine intermédiaire qui permet de passer de l’un à l’autre : le mésotérique selon la définition de Bois Mouravieff. Car comprendre cela c’est aussi comprendre les enjeux de l’ésotérique, ce qui est public aujourd’hui peut devenir un enjeu relevant de sphères fermées demain et c’est dans cette fluctuation et là seulement que réside l’intérêt de l’ésotérique. Ayant été ingénieur dans le domaine du textile (concepteur du premier système informatique pour les tissus tissés) j’ai découvert que dans ce domaine il existait toute une tradition ésotérique inconnue de la plupart qui permettait à des tisseurs catalans de faire passer des messages dans les tissus par le biais du choix des « armures », cette méthode a été analysée et s’appelle la méthode des initiales; je l’ai soumis au service des chiffres de l’armée française qui l’utilise depuis pour le chiffrement de certaines données sensibles tant le niveau de cryptage est élevé. Mes premiers contacts avec les domaines de l’hermétisme ont eu lieu très tôt auprès de quelques grands maitres comme Robert Amadou avec qui j’ai entretenu une correspondance ou des figures Importantes de la spiritualité et je pense à pier vilayat inayat khan  et tant d’autres comme Raymons Bernard (groupe Circes) .. j’ai eu aussi un bref interlude de 25 ans dans la fraternité maçonnique où j’ai occupé divers postes de responsabilité dont 3 mandats d’orateur … Je ne citerai pas les noms des différents grands maitres des obédiences maçonniques tant ils sont éphémères et de peu d’intérêt mais une personne m’a particulièrement marqué dans mon parcours et il s’agit d’un moine bénédictin alors que je n’avais que 17 ans. Je pense que c’est lui qui m’a transmis l’impulsion initiale et vitale pour ce que je réalise simplement aujourd’hui 50 ans après l’avoir rencontré. En  réalité une personnalité remarquable, descendant de la plus haute aristocratie polonaise il avait été brillant concertiste avant de recevoir l’illumination et je pense qu’il correspond à ce que l’on appelle un supérieur inconnu. Lui rendant visite un jour dans ses appartements au monastère, je l’ai surpris en plein méditation et sans faire de bruit j’ai observé quelque chose d’étrange car il y avait une ombre sous lui, et regardant avec attention j’ai compris qu’il lévitait à environ une vingtaine  de cms au dessus du sol d’où cette ombre ! C’était avant tout un homme de science avec plusieurs doctorats dont celui de médecine et il avait à plusieurs reprise pour y traduite des traités de médecine tibétaine qui ont fait sa réputation en Allemagne. Puis la vie a suivi son cours normal entrecoupé d’une grande passion : l’aviation qui m’a mené à piloter d’anciens avions de chasse après une formation spéciale. Le destin a voulu qu’ensuite je travaille sur la centrale inertielle du Mirage 2000 pour la Sagem. Là aussi j’ai commencé assez tôt puis qu’à 18 ans j’avais mes licences en poche et m’attaquait à quelques records d’altitude en planeur (Wassmer 20) à partir d’un petit terrain d’aviation situé près de Font Romeu à Llagonne (vol d’onde à plus de 7000 mètres ce qui pour l’époque n’était pas très courant). Souvent je partais survoler la chaine des Pyrénées en compagnie de Claude Closterman le fils de l’ancien as des as des ailes françaises. Il était là comme moi en formation de préparation à l’armée de l’air. C’était l’époque aussi ou l’on pouvait retirer parfois des billes de plomb après le survol de la petit enclave espagnole située à l’intérieur de la France et ils n’aimaient pas que je les survolasse !

Je vais arrêter là ces quelques anecdotes tout en mentionnant aussi mes missions assez discrètes de l’autre côté du mur à Berlin en 1987-88 et qui m’ont permis de me faire une exacte mesure de la menace soviétique puis russe (mais c’est la même chose). J’étais sur place en tant qu’ingénieur invité officiel de la DDR.

Quelque part dans le CAUCASE en 2020 juste avant la fermeture des frontières, c’est la Volga qui s’écoule au loin, elle fait parfois plus de 30 kms de large.

Pour vous aider à préparer vos lectures estivales nous vous avons préparé un pack comprenant un livre offert.

Ce pack comprend un livre gratuit sur les quatre. 75 € au lieu de 115 €

Les franchisseurs

Ce qui semble alors, au long des nuits boréales, frapper le regard de ces hommes, c’est surtout la part céleste de l’obscur, la vastitude, l’omniprésence, la lourde opacité de ce noir qui couvre presque tout le ciel. Il pèse comme un voile, une muraille d’ombre encerclant notre terre, un cercle ténébreux au travers duquel transparaissent par endroits, par des lézardes, des failles, des béances, les feux brillants d’un autre monde. Un couvercle gigantesque et noir obture notre univers et nous enserre de son opacité.

Muraille obscure, couvercle noir, cercle d’ombre. Et au-delà, en un deuxième cercle, le feu des planètes, des étoiles, de toutes les sphères du ciel. Ce monde-là, l’œil le saisit encore par ces points lumineux découpés en forme de constellations dans la texture de l’ombre, dentelles étincelantes ajourant le tissu de la nuit cosmique. Pourquoi l’être — dieu ou démiurge — qui perfora ainsi le voile de notre ciel a-t-il tracé ces pointillés énigmatiques évoquant les formes familières de notre monde ? Parce que, sans nul doute, ils sont le signe de quelque chose, le dessin de quelque dessein, des messages ou des symboles disséminés sur la voûte céleste. Ainsi une secte gnostique, les Pérates (nom  qui signifie les Franchisseurs), découvre dans la constellation du Serpent ou du Dragon le sens même de la genèse du cosmos. C’est une constellation curieuse, une des plus vastes du ciel boréal et pourtant une de celles auxquelles on prête le moins attention. Elle déploie ses sinuosités entre la Grande et la Petite Ourse, la queue perdue vers les Gémeaux, sa tête triangulaire pointée vers le pôle céleste. Elle n’a pas dans son tracé la précision géométrique de l’Ourse, l’élégance du Cygne, la rigueur du Scorpion. Mais ainsi lovée autour du pôle boréal, comme si elle tétait le nombril du ciel, on comprend qu’elle se soit vite chargée d’un symbole majeur.

Les Pérates, qui voyaient justement dans le Serpent le premier gnostique du monde, celui qui détenait la connaissance primordiale et avait tenté de la commu­niquer au premier homme, dans l’Éden, retrouvèrent dans cette constellation l’image du Serpent primordial et son implication quant au destin humain : « Si quel­qu’un possède des yeux qui savent voir, il verra en levant son regard vers le haut la belle image du Serpent enroulé au grand commencement du ciel. Alors, il comprendra qu’aucun être ni au ciel ni sur terre ni aux enfers ne s’est formé sans le Serpent. »

Ainsi ces figures racontent-elles l’histoire première du monde et sont autant de signes qu’il convient de déchif­frer puisque tous ont leur pendant terrestre. Là-haut, le grand Serpent lové aux racines du ciel. Sur terre, le serpent de l’Éden, lové aux racines de l’arbre de Connais­sance. Le ciel — comme les mythes bibliques que les gnostiques interprétaient souvent à la façon des mytho­logues modernes, cherchant à y lire le sens caché (on dirait aujourd’hui inconscient) qui court à travers les images, les symboles et les analogies — le ciel est la première source de connaissance.

Si l’on voulait donner à la cosmologie gnostique un langage contemporain, on pourrait dire que le premier cercle représente le système proprement solaire et le second, le système galactique auquel nous appartenons. Mais au-delà du second cercle, les gnostiques en ont imaginé d’autres — dont le nombre varie — jusqu’au centre ultime qui constitue la source et la racine de la totalité de l’univers. Ces mondes intermédiaires, ces cercles échelonnés jusqu’au nombril du monde sont pour nous totalement invisibles. C’est par intuition ou plutôt par révélation, par gnose, que le gnostique connaît leur existence. Car de toute évidence il s’agit de leur part d’une pure construction mentale, assez singulière et reposant, comme les systèmes des physiciens de l’école ionienne en Grèce, sur une vision a priori de l’univers.

Le ciel perdu et retrouvé par la tradition primordiale.

Ces autres mondes, pressentis, devinés par la spéculation gnostique, on pourrait dire qu’ils représentent au fond ce que l’astronomie moderne appelle les nébuleuses, spirales et amas extra-galactiques. Ce monde d’au-delà du second cercle, d’au-delà des planètes et de la sphère des fixes, un gnostique comme Basilide l’appelle d’ailleurs le monde hyper-cosmique. En lui réside l’Être suprême, le Dieu-néant, détenteur de tous les devenirs, rétenteur de tous les germes, puissances et potentialités, feu purement intelligible où se trouvait et se trouve encore la semence de tout ce qui, par la suite, chuta dans les cercles inférieurs (supralunaires et sublunaires) et devint matière animée et inanimée, formes, incarnations, pierres, arbres et chair. On voit qu’entre tous ces mondes, les étapes qui les séparent sont celles de la pesanteur. De même que la semence de l’homme, germe infime, invisible, nanti d’un poids à peine mesurable, acquiert en se développant grandeur et pesanteur, de même les semences primordiales, les potentialités du monde hypercosmique, en chutant dans le monde inférieur, acquièrent une pesanteur, une matière de plus en plus compacte.

Il semble donc exister pour les gnostiques plusieurs états de la matière : un état igné, supérieur, qui est celui de l’hyper-monde, et des états successifs correspondant aux différents cercles, à mesure que les semences se matérialisent et se chargent d’obscurité, d’opacité, de pesanteur. Notre propre matière, celle de la terre, des végétaux et des êtres vivants est en quelque sorte la semence infiniment alourdie des particules éthérées de l’hyper-monde. Elles ont chuté peu à peu jusqu’à nous, à la suite d’un drame primordial qui est toute l’histoire de notre univers, à la façon des poussières, débris, particules qui, lentement, se déposent au fond des abîmes marins pour y former des sédiments. Tous les êtres vivants de notre monde sont, aux yeux des franchisseurs les sédiments d’un ciel perdu.

Le prince Dom Cyrile K. Il fut le dernier maillon de la fraternité blanche (Badmaiev, Solovieff, Gurdjieff etc ..)

 

Retrouver le Nord

Dans un monde bipolaire puis multipolaire cela ne semble pas évident du tout. Si j’évoque la Tradition primordiale c’est en raison tout simplement de sa primordialité d’où tout émane mais ce n’est rien de fumeux en soi. D’ailleurs René Guénon en parle de façon simple avec des termes clairs en bon cartésien qu’il était (ou jésuite !). Il est vrai que comme le soutient René Guénon que nous sommes entrés dans une phase accélérée de la dé-volution. L’occasion pour moi de bien préciser ce que j’entends par Tradition primordiale et surtout ce qu’elle n’est pas. Dans ma compréhension ce sont des penseurs comme Raymond Abellio ou Martin Heidegger avec des linguistes (Geroegs Dumzil) ou des psychanalystes (Marie Louise von Franz) qui m’ont mis sur la voie. Si Guénon peut en parler sous formes de schèmes (et non de symboles)  il faut maintenant pousser l’investigation et reconnaitre qu’il s’agit bien d’une structure (à imaginer en 3 dimensions) faisant office de moyeu à tout notre système de pensée. C’est aussi la force du vide (ce centre non humain dont parlait Guénon) autour duquel s’organise la matrice du sens dont l’Humain est l’actuel dépositaire mais non le propriétaire, cette part du ciel reçu en héritage lors de son lointain séjour boréal. En d’autres termes la Tradition primordiale est autant devant nous que derrière nous et son pire ennemi est le traditionalisme des sociétés initiatiques (elles sont toutes caduques et révoqués depuis longtemps) qui ne sont le plus souvent qu’une ramassis de radoteurs en faisant pas progresser la recherche. Lors de la& Renaissance c’est en se présentant comme un laboratoire de la modernité que les grands esprits de la renaissance (de Pic de la Mirandole en passant par le grand Vinci) ont pu construire un concept moderne de la Tradition autour de l’hermésisme. Aujourd’hui c’est autour de la linguistique, de la psychologie des profondeurs ou de l’analyse structurale des mythes indo-européens que nous pouvons reconstruire un schéma cohérent de la Tradition primordiale qui pour reprendre l’expression de Jacques Lacan nous parle : « ça parle » encore faut il pouvoir l’entendre. Le murmure de l’univers …

si vous voulez me soutenir dans mon travail, vous pouvez aussi faire un don

Science et hermétisme

%d blogueurs aiment cette page :