Oubliée par l’Histoire jusqu’à sa redécouverte dans les années 1920, la civilisation de l’Indus se range parmi les toutes premières civilisations, au même moment que la Mésopotamie et l’Égypte ancienne. Avec une superficie de 2,5 millions de kilomètres carrés, il s’agissait à l’époque de la civilisation la plus étendue au monde : elle regroupait cinq millions de personnes, soit 10% de la population mondiale de l’époque. Cette civilisation, dite aussi civilisation harappéenne, qui s’étendait sur ce qui est aujourd’hui le Pakistan, l’Inde et l’Afghanistan, a subitement disparu vers 1900 av-JC, probablement victime d’un changement climatique. Puis a été oubliée, faute d’ouvrages monumentaux ayant traversé le temps comme les pyramides d’Egypte. On a simplement découvert, depuis les années 1920, plus d’un millier de sites : des maisons de briques séchées, des salles de bains, des puits, les premières toilettes au monde… Par contre, dans ses grandes villes divisées en quartiers, nuls temples, palais ou équipement militaire.
à la recherche des aryens et origine des Indo-européens : qui sont-ils ?
« les hindous considèrent que les textes sacrés, sur lesquels ils fondent leurs croyances et leurs pratiques, sont révélés. Ils nomment d’ailleurs leur « religion » Sanâtana dharma, Loi éternelle.
Dévoilée aux rishi qui la transmirent aux hommes, enrichie par des générations de penseurs, de sages, de saints, de poètes et de mystiques, la Connaissance est arrivée jusqu’à eux à travers des chaînes initiatiques ininterrompues depuis la révélation des Veda jusqu’à aujourd’hui. Non seulement les textes mais tout ce qui touche à l’univers religieux est d’essence divine.
La langue des Veda, qui est aussi celle des prières, est le déploiement du son primordial, et chaque phonème, chaque lettre de l’alphabet sanskrit est un germe de création.
La terre indienne est une terre sainte où le divin sous ses multiples formes s’est maintes fois manifesté. Dieu est là, présent en tout ce qui est, caché dans le cœur de chaque être, et visible aussi. Visible à travers les milliers d’image le représentent et à travers les personnes lesquelles il se manifeste ou s’incarne. L’origine de ces textes, de cette langue cette terre, de ses hommes et de ses dieu elle-même inscrite dans la révélation, dans les textes sacrés et dans les mythes, dans un temps hors du temps historique.
La tradition dans laquelle un hindou et qu’il perpétue, est à la fois ancrée dans le passé et intemporelle. Elle propose une du monde d’une extrême richesse et extrême cohérence où chacun a sa place, sa fonction et le moyen de parvenir à l’Éveil. Elle est aussi une manière d’être au monde, aux autres et à soi-même et aussi un chemin spirituel. Les voies qui mènent à la Libération se rattachent toutes à la Révélation à laquelle cl doit s’ouvrir pour faire seul, dans l’intimité de son être, l’expérience du divin. Les différentes approches, qu’elles soient savantes ou populaires, ritualistes ou mystiques, exotériques ésotériques sont les multiples expressions même sagesse.
Cette vision de l’intérieur a été la seule pendant plus de trois millénaires. La seule jusqu’à ce que la philologie et l’histoire des refassent leur apparition et que des savants occidentaux s’intéressent aux langues, aux mythologies et aux religions de cette lointaine contrée qui, bien qu’elle fût connue depuis la plu Antiquité, avait conservé tout son mystère. Cette nouvelle approche, que des chercheurs hindous ne tardèrent pas aussi à adopter, sortit l’hindouisme du seul domaine de l’étude sacrée et de l’expérience religieuse pour le situer dans l’histoire et l’étudier selon des méthodes scientifiques, ce qui posa le problème de l’origine de l’hindouisme d’une toute autre façon. » Sarah Combe, Un et multiple
aux sources des Indo-européens : un patrimoine commun
La découverte des textes sacrés provoqua une véritable révolution intellectuelle. Les premières études comparatives portant sur la similitude entre certaines langues européennes et les langues persanes et indiennes ont débuté au XVI siècle en Europe, principalement aux Pays-Bas. M.Z. van Boxhorn relève une parenté entre le sanskrit, l’avestique, l’ancien perse et les langues européennes.
Au XVIIIe siècle, l’Iran et l’Inde attirent de plus en plus d’Européens, des marchands, des missionnaires et des chercheurs.
A.H. Anquetil Duperron n’a que vingt-quatre ans lorsqu’il part en Inde. Au cours d’un voyage de six ans (1755-1762), il apprend le parsi et le sanskrit. Il rapporte en France des ouvrages de la littérature religieuse et classique de l’Inde. Il fonde l’École orientaliste française, traduit l’Avesta en 1771 et, à partir du parsi, traduit en 1776 cinquante Upanishad. Puis il travaille à l’élaboration de dictionnaires de sanskrit, de telugu et de malayâlam qui resteront inachevés.
Jones, homme de loi et érudit anglais, profite de sa mutation à Calcutta en 1783 pour étudier le sanskrit (il connaissait déjà de nombreuses langues dont l’arabe, le persan, le chinois…), et traduire des parties du Veda, des fables du Panchatantra et le Gîta-Govinda. Il confirme qu’il existe bien une famille des langues indo-européennes, et relève de nombreux points communs entre les religions grecques et romaines, d’une part, et l’hindouisme, d’autre part.
À la même époque, G.L. Cœurdoux, philologue et jésuite français, missionnaire en Inde, découvre aussi des parentés entre la grammaire et le vocabulaire du sanskrit et ceux du latin et du grec.
D’autres chercheurs se sont intéressés à des formes plus populaires de l’hindouisme, celles pratiquées dans les villages et les tribus, ainsi qu’aux langues et aux cultures régionales (langues et littératures dravidiennes, bengali, gujarâtî, dialectes et traditions orales…), mais pendant longtemps l’essentiel des recherches est resté centré sur les sources les plus anciennes et les plus savantes de l’hindouisme, sur l’étude de la religion védique et du sanskrit.
En 1814, une chaire de langue et littérature sanskrites est ouverte au Collège de France, A.L. Chézy en est le premier titulaire. En 1821, avec Eugène Burnouf, il fonde la Société asiatique. Ce dernier lui succédera en 1832 au Collège de France et traduira le Bhâgavata-purâna entre 1840 et 1847… H. Fauché traduit entre 1850 et 1860 le Gîta-Govinda, le Râmâyana, le théâtre de Kâlidâsa, et commence la traduction du Mahâbhârata qui sera achevée après sa mort en 1869…
Parallèlement à ces recherches et traductions en France, l’étude du sanskrit, de la littérature et de la mythologie védiques passionne aussi un grand nombre d’érudits en Angleterre et en Allemagne. Les premières traductions du Veda en anglais par H. Hayman, et en français par A. Langlois paraissent la même année, 1851. Les études comparatistes abondent. De nombreuses langues européennes (germaniques, romanes, grecques, slaves, baltes…) sont comparées aux langues indiennes et iraniennes et leur parenté apparaît de plus en plus évidente. Certains chercheurs comme Max Müller relèvent une proximité des mythes exprimés dans toutes ces langues et supposent également un fond commun mythologique indo-européen. Georges Dumézil confirmera et développera cette hypothèse dans ses travaux. Depuis l’année 1938, où il élabora la théorie de la tri-fonctionnalité jusqu’à sa mort en 1986, il poursuivra ses recherches dans ce sens.
Mais ces études ne restèrent malheureusement pas toutes dans le cadre de la philologie et de la mythologie comparée et, dès le XIXe siècle, quelques orientalistes émirent l’idée d’une origine commune, non seulement linguistique, mais également territoriale et raciale. Selon eux, les Ârya2 qui vivaient dans la plaine indo-gangétique et pratiquaient la religion védique étaient les descendants d’un peuple qui avait conquis l’Iran et le nord du sous-continent indien d’une part, et l’Europe, d’autre part. On commença à parler d’un «foyer d’origine» de la « race » indo-européenne et à le rechercher. D’aucuns affirmèrent l’origine nord-européenne de cette race, qui fut rebaptisée « race aryenne », et sa supériorité sur toutes les autres …
Les découvertes archéologiques
À partir de 1920, les fouilles de la vallée de l’Indus apportèrent des matériaux nouveaux aux chercheurs et élargirent le champ de leurs investigations. Cette découverte de sites urbains datant du IIIè millénaire avant l’ère chrétienne ébranla l’idée, très répandue à l’époque, selon laquelle les Ârya étaient arrivés dans un pays de barbares et y avaient apporté la civilisation. Une autre civilisation les avait précédé !
En 1856, au cours de terrassements pour la construction d’une ligne de chemin de fer entre Karachi et Lahore, des ruines sont mises au jour. Des sceaux trouvés sur le site sont envoyés au British Museum. L’affaire est close pour plus de soixante ans. Il faudra attendre 1920 pour qu’un archéologue, Sir John Marshall, s’intéresse à cette découverte et entreprenne des fouilles dans la vallée de l’Indus.
Ces fouilles révélèrent les vestiges d’une civilisation urbaine apparue aux alentours de 2700 et disparue vers 1900 avant l’ère chrétienne, ayant un niveau de développement équivalent à celui des villes de la vallée du Nil ou de l’Euphrate. De nombreux sites (soixante-dix bourgs et villages) situés sur les rives de l’Indus furent dégagés. Mohenjo-Daro et Harappa, distantes de six cent cinquante kilomètres l’une de l’autre, sont les villes principales de cette aire qui s’étend sur des milliers de km2. Ces villes étaient conçues selon un plan en damier, toutes orientées et structurées de la même façon. Maisons, échoppes et ateliers étaient construits en briques séchées ou cuites. Les habitations comportaient au moins deux pièces, un escalier conduisait à l’étage ou à un toit en terrasse. Dans la plupart d’entre elles il y avait un point d’eau et une salle de bains, les eaux usées s’écoulaient dans des canalisations qui rejoignaient un réseau souterrain d’évacuation. Dans les rues assez larges, des regards permettaient de contrôler ce système. Il y avait aussi des puits et des fontaines publiques, des entrepôts à grains… Dans les villes les plus importantes une citadelle, entourée de remparts, dominait les quartiers de la ville basse. Les bâtiments à l’intérieur de la ville haute étaient de grande taille et on suppose que certains d’entre eux étaient des édifices publics ou religieux.
La civilisation de l’Indus semble avoir été pacifique, bien organisée et prospère. Les habitants de ces bourgs et de ces cités étaient des agriculteurs, des artisans et des commerçants. Ils avaient une écriture et un système de poids et mesures. Ils élevaient des ovins, des caprins et des bovins et avaient des animaux domestiques (chiens, chats). Ils cultivaient des épices, des céréales et du coton, et fabriquaient des poteries, des statuettes en argile, en stéatite ou en cuivre, des jeux et des jouets, des bijoux (dont certains en pierres semi-précieuses et en or), des miroirs et des armes qu’ils vendaient sur le marché intérieur ou qu’ils exportaient vers les ports du golfe Persique ou de la Mésopotamie.
L’archéologie a aussi révélé que les Indusiens enterraient ou brûlaient leurs morts et l’on suppose qu’ils croyaient en un au-delà puisqu’ils disposaient près du corps ou des cendres du défunt des objets qui avaient dû lui appartenir : bijoux, miroir, poteries, armes… mais on sait peu de chose de leurs rites et de leurs croyances. On a pourtant retrouvé de très nombreuses statuettes et des milliers de sceaux couverts de dessins et de signes et l’on reste incertain sur la destination de ces sceaux (amulettes ou sceaux qu’utilisaient les commerçants pour identifier leurs marchandises?) et sur la signification des représentations qui y figurent. De nombreux symboles tels le svastika, la roue solaire, le nœud sans fin… sont encore utilisés aujourd’hui. Ils apparaissent avec une étonnante constance sur des objets et des inscriptions datant de toutes les époques de la civilisation indienne et provenant de toutes les parties du sous-continent.
La plupart de ces sceaux sont carrés et de petite taille. Des représentations humaines, végétales et, beaucoup plus souvent, animales, sont finement gravées dans la stéatite (quelquefois, mais plus rarement, dans l’ivoire ou la terre cuite). Les caractères d’une écriture pictographique accompagnent ces dessins. Malheureusement, à ce jour l’écriture des Indusiens n’a pas encore été déchiffrée.
Certaines images évoquent des scènes religieuses et de grandes figures divines que nous retrouverons bien plus tard dans l’hindouisme. Les plus remarquables sont celles où l’on peut reconnaître des êtres mi-humains mi-animaux, une personne prosternée devant un buffle ou un arbre sacré, un rituel sacrificiel… La plupart de ces sceaux sont carrés et de petite taille. Des représentations humaines, végétales et, beaucoup plus souvent, animales, sont finement gravées dans la stéatite (quelquefois, mais plus rarement, dans l’ivoire ou la terre cuite). Les caractères d’une écriture pictographique accompagnent ces dessins. Malheureusement, à ce jour l’écriture des Indusiens n’a pas encore été déchiffrée.
L’image d’un homme assis en tailleur, les mains sur les genoux, et celle d’un personnage à trois têtes, assis dans la même posture et entouré d’animaux sauvages seraient les préfigurations du dieu Shiva en tant que maitre des animaux (Pashupati). Il ressemble étrangement au Cernunnos du chaudron de Gundestrup découvert au Danemark confirmant l’hypothèse avancée par Lokamanya Bâl Gangâdhar Tilak (en accord avec la Tradition primordiale) sur les origines boréales de la civilisation issue des Védas et peut-être celle d’avant.
à suivre … Agni et la théologie du feu sacré
Superbe tracé de la Sarasvati, et encore tant à découvrir