Qumran et l’Orient : Jésus Bouddha

Bouddha Christos (Gandhara, art gréco-bouddhique)

Cent ans après la fondation de l’empire des Parthes, cent ans aussi après le concile de Patna et la création des missions bouddhiques, donc vers l’année 150 avant Jésus-Christ, nous trouvons chez les Juifs des communautés dont les dogmes représentent la fusion. Les Macchabées organisèrent alors un corps d’assidéens ou saints, que les critiques identifient avec les esséniens. Ceux-ci existaient, en effet, sûrement en 148 et probablement plus tôt. A la même époque, on constate l’existence des thérapeutes ou guérisseurs dans les environs d’Alexandrie. Cette secte, qu’on peut appeler les esséniens d’Egypte, fut plus tard assimilée par Josèphe aux néoplatoniciens.

Les gnostiques se rattachaient également aux idées orientales ; le mot grec gnôsis traduisait exactement le mot indien bôdhi. En Judée, par opposition au Temple, existait la Synagogue, centre intellectuel d’une grande activité. Composée de trois ordres, les rabs, les rabbis et les rabbans, elle reproduisait l’organisation des mages. D’une autre manière, elle comprenait les sadducéens, les pharisiens et les scribes ; ces deux dernières sectes allaient au temple ; les sadducéens s’en abstenaient. De plus, ils empêchaient les pharisiens de publier la tradition secrète, c’est-à-dire d’opérer immédiatement et de dévoiler la fusion des doctrines. La synagogue professait la prêtrise universelle, contre la caste des lévites.

Qumram : le scriptorium selon la tradition égyptienne ou assyrienne

On regarde les esséniens comme formant le lien et le point de rencontre entre les rabbins, les gnostiques juifs, les platoniciens ou pythagoriciens d’une part, le parsisme et le bouddhisme d’autre part. Leurs dogmes nous sont connus par Philon, qui était thérapeute, et par d’autres auteurs anciens. Ils professaient le dualisme du monde, lié à l’astronomie, à la morale et à la psychologie des Orientaux. Ils avaient trois ordres d’adhérents, comme la synagogue, les bouddhistes et les mages, avec trois degrés d’initiation. Ils pratiquaient le bain sacré ou baptême, comme les brahmanes et les bouddhistes leur nom même signifie « baptiseurs. » Ils condamnaient les sacrifices sanglants, comme le Bouddha et la Synagogue, et les remplaçaient par la méditation et par le sacrifice des passions. Ils prêtaient le serment sacré, comme les mages, vivaient à l’écart, s’abstenaient de viande et de vin. Les esséniens, les thérapeutes, les mages et les bouddhistes pratiquaient la communauté des biens, l’aumône, l’amour de la vérité, la pureté dans les actions, dans les paroles et dans les pensées. Ils proclamaient l’égalité des hommes, proscrivaient l’esclavage et remplaçaient la discorde par la charité. Tous enfin, sous un nom ou sous un autre, attendaient un messie, révélateur et sauveur, en qui serait incarnée la Parole.

Pourquoi fait-on des esséniens, plus que des autres sectes, le canal par où les idées indo-persanes passèrent au christianisme ? Ce n’est pas seulement parce que leur secte était plus nombreuse que les autres et avait un ensemble de dogmes et d’institutions plus complet. C’est surtout parce que les premiers chrétiens étaient esséniens et en portaient le nom ; parce que leur résidence principale était la Galilée, en opposition avec Jérusalem ; enfin parce que Jean-Baptiste était essénien, que Jésus lui-même était appelé Galiléen, et qu’en recevant le baptême des mains de Jean il s’affiliait à la secte des baptiseurs, des esséniens. C’est seulement au temps où saint Paul fut martyrisé à Rome qu’on donna le nom de chrétiens à ceux qu’auparavant on nommait jesséens, esséens, c’est-à-dire esséniens ou thérapeutes. Cette identité est nettement établie par Eusèbe ; elle l’est aussi, quoique moins clairement, par Philon et Josèphe. Mais lors même que tout témoignage de ce genre ferait défaut, l’identité des dogmes, des institutions, des coutumes, démontrerait la filiation orientale du christianisme, telle que les recherches de ces trente dernières années l’ont rétablie.

Considérant cette transmission des dogmes comme démontrée, nous sommes à présent moins frappé des analogies que des différences entre le christianisme et les religions orientales. C’est ce qui est arrivé déjà pour la linguistique : quand on a connu le sanscrit, tout le monde s’est écrié : « Voilà la source du grec, du latin et de nos propres langues. » Ensuite on a vu les différences, et l’on a cherché l’origine du sanscrit et les causes de cette diversité. Que le christianisme soit issu des religions de l’Asie, et principalement du bouddhisme, on peut regarder ce fait comme démontré.

 

Buddha

Que l’on compare en quelque sorte terme à terme la vie du Bouddha et celle de Jésus et qu’on les résume. On trouvera qu’elles se partagent en deux : la légende idéale et les faits réels. Il n’est pas toujours facile de dire où finit la légende, où commence la réalité. Mais écartons pour un moment les détails d’une physionomie douteuse ; on reconnaît alors que les deux légendes se confondent en une seule, mais que les deux histoires sont très différentes. En outre, la légende repose sur une théorie métaphysique beaucoup plus ancienne que Çâkyamouni, et qui est déjà dans le Véda. Le dualisme du bon et du mauvais, personnifiés dans le Bouddha et Mâra, quoique préexistant dans la rivalité des Aryas et des Dasyous, des dieux et des asouras, se montre bien plus clairement dans les deux principes persans d’Ormuzd et d’Ahriman, des bons et des mauvais anges. Ainsi la théorie sur laquelle s’appuie la légende du Bouddha n’est pas plus originale que celle des chrétiens. Ceux-ci adoptèrent le dualisme indo-perse : le Christ fut à Satan ce que le Bouddha avait été à Mâra ; le nom même de Mâranâtha, qui veut dire ange de Satan, ange de la Mort, termine la première Épître aux Corinthiens. Mais le bouddhisme du Sud, celui qui avait été formulé par le concile de Patna et propagé par les missions, n’avait point fait de Dieu une personne séparée du monde ; il n’avait rien reconnu de supérieur à ceux qui, comme Çâkyamouni, avaient atteint le nirvâna. Jésus, au contraire, avait souvent parlé du Père céleste, d’un Dieu suprême, auteur et maître de l’univers. Ce qu’on lit sur ce sujet dans les trois premiers évangiles manque de précision métaphysique ; mais l’évangile selon saint Jean, les épîtres et surtout les décisions des conciles et les écrits des pères de l’église, définirent avec la plus grande netteté la doctrine d’un Dieu personnel et créateur. Cette doctrine n’était point dans le Véda, où Viçwakarman n’est autre que le Feu faisant sortir toutes choses des ténèbres par sa lumière. Elle était exclue du bouddhisme. Elle n’était pas non plus dans l’Avesta. Au contraire, le Dieu unique, concret, personnel, maître du monde, roi tout-puissant, est partout dans la Bible et forme le point central du judaïsme. Il faut donc admettre que, dans la fusion des doctrines, les Israélites apportèrent cet élément, qui passa en quelque sorte tout fait dans la théorie chrétienne, où il est encore.

Rôle des Perses dans l’élaboration de la doctrine chrétienne

L’empire greco-indien instauré par Alexandre le Grand reprenait en partie celui des perses mais en l’élargissant à L’est jusqu’aux rives du Gange.

Les sources : la Perse entre Inde et Palestine

La Palestine, tout au long de son histoire, fut l’objet des oppressantes convoitises des empires qui l’ont entourée. La terre promise ne sera pas laissée à Yahvé et à son peuple en toute impunité. Conquise par la puissante Égypte après le retrait des Hittites, elle restera sous son protectorat, à partir du XVIe siècle jusqu’à l’invasion israélite au XIIIe siècle av. J.-C. Déjà, ce carrefour de l’Orient et de l’Occident s’imprégna de cultures cananéenne, phénicienne et syrienne. Et sans doute indienne, à en croire Tacite, qui signale dans ses Annales que le pharaon Ramsès avait jadis conquis la Bactriane, terre frontalière de l’Asie, au nord-ouest de l’Inde ancienne, et où le bouddhisme se développera quelques siècles plus tard. De son côté, Hérodote connaissait l’existence du Gandhâra, la terre la plus fertile en œuvre bouddhique. Il n’est donc pas impossible non plus que des liens aient existé depuis la plus haute antiquité entre l’Égypte et l’Asie. Palestine, sol de mixité culturelle, ensemencée par l’Orient et l’Occident.

Le peuple élu pénétra progressivement cet espace, en ordre dispersé, se mélangeant aux forces en présence tout en les combattant : Cananéens, Philistins, peuples de la mer et Égyptiens tentant de regagner leur ancien protectorat. De nouvelles persécutions commencèrent pour le peuple israélite. Les guerres de religions succédèrent à des périodes syncrétistes, sans compter divers massacres, déportations, fuites. Le roi perse Cyrus mit fin à l’empire chaldéen et aux persécutions religieuses et ethniques. Les Juifs retournèrent alors sur leur terre, à l’ombre d’un temple de Jérusalem en piteux état.

Tolérant pour la religion, certainement par stratégie, afin de ne point s’embourber dans des conflits dont il ne percevait pas l’intérêt, Cyrus le Grand (530 av. J.-C.) était aussi un souverain avide de territoires. Il édifia le premier empire de l’histoire à s’étendre de l’Égypte à l’Inde. Hérodote prétend que l’Inde devint la XXe satrapie de cette dynastie des Achéménides. Inde et Palestine furent donc politiquement unifiées pour la première fois du vivant même de Gautama Bouddha. L’histoire commune de ces deux parties du monde commence, pour ainsi dire, avec sa naissance.

Darius Ier, un des successeurs de Cyrus, revendique dans une inscription datant de 519 av. J.-C. la région de Gandhâra, à la frontière de l’Afghanistan et du Pakistan actuel où quelques siècles plus tard naîtra et s’épanouira l’art gréco-bouddhique. Plus à l’est, le Maghada s’unifie sous la sévère autorité du grand roi Ajataçatru : le bassin du Gange sera enfin contrôlé, sur ses deux rives, par une grande capitale, l’antique Pataliputra, connue aujourd’hui sous le nom de Patna. Les empires indo-perse et gangétique voisinaient en assez bonne intelligence. L’Inde, pour les Perses, était une frontière mythique, la fin du monde, lieu merveilleux rempli de trésors et de mystères. Les Achéménides, friands de syncrétismes reli­gieux, n’hésitèrent pas sans doute à s’instruire des rites et doctrines de leurs rivaux : première rencontre entre un bouddhisme en pleine germination et un empire perse aux frontières méditerranéennes. La ci­vilisation achéménide s’enfonça en Asie, progressive­ment, jusqu’au Pendjab, le pays des Cinq Rivières, alors en pleine ébullition religieuse. De cette confron­tation naquirent de nouveaux syncrétismes panachés de zoroastrisme, d’hindouisme et de bouddhisme très appréciés des Perses.

Bouddha ou Jésus ? en tout cas une figure d’un Bouddha Christos …

[…]

Eusèbe dit que les écrits des thérapeutes, esséniens d’Égypte, ont été utilisés dans la rédaction des évangiles et des épîtres de saint Paul. Les disciples et les sectateurs du Sauveur ne pouvaient pas voir en lui autre chose que ce qui s’y trouvait déjà. Seulement, l’élément judaïque ajoutait une chose à la théorie orientale, la qualification de Fils de Dieu. Toutes les parties de la doctrine théorique furent au reste controversées pendant plus de trois siècles et suscitèrent une infinité d’hérésies. Elle ne reçut ses formules définitives qu’en 325, au concile de Nicée, lorsque Constantin, nouvel Açôka de l’Occident, eut accepté la religion chrétienne.

le reste à suivre dans le livre, suite du Volume 1)

la suite dans ce livre qui constitue le Tome II de notre enquête sur le Graal /Calice  et les sources védiques du Christianisme. Voir le tome I ici