‘ében shethiyyâh

La vérité est qu’il n’y avait nul besoin d’inventer une nouvelle maçonnerie qui fut une véritable catastrophe sur la plan des valeurs traditionnelles, beaucoup fut perdu ou détournée entrainant de nombreux contre sens. Petite tentative de restauration de la parole perdue MAIS retrouvée !
Un passage énigmatique du manuscrit maçonnique écossais Dumfries n° 4 attire l’attention et demande quelques éclaircissements :
Where layes y master. A. — in a stone trough under y’ west window looking to y’ east waiting forye son rising to sett his men to work.
Où se trouve couché le maître ? R. — Dans une auge en pierre, sous la fenêtre [située à l’ouest, regardant vers l’est et attendant le lever du soleil pour mettre ses hommes au travail.
Il est clair qu’il s’agit ici de l’auge des maçons. Celle-ci, en effet, est un des objets les plus nécessaires à l’exercice du métier, et elle était parfois évoquée, jadis, comme le symbole même de la Maçonnerie, de sorte que le « maître dans l’auge » apparaît, par assimilation à la Maçonnerie elle-même, comme une personnification de l’Ordre.
Le mot trough, auge, désigne aussi bien le récipient à l’usage des maçons, cimentiers, etc. qu’une pierre ou bille de bois creusée, où mangent et boivent les bestiaux. Ce dernier cas correspond exactement à la crèche ou mangeoire en bois où le Christ nouveau-né fut couché, et la mention, dans le Dumfries, de l’attente du lever du soleil pourrait bien évoquer comme une imitation du Maître par excellence de la part de l’humble maître maçon dans son auge.
Que symbolise cette auge en pierre, ou encore ce canal, chéneau (chanell, synonyme de trough destiné à recevoir l’écoulement des eaux) ? C’est la pierre de fondement, ‘ében shethiyyâh, dont l’équivalent latin donné par Knorr de Rosenroth correspond à la définition de l’auge en pierre : Lapis seu candis lapideus Potationis, Pierre ou canal d’abreuvage en pierre.
Après l’énoncé de cette équivalence, on ouvrira une parenthèse pour souligner le lien symbolique entre cette pierre fondamentale et la crèche de l’Enfant Jésus. Il s’agit dans les deux cas, selon la Kabbale, de la dixième séphirâh, Malkhûth (le Règne, le Royaume), l’utérus de Bînâh (la Prudence, l’Intelligence, la troisième séphirâh), ou encore les entrailles de la Vierge Théotokos, qui trouvèrent en la crèche-mangeoire, Malkhûth également’, comme une extériorisation pour recueillir l’Enfant Dieu. Cela ressort nettement de la Nativité de 1504 d’Albert Dürer qui fait reposer l’Enfant, nu sur un lange, directement sur une pierre cubique.

À l’article Pierre, Knorr explique l’expression ‘ében shethiyyâh : « Il en est qui s’appuient pour ce terme sur le sens d’abreuver, car il est écrit : Par suite, tous les troupeaux burent. Mais on peut l’expliquer autrement, à partir du sens de fonder ; [cette pierre] est en effet le fondement de toutes les [séphiroth] supérieures [à Malkhûth] . Pour compléter cette référence traditionnelle, on citera le Zohar : « Lorsque Dieu créa le monde, il fit son alliance (berîth) et établit le monde sur elle, ainsi qu’il est écrit beré’shîth que nous interprétons par bara’ shîth, « Il créa le fondement », à savoir l’alliance sur laquelle repose le monde, et qui est appelée shîth, parce qu’elle est une auge d’où les bénédictions s’écoulent sur le monde. Cette alliance est symbolisée par la petite lettre yôd, la racine et le fondement du monde ».
shethiyyâh
La racine ShTh, du mot shethiyyâh, outre les significations déjà signalées, est à la base du nom du troisième fils Seth qu’Adam engendra « à sa ressemblance et à son image », et ce nom évoque, dans ce cas, « les idées de fondement et de stabilité, et, par suite, il indique en quelque sorte la restauration de l’ordre primordial détruit par la chute de l’homme ». Ces deux lettres, prises dans cet ordre, sont également les deux dernières de l’alphabet et elles en sont ainsi le support et le fondement. D’autre part, la somme de leurs valeurs numériques, 700, suggère la restauration de l’état édénique ainsi que le sabbat : celui-ci, en effet, est le 7e jour de la Création, qui marque le repos et le retour au centre, et son nom est lui-même précisément composé des lettres Sh et Th séparées par la lettre B, Shâbbâth.
Le premier mot ‘ében (pierre) de l’expression ‘ében shethiyyâh, se décline en plusieurs strates allant, selon le qualificatif ajouté, de la plus haute notion, la séphirâh suprême, Kether, jusqu’aux Ecorces, ou Klippoth, les éléments les plus inférieurs de la manifestation subtile.
La racine inusitée de ‘ében, signifie construire et jeter les fondements, et elle se rattache aux racines homologues banâh, construire, et ‘âmân, fonder. Le mot ‘ében, signifie pierre, rocher, mais aussi fil à plomb, règle et poids. Ce mot désigne, au duel, les deux meules de pierre du tour du potier, ainsi que les larges bassins en pierre où l’on plongeait les nouveau-nés. En araméen, il a aussi la signification de vagin, passage de l’embryon, à rapprocher de la notion de « Porte étroite » et d’« Œil solaire » dont il a été question antérieurement.
‘Ében désigne en général la séphirâh Malkhûth à cause de la lettre Yôd. «La masse de cette lettre Yôd est sans forme et sa figure est celle d’une pierre ; Malkhûth aussi est la base de la pierre sur laquelle est construit l’édifice supérieur [des neuf séphiroth] », mais c’est parce que « le fondement de la séphirâh Malkhûth, qui est Yôd, provient de Hokhmâh [la Sagesse] » laquelle est appelée pierre, car « Hokhmâh est Yôd, Malkhûth est Yôd». Ainsi, ‘ében, symbolise le Yôd principiel à propos duquel il est dit : « cette lettre est rapportée à Malkhûth, la dixième mesure et correspond à la Sagesse, appelée aussi Yôd… les trois premières séphiroth sont contenues dans le Yôd: Kether, Hokhmâh et Bînâh ». D’ailleurs ce ternaire séphirothique supérieur est symboliquement inclus dans le vocable ‘ében, lui-même, où la première lettre aleph, se rapporte à Kether, la seconde beyth, à Hokhmâh, tandis que la dernière, nûn,, par sa valeur numérique 50, fait allusion au Jubilé et à la 50e Porte, qui renvoient tous deux à Bînâh.

Avant de présenter des exégèses zohariques de la notion de ‘ében shethiyyâh, on citera la commentaire suivant où celle-ci est explicitement rapportée au Christ Jésus, Iesus (dont la valeur numérique est 888) : « Or, 800 + 80 + 8 font 888, nombre de la pierre angulaire du monde, AbeN SchThIIE = 1 + 777 qui, par la lecture étendue de l’A en ALePh fait 111 + 777 = 888. Cette pierre angulaire du monde signifie, selon la force de l’expression hébraïque, la pierre de la soif étanchée. C’est parce que les Israélites marchant dans le désert ne voulurent pas se borner à l’intelligence spirituelle de cette pierre symbolisant le Sauveur futur, que Moïse fut obligé, pour satisfaire son peuple, de frapper un rocher afin d’en faire sortir de l’eau ».
Josse commenta le verset : « Sur quoi ses bases sont-elles établies ? » (Job XXXVIII, 6). Il dit : Lorsque Dieu créa le monde, Il l’établit sur sept piliers (cf. Prov IX, 1), mais sur quoi reposent ces piliers, personne ne peut le savoir, car ceci est un mystère caché et insondable. Le monde ne vint pas à l’être avant que Dieu n’eût pris une certaine pierre qui est appelée « pierre de fondement » (‘ében shethiyyâh), et l’eût placée dans l’abîme de sorte qu’elle y tienne solidement, et à partir d’elle fut planté le monde. C’est le Point central de l’Univers, et sur ce point se tient le Saint des Saints. C’est la pierre dont il est dit : « qui a posé la pierre angulaire ?» (Job XXXVIII, 6) ; « une pierre éprouvée, angulaire, précieuse » (h XXVIII, 16) ; « la pierre que les constructeurs ont rejetée est devenue la pierre angulaire » (Ps CXVIII, 22). Cette pierre est créée de feu, d’air et d’eau, et elle se tient au-dessus de l’abîme… Cette pierre s’élève comme un signe au Centre du Monde ».