Soulever le voile d’Isis : le premier pas de la sortie au jour

La fausse porte est encastrée dans la façade ouest et permet de sortir face au soleil à l’Est

Elément indispensable à tout tombeau égyptien, la stèle fausse porte permettait à « l’âme » du défunt, ou du moins à un aspect mobile de celle-ci, le « ba », de venir symboliquement chercher les offrandes déposées sur la table du même nom par les prêtres funéraires. En effet, c’est dans le secret de la chapelle du tombeau que s’effectuait ce passage magique de « l’âme » du défunt de l’Au-delà vers le monde des vivants.

La Fausse porte communique avec l’au-delà

Parmi les éléments essentiels de tout tombeau, il y avait la stèle fausse porte, point névralgique de communication entre le monde des morts et celui des vivants, véritable passage pour « l’âme » du défunt. Par la magie de la forme (une stèle en forme de porte) conjuguée au pouvoir des représentations et textes sculptés sur ses montants et son linteau, cette partie du tombeau conférait à la pierre une sorte de pouvoir de porosité métaphysique entre le monde terrestre réel et le monde imaginaire de l’Au-delà. La paroi de la chapelle devenant alors une simple séparation entre les deux univers. Cette conception n’était pas nouvelle. Il est probable qu’elle animait déjà les croyances des chasseurs du paléolithique lorsqu’ils ornèrent les parois de certaines grottes de représentations d’animaux sauvages, plusieurs dizaines de millénaires avant les anciens égyptiens. Des chamanes, sortes de devanciers préhistoriques des prêtres funéraires égyptiens, exécutaient des danses rituelles mimant la chasse et psalmodiaient des incantations devant ces images d’animaux dont certaines épousent subtilement les formes de la paroi rocheuse, pour « agir » par la magie de la  représentation sur les forces de la nature correspondant aux animaux peints. A  une époque où le gibier constituait la principale ressource des sociétés cynégétiques, les grottes ornées devaient être considérées comme des lieux de communication privilégiée entre les chasseurs et les forces occultes de la nature : il s’agissait bien de sanctuaires « vitaux » et non de « musées de peinture ». De plus, des restes de sacrifices d’animaux suivis de banquets rituels, attestent bien la fonction magico-religieuse des représentations pariétales. Les anciens égyptiens eux aussi considéraient les représentations sculptées ou peintes, ornant les parois des chapelles funéraires notamment, tout comme les inscriptions hiéroglyphiques les accompagnant, comme investies d’un pouvoir de substitution véritable, l’image ou le mot équivalant la chose réelle.

En sortant au jour le Mort-initié devait passer par un long couloir d’une centaine de mètre avant de regagner la lumière : à sa sorti il trouvait la table basse des offrandes avec les mets, une dague et ds dès. Mais avant il y avait un rituel, que tel le voile d’Isis nous allons vous dévoiler.

 

Le voile d’Isis

Dans certains passages du Livre des morts il est dit : «je me cache» dit l’âme, «je me suis caché», et ensuite semble ajouter «j’ai trouvé  le chemin» ou l’équivalent: «J’y fus enveloppé d’un suaire, mais j’ai trouvé un chemin pour moi». Le sens est obscur et toute explication semble difficile. La seule qui soit satisfaisante est celle de M. W. Kristensen. «La renaissance de la vie, dit-il, qui se produit dans la mort, est «dérobée à toute observation». L’âme donc se cache pour renaître; elle se dérobe à toute observation et ensuite trouve son chemin qui, de Ro -Sétaou, la conduit à Anrutef où elle complète son initiation, et «celui qui se cache lui-même dans différentes formes», c’est l’âme qui renaît dans des formes nouvelles et cache ses précédentes apparences.

La déclaration «je me cache…» ou «J’y fus enveloppé…», peut également se référer soit à voiler la tête, soit à envelopper le corps entier d’un voile ou d’une étoffe.

Nous savons que pendant l’initiation aux mystères de Dionysos Zagreus, la tête de l’initié était voilée au moment de l’initiation — et ceci «a une profonde signification» dit M. V. Macchioro – d’un voile épais. Et sur sa tête, une fois voilée, il recevait le plateau liturgique pour la consécration. La face des dieux et des morts en Égypte était cachée, dit E. Lefébure, et voici l’explication qu’il suggère : «La face des morts et des deux était à la fois immobilisée par la mort et cachée par les bandelettes funéraires, de sorte que «manifester, apparaître» comprend dans son sens propre le dévoilement de la face des momies qui ressuscitent». Le nom suaire funéraire est, sans doute, dérivé de la racine sheta, qui signifie «cacher, couvrir». «Ouvrir la face» est un idiotisme égyptien qui signifie se manifester, apparaître». Thoth dit «Le dieu qui est dans le cercueil, sa face est dévoilée». Dans le L.d.M. on lit : «Le m.Os. dit : Ma face se découvre, mon cœur est à sa place. La vipère frontale (lumière) est sur moi chaque jour». «Sebek dit: Mystère! Mystère dans ce filet ! il amène les yeux d’Horus et l’ouverture pour sa face … et Rê dit: Je lui ai accordé l’ouverture de sa face pour ses yeux dans Nekhem». Plusieurs momies ont, dès la XXe dynastie, la tête ou le corps couvert d’un filet. Ce filet symbolise le filet cosmique qui signifie l’ordre vital qui fut fondu à la création du monde. Il a la même signification magique et reli­gieuse que les bandelettes-rubans des momies. Ce filet assure aux défunts une vie en harmonie avec l’ordre cosmique.

L’Univers est comparé à un énorme «réseau». Selon Brada- Aranyaka-Upanishad, le monde est un filet tissé par l’air qui relie les mondes et les êtres. Prâna, le fluide vital, «tisse» les créatures Le filet des Orphiques et des Pythagoriciens est le «réseau» que l’âme, qui descendait à l’incarna­tion, traversait et que les cercles planétaires «tissaient» autour d’elle.

Le filet cosmique

Plusieurs passages se rapportent au dévoilement de la face des dieux. «Chap. de découvrir la face du dieu». Osiris est appelé : «celui qui est dans le naos, la face dévoilée» ». «Défaire le voile», c’est le geste rituel par lequel le roi-prêtre officiant retirait le voile qui couvrait la face des dieux dans l’intervalle entre deux services sacrés « . Dans le temple de Deir el Bahari, le dieu Phtah, dans les intervalles du service sacré, avait la face couverte, et le roi – prêtre, au moment de la cérémonie, la dévoilait ». A Éleusis, s’il faut en croire Thémistios, le prêtre «enlevait les vêtements de la statue (de Venus) après l’avoir frottée et lui avoir rendu sa beauté».

L’initié, anciennement, s’enveloppait nu dans une étoffe épaisse à un certain n’ornent de son initiation. Cette habitude fut conservée en voilant seulement la tête d’un voile épais.

Il résulte des explications qui précèdent que pendant que le défunt et l’initié ont la tête voilée s’opère «l’incubation» de l’âme. Sur le mont Liban on représentait Venus, figurant la terre, la tête, voilée, pour représenter la terre dans l’engourdissement hibernal. L’âme, pendant son incubation et dérobée à toute observation, est donc dans un état d’engourdisse­ment, et son dévoilement est l’élévation, la manifestation, la résurrection. L’âme alors «trouve le chemin». Selon les rites funéraires des Zoroastriens de l’Inde, les prêtres Nasu – Salars couvrent d’un voile, padam, le visage des morts. Dans un tombeau de la Voie Latine, l’âme, emportée par un griffon, est voilé.

L’âme, après sa sortie du corps, reste quelques jours, «un jour, une quinzaine, un mois, une année» au pouvoir de la mort. C’est précisément ce que signifie «la face des morts et des dieux était à la fois immobilisée par la mort et cachée par les bandelettes» (supra): « Que ce … (le m. roi) secoue son jour sous la mort, comme Seth a secoué son jour sous la mort; que le m. roi (Peri) secoue ses quinzaines sous la mort, … ses mois qui étaient sous la mort, … son année,… etc.».

«Il a passé jours 70 jours dans les bras d’Anubis, seigneur de roser, là où veille Isis avec Nephtys», pendant lesquels s’opèrent les divers rites d’embaume­ment, et les deux déesses invitent l’âme du défunt à la résurrection. «Oh! Je suis immobile, mais je marcherai, moi, le in. Osiris, je suis immobile dans à divine région inférieure, dans les champs de ceux à qui on enlève leur Miche dans la divine région inférieure, mais mon âme parlera dans la demeure d’Atoum.» L’âme est emmaillotée, immobile. Défaire les bandages, les liens qui entourent le corps, c’est lui rendre la liberté de vivre, de marcher.

«Il sort de son sommeil (Osiris) et, réveillé, il s’envole comme l’oiseau Benou; il se fait une place dans le ciel sous la forme de la lune. C’est le moment pendant lequel «les kas se reposaient», entre le fait même de la mort et l’accomplissement des rites de l’ensevelissement, car la fin de l’inertie des morts dépendait des vivants.

La mort est une crise durant laquelle le ka quitte le corps. Les Égy­ptiens, a dit H. Frankfort, avaient la notion d’une étape de transition, située après la mort, mais avant que le rituel des obsèques ait effectué la résurrection dans l’au – delà. Dans cet intervalle on se représente l’individu comme n’étant ni mort, ni vivant. Tout reste en suspens; le ka «se repose».

Nous connaissons plusieurs formules qui invitent le défunt à sortir de son sommeil léthargique: «Lève-toi sur ton côté ; commande, toi qui hais le sommeil et la fatigue, qui te tiens à Ndjt, le lieu où est mort Osiris, frappé, mais relevé.

  • Réveille-toi !. . on t’a effacé la poussière de ton corps» ; «la poussière qui est sur ta chair»; «la saleté qui est à ton visage ». Isis et Nephtys disent : «Relève-toi! Délie tes bandages ; rejette la put­réfaction …».
  • Isis et Nephtys: «elles te pleurent ; elles le réveillent.
  • — «Lève-toi! Tu ne mourras pas».
  • —«Relève-toi ! tu vis».
  • — «Se sont levés ceux qui sont dans les tombeaux».

L’âme se réveille, se lève comme un enfant, un enfant Horus: «Lève-toi, enfant Horus. «Lève- toi … Tu es nouveau, jeune, grand, beau de crainte. Ton cœur est relevé», «Horus s’est réveillé ! ». L’âme se réveille par les puissances du rite mais surtout par ses propres efforts: « Lève-toi— Tu vis, lève – toi par ta force» ».  «Lève – toi… Secoue la poussière qui est sur la chair ».

L’ âme avant de prendre son essor, avant l’ ouverture de la bouche et des yeux, reste clans l’inertie, dans l’ engourdissement de la mort, dans l’hypnose de la mort, qui est une période d’ incubation, de germination et qui correspond sensiblement à l’âge du nourrisson de la vie incarnée de l’âme sur le plan terrestre, qui, pendant cette période, reste dans le même engourdissement. L’âme renaît à la vie, après la mort sur terre, comme un enfant nouveau – né comme un nourrisson. Le m. roi (Le mort-Roi) , Pepi, va renaître à sa seconde vie comme il est né à la première, c’est – à- dire, il va commencer par être dans le Noun primordial et ensuite par l’enfance et l’on demande que cette enfance devienne grande et que le second Pépi croisse comme le premier s’était développé sur terre. Le parallélisme alors de la seconde vie à celle sur la terre est inévitable. L’âme, comme un enfant nouveau-né, reçoit les premiers soins du nouveau-né; elle est frottée et ointe d’huile : « Que Pépi soit frotté d’huile en vous celui de ce premier ventre, qui est le petit garçon des cercueils», c’est – à- dire, sorti du cercueil, la matrice de l’âme qui renaît à la seconde vie.

Dans l’esprit du monde chrétien, l’image de la Vierge Marie est liée à celle de Jésus, notre Sauveur. Dans le calendrier de l’Eglise orthodoxe bulgare, le 15 août est une des plus grandes fêtes chrétiennes, la Dormition de la Mère de Dieu, c’est-à-dire sa mort, entourée des apôtres, mais aussi sa résurrection et sa glorification. Le petit enfant dans les bras du Chist n’est autre que la Vierge re-né.

Dans la figuration byzantine de la Dormition de la Vierge, Jésus est figuré recevant dans ses bras l’âme de sa Sainte Mère sous forme d’un bébé dans ses langes blancs et dont le visage rappelle, bien souvent, celui de son corps abandonné.

Cette hypnose paralytique, image du véritable empire de la mort, les âmes divines, même celles des dieux, n’en sont pas exemptes, mais l’âme, selon ses mérites et sa préparation initiatique, reste plus ou moins long­temps, un jour, une quinzaine, un mois, une année, dans cet état d’insensi­bilité, et de paralysie léthargique. Ensuite, une fois le temps de son incu­bation terminé, l’âme prend son envol. «L’ouverture de la bouche» a pour but de faciliter son réveil et son envol en la munissant, par des procédés magico – cérémoniaux, des forces vitales nécessaires, qui lui «dévoilent la face». Dans l’Église orthodoxe orientale la messe de commémoration du mort, qu’on célèbre neuf jours, quarante jours, six mois ou une année après la mort, semble avoir un but identique.

«J’y étais enveloppé (d’un suaire)». «J’ai habillé celui qui était nu». Le défunt parle certainement de lui -même. Dans le langage de notre Livre le défunt parle souvent de lui – même à la troisième personne. « J’ai couvert ma nudité avec les vêtements qui sont là». Si le défunt se réfère à l’initiation dans l’Anrutef (le pays infertile, là où rien ne pousse) terrestre, la salle terminale et lumineuse de l’initiation, il est clair qu’il s’agit des vêtements de l’initié, des vêtements de consécration. Dans l’Anrutef céleste ces vêtements sont des tuniques de lumière. «J’ai porté des vêtements de byssus». Il con­vient de comparer les passages qui précèdent avec le passage : «Toi (oh! Dieu) qui étais nu, habille- toi, que la bandelette te bande» du service sacré.

Avant le service sacré, dit A. Moret, tout dieu n’est qu’un cadavre sacré dévêtu et abandonné; les rites en font un Osiris momifié et ceint de bandelettes. De même l’initié—qui est censé mourir— est censé être un cadavre nu. Il se dévêt donc au commencement des rites initiatiques. On dévêt le cadavre, on le purifie au natron et on l’enveloppe dans des bande­lettes. Les bandelettes sont le symbole de la résurrection; elles ne vêtent pas le cadavre, mais l’entourent. L’initié se dévêt et, nu, s’enveloppe le corps d’une étoffe épaisse et dont une extrémité couvre entièrement la tête et le visage. «Le néophyte dépouillé de ses vêtements s’assoit sur un siège la tête et le visage couverts». «Ceux qui montent vers les plus sacrés d’entre les Mystères, se purifient, déposent leurs vêtements d’auparavant et montent nus… »  Le néophyte subit la pas­sion, la flagellation, en semi-nudité, et danse nu la danse rituelle.

Il est clair que le Livre des morts répète une fois encore que l’âme se dévêt de tout ce qu’elle a de corporel, de mortuaire (d’un suaire) et s’habille de la lumière «des vêtements qui sont là».

«Le nouveau revêtement de l’âme, tissé de nouveau d’une façon légère et aérienne », correspondant aux nouveaux vêtements dont s’habillent les initiés à la fin de leur initiation. Dans les plus anciennes figurations d’Osiris intronisé, comme il est rappelé dans L.d.M ;  il est représenté vêtu de ce qu’on appelle le «manteau osirien» de l’initié – Osiris.

L’âme, après que sa bouche eût possédé la vérité dit: «Je noie le ser­pent Akhekha (Akhkha). J’arrive dans la demeure, la Grande Demeure, où les membres reprennent leur vigueur (qui donne vigueur aux membres) et l’on m’accorde de naviguer  dans la barque d’Haï. Un parfum s’exhale de la chevelure des Intelligents. Je pénètre dans la demeure d’Astès». Astès, dieu associé et équivalant à Thot. L’âme pénètre donc dans la sphère des «Intelligents», de l’Intelligence divine, de la Spiritualité divine de Thoth-Astès.

à suivre ….

XXI pas dans l’au delà

Voir ici pour commander l’ouvrage

 

Votre commentaire

Choisissez une méthode de connexion pour poster votre commentaire:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s