En 1413 les Bruxellois venaient de se bâtir un hôtel de ville sur douze arcades, sculptées semblablement de sujets mystérieux. On se hâta de l’achever sur sept, en ce compris la tour marquant la réussite de l’Œuvre, commune aux deux voies. Puis on hissa au Faîte l’archange Mercure, sans omettre de lui sceller sous le talon, pour l’édification des générations à venir, une médaille du pape Martin V, qu’on disait avoir été frappée dans du métal précieux obtenu au fourneau.
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Napoléon et l’ordre impérial des trois Toisons d’Or
Napoléon lors de la remise de la légion d’honneur
Historique de la création éphémère de l’Ordre impérial des Trois Toisons d’Or par Napoléon. On le sait moins mais la principauté de Wagram comprenant Chambord, Eckmühl et Essling fut créée également à cette occasion.
Au camp de Schônbrunn, le 15 août 1809, Napoléon, au faîte de sa gloire, crée par lettres patentes l’ordre impérial des Trois Toisons d’or. Cet ordre militaire de grand prestige devait, selon le dessein de l’empereur, témoigner de sa domination sur l’Europe. Le décret stipulait que l’ordre comporterait cent grands chevaliers choisis parmi les très hauts dignitaires, quatre cents commandeurs et mille chevaliers. Il ne s’obtenait, à de rares exceptions près, que pour des actions militaires d’éclat et, grande innovation dans le domaine des décorations, devait aussi être attribué aux aigles de certains régiments.
Napoléon, selon le baron Lejeune, en définit lui-même l’allégorie :
« Mes aigles ont conquis la Toison d’or des rois d’Espagne et la Toison d’or des empereurs d’Allemagne. Je veux créer pour l’empire Français un ordre impérial des Trois Toisons d’or. Ce sera mon aigle aux ailes déployées, tenant suspendue, dans chacune de ses serres, une des Toisons antiques qu’elle a enlevées et elle montrera fièrement en l’air, dans son bec, la Toison que j’institue. » (in Mémoires du général Lejeune publiés par Germain Bapst, 1895, IX, p. 3.) Dominique Vivant Denon en conçut l’insigne et, dès le 25 août 1809, fit parvenir de Vienne au duc de Bassano des dessins : « Je crois que le n » 4 est celui qui doit remplir le mieux la pensée de S. M.
Il ne faut point espérer que les deux cours renoncent sans un article de Traité à faire des Chevaliers. Il n’y a donc qu’un moyen de subordonner les autres. C’est de faire une décoration où sera exprimée la conquête qui en a été faite . » (lettre, in archives privées.)
Dès le 24 septembre 1809, l’empereur charge le comte de Lacépède, en attendant la nomination du grand chancelier du nouvel ordre, d’en assurer les fonctions et de faire réaliser les décorations (Correspondance de Napoléon, XIX, N° 15855).
Lacépède, tout en informant Napoléon des réticences soulevées par ce projet au sein de la Légion d’honneur, va s’occuper de faire réaliser la décoration ; il soumet à plusieurs reprises des modèles à Napoléon. Toutefois, il semble qu’aucune réalisation définitive n’était encore exécutée quand le comte Andréossy fut nommé grand chancelier de l’ordre des Trois Toisons d’or, le 14 octobre 1810. Il est vrai que le contexte politique a changé et que Napoléon, devenu l’époux de Marie-Louise, hésite à distribuer un ordre conçu pour humilier l’Autriche.
Un nouvel élan est cependant donné aux travaux pré¬paratoires dans la perspective du 15 août 1811 ; le conseil de l’ordre se réunit plusieurs fois (procès-verbaux, in archives privées) et de nouveaux modèles d’insignes sont examinés. Un projet (non signé) qui présente l’aigle impériale empiétant sur la pierre à feu d’où pendent les trois Toisons est arrêté le 3 août ; ce feuillet, conservé dans les archives du musée de la Légion d’honneur à Paris, présente la couleur du ruban : ponceau liseré d’or ou gros vert liseré d’or. Il ne fut pas non plus suivi d’effet. Le musée de la Légion d’honneur conserve aussi un ensemble de dessins présentés par divers orfèvres parisiens : Nez, Merché-Marchand, Oliveras, Coudray et Martin-Guillaume Biennais. Chacun est accompagné de notes explicatives. Les modèles de Biennais sont commentés par une lettre, en date du 31 août 1811, probablement adressée au comte Andréossy :
« Monseigneur, Je prends la liberté de présenter à votre Excellence quatre intentions de la Décoration de l’Ordre des Trois Toisons d’or. Le 1 a les trois toisons qui se regardent et il y a trois places pour les inscriptions que vous désirez y mettre. Le d 2 est de même forme excepté que deux des trois regardent en dehors. Le no 3 a les trois toisons les têtes à droite et une légende au-dessus pour recevoir l’inscription qui doit être en or sur émail rouge. Le no 4 est idem mais les trois toisons sont de face. J’ai fait apparaître des éclats de foudre comme votre Excellence a paru le désirer et j’ai mis à chaque croix un anneau qui est un serpent se mordant la queue. Je joins aussi, Montseigneur (sic), deux pensées de plaque dudit ordre qui peut-être vous sera agréable. Si votre Excellence désire avoir plusieurs intentions d’un collier pour cet ordre, je m’en occuperai de suite et j’au¬rai l’honneur de le présenter à Monseigneur. Je demande pardon à votre Excellence de l’importuner encore une fois pour ces objets mais je compte toujours sur l’honneur de sa protection. J’ai l’honneur d’être avec respect, de Monseigneur, le très humble serviteur. » Après tant de tergiversations, l’insigne définitif ne verra pourtant jamais le jour : par décret du 27 septembre 1813, l’ordre des Trois Toisons d’or est en effet réuni à la Légion d’honneur sans avoir connu de réelle existence. Seuls les dessins des orfèvres parisiens témoignent encore de l’orgueilleux projet de Napoléon I« .
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La Toison d’Or : naissance du premier ordre de chevalerie française
La création de l’ordre de la Toison d’or par Philippe le Bon, duc de Bourgogne, à l’occasion de son mariage avec Isabelle de Portugal, le 10 janvier 1430, n’était pas en soi une initiative exceptionnelle. Elle se situait à une époque où la noblesse médiévale militaire avait depuis longtemps été remplacée en tant que force vive par les villes, la bourgeoisie et les commerçants ; les occasions festives, où se déployait chez les nobles comme chez les bourgeois une héraldique de parade, les ordres, les fraternités et les « cours » avaient succédé aux manifestations guerrières d’antan.
Néanmoins, la défense de la chrétienté et les expéditions qui la ponctuaient n’étaient pas lettre morte. Dans ce cas , le jeune duc était né alors que son père Jean sans Peur, vaincu à Nicopolis en 1396, était encore prisonnier des Turcs. L’idée d’une nouvelle croisade, malgré les conditions qu’elle impliquait, restait présente, traduite dans les actes comme dans les textes.
La bibliothèque du duc comptait plusieurs ouvrages qui s’y référaient : l’Advis directif pour faire le passage d’Outremer, que Guillaume Adam avait adressé au roi de France Philippe VI de Valois en 1332, avait été traduit en français pour le duc par Jean Miélot vers 1455 (Bruxelles, Ms 9095) ; l’Epistre lamentable et consolatoire sur le fait de la deconfisture […] du roi de Honguerie par les Turcs devant la ville de Nichopoli en lem pire de Boulegarie, adressé vers 1397 par Philippe de Mézières au duc Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, comptait aussi au nombre des manuscrits de son petit-fils (Bruxelles, Ms 10486).
Parmi les oeuvres de Jean Germain, premier chancelier de l’ordre de la Toison d’or, la Mappemonde universelle, écrite en 1449 (Bruxelles, Ms 11038), le Dyalogus Christiani contra Saracenum (Bruxelles, Ms 5172-74, copie du XVI siècle) et La Voye de Paradis (Bruxelles, Ms IV 823 [3 mars 14741), traduisaient les idées de l’auteur, champion d’une nouvelle croisade et défenseur du héros biblique Gédéon comme patron chrétien de l’ordre.
Pie II, pape de 1458 à 1464 (Enea Silvio Piccolomini) qui composa vers 1460-1461 sa lettre Ad Mahometum Turcorum regem [Bruxelles, Ms 708-7191), y réfutait le Coran, exposait la foi chrétienne et proposait à Mehmet la couronne de l’empire d’Orient en échange de sa conversion. Cette missive procédait du même esprit que la diète de Mantoue (1459), dont Pie II avait été l’initiateur, où fut prônée la croisade. On ne peut enfin passer sous silence le récit que fit Olivier de La Marche des Vceux du Faisan, qui eurent lieu au cours du banquet organisé par le duc le 17 février 1454 à Lille. Le roi d’armes, dit « Toison d’or », y apporta un faisan vivant colleté de pierres précieuses, sur lequel les assistants prononcèrent chacun le voeu de se croiser. Ce fut aussi à Jean Le Fèvre, roi d’armes de la Toison d’or, que l’on doit l’Epistre faitte en la contemplacion du saint voyage de Turquie omposée en 1464.
De son côté Guillaume Fillastre (1392-1473), évêque de Tournai et abbé de Saint-Bertin, chancelier de l’ordre de 1461 à 1473, adressa à Charles le Hardi, vers 1475, Le Traittié de Conseil, c’est-à-dire de bon gouvernement (Bruxelles, Ms II 1172).
Fillastre est évidemment plus connu encore pour les fameux livres sur la Toison d’or (Bruxelles, Ms 9027-9028), composés à la demande du Téméraire, qui avait été impressionné par un sermon prononcé par le chancelier en l’église Notre-Dame de Bruges lors du chapitre de l’ordre en 1468. Initialement, le projet était vaste : remémorer l’histoire de six Toisons, celles de Jason, Jacob, Gédéon, Mesa, Job et David, qu’il mettait en rapport avec six vertus : Magnanimité, Justice, Prudence, Fidélité, Patience et Clémence. A sa mort, en 1473, seuls trois volumes étaient complétés et le travail ne fut pas poursuivi.
Accepter comme patron d’un ordre très chrétien un héros païen avait dérangé plus d’un écrivain
(à suivre ..)
réveillez le chevalier ou la dame de coeur qui sommeille en vous !
avant lui : Christine de Pisan, célèbre auteur de l’Epistre d’Othea, considérait Jason comme la personnification de l’Ingratitude ; en revanche, la ver¬sion française de l’Ovide moralisé, compilation anonyme qui connut un grand succès, notamment à la cour de Bourgogne, s’efforçait de faire de chaque personnage évoqué par Ovide une préfigu¬ration de l’Histoire sainte : la chute d’Hellé dans les flots de la mer qui porte depuis son nom était mise en rapport avec celle des anges rebelles, et Dieu avait envoyé la Vierge pour sauver le monde, tout comme le mouton doré avait été dépêché pour sauver les enfants. Jason était présenté comme bravant la mort pour Médée, à l’instar du Christ crucifié par amour des hommes ; le héros bravait le dragon, comme le Christ franchissait les limbes ; il emmenait les âmes au ciel, comme Jason emportait la Toison d’or et la princesse loin de la Colchide (Lemaire, p. 84-90).
La défense de la foi chrétienne et le « service noble » n’étaient pas seuls à animer l’initiative ducale. L’histoire de Jason, par son côté chevaleresque et romanesque, plaisait au public aristocratique de ce Moyen Âge déclinant. De plus, comme elle était étroitement liée à l’histoire de Troie, elle touchait personnellement la famille ducale qui, directement apparentée aux rois de France pouvait, comme eux, prétendre descendre du héros Francion, parent d’Enée et fondateur lointain de leur dynastie. Cette double raison explique la présence par l’histoire de Jason commandée par Philippe le Bon à son chapelain Raoul Le Fèvre et ses dix-sept manuscrits traitant de la guerre de Troie mentionnés dans la bibliothèque ducale et dont les plus étendus commencent par la relation de l’expédition des Argonautes.
Alors que l’ordre de la Toison d’or comptait parmi les plus prestigieux et que seul -avec ceux de la Jarretière et de l’Annonciade -, il a survécu jusqu’à nos jours, il fut avant tout un ciment personnel de chaque chevalier avec son souverain, une allégeance que des cérémonies fastueuses transformaient en « soumission particulièrement honorable » (Richard).
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