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L’ésotérisme maçonnique et templier de Zacharias Werner

L’homme matériel aspirait au bouquet de roses qui devait le régénérer par les mains de la belle Isis.

Gérard de Nerval

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Dans son introduction, l’auteur étudie d’abord la Franc-maçonnerie allemande au XVIIIe siècle et il donne de l’histoire si complexe et si confuse de celle-ci un résumé aussi clair que peut le souhaiter un esprit français. Le chapitre I étudie l’Initiation, les Débuts (1792-1797) ; le chapitre II, l’Apogée : Varsovie, Königsberg, Berlin (1797-1808) ; le chapitre III est consacré à une étude approfondie du symbolisme maçonnique (1- Rites initiatiques, 2- Arithmosophie, 3- Attributs et Emblèmes, 4- Franc-maçonnerie et Alchimie, 5- Franc-maçonnerie et Magie) qui est ce que l’on peut trouver de mieux sur la matière, le chapitre IV qui est le corps de l’ouvrage a pour titre La Gnose Maçonnique et se trouve divisé en quatre parties (Le Millénarisme, Le Catholicisme épuré, Éléments théosophiques (Jacob Böhme, Louis Claude de Saint-Martin), Éléments piétistes) ; le chapitre V étudie Le Système de Werner (Critique de la Franc-maçonnerie, La Franc-maçonnerie idéale) et la Conclusion qui a pour titre « De la Franc-maçonnerie au Catholicisme » rend compte de la conversion de Werner et de ses causes tant générales que particulières. On voit ainsi l’ampleur de la matière traitée. Sans doute, pourra-t-on trouver que dans le chapitre IV l’exposé très minutieux de la théosophie de Böhme et de Saint-Martin est peut-être un peu long ? L’auteur n’a rien épargné pour établir la filiation des influences mystiques qui ont leur source dans les oeuvres des deux théosophes et dont l’oeuvre wernérienne est tout imprégnée. Mais il faut le remercier d’avoir mis en relief le rôle de l’oeuvre de Saint-Martin sur la pensée allemande, et ce n’est pas le spécialiste français du Philosophe Inconnu, c’est-à-dire M. Robert Amadou, qui se plaindra de l’éclairage supplémentaire ainsi dirigé sur Saint-Martin. Le pays de la Schwärmerei, de l’exaltation mystique et métaphysique ne pouvait manquer d’être réceptif aux idées de celui-ci. M. Guinet a donc brossé pour les XVIIè et surtout XVIIIè siècles allemands un tableau très précis des mouvements spirituels en Allemagne. Ceux-ci se résument en somme dans le piétisme d’abord opposé au luthéranisme orthodoxe contraignant et desséchant, puis ensuite au rationalisme de l’ Aufklärung, au criticisme kantien adversaire résolu de toutes les effusions et épanchements mystiques.

En lisant l’introduction sur la franc-maçonnerie allemande au XVIIIè siècle, on constate qu’à la seule exception des Illuminés de Bavière fils du rationalisme du temps, tout le reste des maçons allemands a donné, avec la Stricte Observance du baron de Hundt, avec le Cléricat de Starck, avec l’obédience fondée par Zinnendorf, dans le mysticisme maçonnique qui a pour origine l’écossisme et qui de plus se réclame de l’ordre du Temple. Faut-il admettre avec M. Guinet que la maçonnerie templière ait une origine française : « avec des grades templiers auraient déjà existé en France… ». Le conditionnel s’impose, car jusqu’à présent, il n’y a pas de preuves qu’il en ait été ainsi.

Mais, ce qui est sûr, c’est dans une franc-maçonnerie à tendances fortement mystiques qu’a été initié le jeune Werner, et c’est parce qu’elle l’était qu’il y a cherché comme l’ont fait et le font encore beaucoup d’âmes et d’esprits un aliment spirituel et une réponse aux inquiétudes et aux angoisses qui traverseront toujours les êtres humains. « … Je tiens Jésus-Christ pour l’unique et suprême maître de la Franc-maçonnerie… » écrit Werner à un de ses amis. Mais cette affirmation ne saurait être séparée d’une autre qui l’explique. L’hommage rendu par lui à Jésus-Christ est un hommage rendu à la foi catholique qu’il tient pour la meilleure « … parce que l’idée capitale de médiateur qui est le fondement de toute religion… » lui paraît s’y exprimer de la plus splendide façon. Pourquoi alors passer par la franc-maçonnerie pour aller du luthéranisme qui donne beaucoup à la grâce et fort peu à la liberté, au catholicisme plénitude de l’idée religieuse. C’est que Werner admire non le catholicisme de son époque, mais un catholicisme idéal : « … Je déteste et j’exècre au plus haut point le catholicisme actuel. Il est tombé si bas qu’aucun homme sincère ne peut faire cause commune avec lui… » . Or ce catholicisme idéal se confond pour lui avec le christianisme primitif et « … Maçonnerie et christianisme primitif…, ces deux termes sont synonymes… », écrit-il à Scheffner.

Dans ces conditions, « la Maçonnerie ne peut avoir d’autre but… que de rétablir le christianisme primitif dans toute sa gloire… ». En réalité, ce que traduit cette pensée de Werner, c’est l’insuffisance du luthéranisme officiel pour les esprits mystiques de ce temps auxquels la franc-maçonnerie offrait une Église où ils pouvaient s’épancher, nourrir leur foi et cultiver leurs rêveries. Combien forte aussi se révélait la tentation du catholicisme idéal, du christianisme primitif et c’est pourquoi, du reste, dans cette oeuvre essentielle du poète, les Fils de la Vallée toute nourrie de l’ésotérisme maçonnique le plus large, Werner oppose de façon constante le Temple, voué à la destruction, à la Vallée, église de l’idéal et de l’avenir (on remarquera au passage que dans le rite écossais les loges se nomment chapitres et que le terme d’Orient est remplacé par celui de Vallée). Cette aspiration, diese Bestrebung, vers l’idéal est sous-tendue dans toute l’oeuvre wernérienne comme dans toute la gnose maçonnique par l’idée de régénération. L’homme a brisé l’unité de la création par le péché originel et l’égoïsme qui en est l’essence, car ainsi que l’écrit le poète « … L’illusion de devenir Un et quelque chose (l’égoïsme) le fit tomber… » . Il faut donc opérer la réintégration, retrouver l’unité divine et M. Guinet conclut l’analyse de la pensée wernérienne ainsi :

«… Tel est le terme de l’évolution humaine, la divinisation par l’amour sous la conduite de la Franc-maçonnerie… » .

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