A.E. Waite et la Tradition secrète dans la Franc-maçonnerie

A.E. Waite- 1857 – 1942

Introduction :

A.E. Waite intégra l’Ordre hermétique de la Golden Dawn en 1891 et la Societas Rosicruciana in Anglia en 1902. Lorsqu’il devient Grand Maître de l’Ordre en 1903, changeant son nom en Holy Order of the Golden Dawn, de nombreux membres rejetèrent ses idées sur la primauté du mysticisme sur la magie, et un groupe rival, l’Etoile du Matin, fit sécession sous l’impulsion de William Butler Yeats. La Golden Dawn fut déchirée par nombre de conflits internes jusqu’au départ de Waite en 1914.

Waite fut un auteur prolifique de textes occultes ayant pour thèmes la divination, le rosicrucisme, la franc-maçonnerie, la magie noire et cérémonielle (goétie et théurgie), la Kabbale et l’alchimie ; il a également traduit et re-publié plusieurs ouvrages mystiques et alchimiques. Son travail sur le Saint Graal, influencé par son amitié avec Arthur Machen, est remarquable. Certains de ces livres non encore imprimés, tels que le Book of Ceremonial Magic, The Holy Kabbalah, et la New Encyclopedia of Freemasonry, le furent récemment.

Waite est surtout connu pour avoir été le cocréateur du jeu de tarot dit Rider-Waite-Smith, Waite-Smith ou Rider-Waite (en), largement utilisé dans le monde anglo-saxon principalement à des fins divinatoires, et l’auteur du manuel d’accompagnement dudit jeu, Pictorial Key to the Tarot. Pour concevoir ce jeu, il a collaboré avec l’artiste symboliste Pamela Colman-Smith, elle aussi membre de la Golden Dawn. Le Waite-Smith est connu pour être l’un des premiers tarots dont les 78 lames sont entièrement illustrées, contrairement à presque tous les jeux traditionnels. Le tarot Rider-Waite a été mis pour la première fois en vente en 1910. Nous en avons reconstitué la philosophie dans notre ouvrage : « Voies initiatiques du Tarot »

Pour la rédaction de notre second volume sur la Franc-maçonnerie nous nous sommes adossés à ses intuitions qui sont restes les plus clairvoyantes de ce début du XXème siècle : à savoir que ce n’est pas dans les chantiers de cathédrale que nous trouverons l’origine ni le décryptage des anciens rituels mais dans la Kabbale. Ce que nous avons déjà fait pour le premier volume. Il fallait poursuivre !… et voir qu’il existe bien au sein de la maçonnerie une autre tradition qui a souché sur elle et fait son nid. Au départ ce deux traditions n’en faisaient qu’une mais à mesure que la Franc-maçonnerie est devenue chose « banale » (au sens étymologique) et exotérique la tradition s’est réfugiée dans les « side degres » …

Je donne ici la traduction pour la première fois de son ouvrage principal « La Tradition secrète dans la franc-maçonnerie » :

  1. La Tradition Secrète que je me propose de retracer dans le présent ouvrage, à travers ses vestiges et ses indications dans les Rites de la Maçonnerie Symbolique, ne se distinguera pas, quant à sa matière première, des autres aspects de la Tradition Secrète à l’époque chrétienne en Occident.
  2. En ce qui concerne cette Tradition et ce que j’ai dit jusqu’à présent sur le sujet, les grandes lignes des principes en cause et des preuves ont été présentées dans l’Église cachée du Saint Graal, mais avec une référence particulière à cette phase qui apparaît dans certains départements de la littérature romane.
  3. La Tradition Secrète contient, premièrement, les mémoires d’une perte qui a frappé l’humanité ; et, deuxièmement, les enregistrements d’une restitution de ce qui a été perdu. Pour des raisons que je ne me propose pas d’examiner au stade actuel, les gardiens de la tradition l’ont perpétuée en secret au moyen de Mystères institués et de littérature cryptique.
  4. Sans le cercle de la tradition dans le monde occidental, il s’est élevé un ensemble de témoignages collatéraux qui traitent du même sujet, et c’est la littérature mystique de la chrétienté.
  5. Comme la tradition elle-même témoigne, dans son plus haut développement, d’une expérience atteinte dans l’esprit de l’homme, il en est de même de la littérature mystique, mais à la place du travail secret, nous avons des enregistrements au grand jour.
  6. La littérature mystique de la chrétienté contient l’expérience de la sainteté en Occident, et ici la voie de transmission a été principalement l’Église latine. Il faut souligner qu’il y a eu une grande transmission analogique sur le même sujet par les canaux du monde oriental ; mais, si important que cela soit, je ne m’occupe pas dans le présent ouvrage de ce témoignage simultané.
  7. En ce qui concerne la Tradition Secrète, les formes adoptées étaient, pour les Mystères Institués, de type cérémoniel et liturgique ; pour la littérature cryptique, il y avait plus d’une incarnation ; enfin, il y a d’autres formes qui étaient emblématiques au sens pictural, comme, par exemple, les images de l’Alchimie.
  8. Certains des modes cérémoniels de présentation sont restés cachés, avec peu de traces de leur existence, jusqu’à nos jours : tous sont des témoignages, selon leur mode individuel, de la main de l’âme dans l’histoire.
  9. L’affirmation s’applique dans toutes les directions, et la question se pose de savoir si, en Orient ou en Occident, ce qui était ouvert, et ne devait rien dans sa partie consciente à ce qui était réservé dans la dissimulation, avait pénétré aussi loin que ce dernier dans le mystère de son sujet.
  10. J’enregistre le fait de la question sans offrir de réponse au stade actuel : il fait partie de nos recherches de déterminer ce point, si cela est possible, et nous verrons au moins, en progressant, qu’une certaine prétention à la supériorité est impliquée dans la nature de la Tradition secrète, et que de la justification de celle-ci dépend son titre à l’existence comme quelque chose de distinct du reste.
  11. La perte et la récupération d’un certain trésor de la vie secrète étant, comme je l’ai dit, le sujet de la Tradition secrète, il faut ensuite expliquer, dans l’intérêt de la phase importante qui nous occupe plus particulièrement, que l’opération philosophique concernant cette perte et cette récupération a figuré à plusieurs reprises sous la forme d’une formule verbale.
  12. Les témoignages attestent (a) le caractère œnéen de la perte ; (b) la certitude d’une restauration ultime ; (c) en ce qui concerne ce qui a été perdu, la perpétuité de son existence quelque part dans le temps et dans le monde, bien qu’internée profondément ; (d) et plus rarement sa présence substantielle sous des voiles indistinct.
  13. Il rappelle ainsi les légendes concernant une science universelle imputée à l’homme dans son premier état, et concernant sa perpétuation chez des sages inconnus de génération en génération.
  14. Dans la littérature du Saint Graal, l’aspect spécifique présenté est l’existence d’une mystérieuse Maison des nombreux Jalousies, qui était accessible dans certaines circonstances jusqu’à ce qu’un ou plusieurs de ceux qui la recherchaient réussissent à l’atteindre et prennent la garde du lieu, ainsi que de ses mystères – ou alternativement des objets sacrés seulement – après quoi ceux-ci étaient soit retirés, soit les portes étaient scellées et personne d’autre n’y entrait. Il s’agit d’un mystère d’accès et de retrait, ce dernier étant en apparence définitif. Ici aussi, dans de nombreux textes, le mode d’accès se fait au moyen d’une formule verbale.
  15. La formule spécifique diffère de celle que nous rencontrons dans d’autres formes traditionnelles et, à mesure que la littérature s’étendait, ce symbolisme disparaissait, la quête du Graal elle-même et les conditions religieuses qui s’y rattachent l’emportant sur tout le reste.
  16. Dans un travail beaucoup plus ancien, à savoir dans « The Doctrine and Literature of the Kabalah », j’ai décrit la position et l’importance d’une Tradition non-chrétienne à l’époque chrétienne par le canal de la théosophie zoharique, en faisant suffisamment référence à ses relations avec les écoles ultérieures.
  17. Dans la littérature kabbalistique, l’aspect spécifique de la formule verbale se trouve dans la perte, la suppression ou la réduction et la substitution d’une Parole Sacrée, jusqu’à la restauration de laquelle il y aura douleur et exil pour Israël. Ici, il s’agit d’une notion qui doit être déclarée irrécupérable. Les moyens de son rétablissement sont en effet autour de nous de toutes parts, mais il faut savoir les chercher. Nous voyons déjà de cette manière que la Doctrine Secrète dans la Tradition Secrète a peut-être gardé dans ses sanctuaires plus que ce qui est offert aux fidèles dans les institutions religieuses du monde extérieur…

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