
Le thème de l’arbre apparaît au XIIème siècle et s’épanouit peu à peu jusqu’à la Contre Réforme au XVIème siècle. Au XIXème siècle il retrouve sa place dans les églises néo-romanes et néo-gothiques.
Il illustre la prophétie d’Isaïe, prophète biblique, ayant vécu à Jérusalem au VIIIème siècle av.J.C., concernant Jesse et la descendance de son fils, le roi David. Elle annonce la venue du Messie pour les Juifs et celle du Christ pour les Chrétiens.
Jesse est représenté dormant, quelquefois assis, mais le plus souvent couché. Un arbre sort de son flanc ou de son ventre, illustrant la phrase d’Isaïe « Un rameau sortira de la souche de Jesse et un rejeton jaillira de ses racines ». Une analyse plus fine y verra le serpent chtonien se développant par circonvolution jusqu’au faite de l’arbre, le serpent de la Bible.
L’enseignement ésotérique du Christianisme
Ce n’est qu’après deux ou trois siècles que le Christianisme se constitua en une religion, en tant qu’exotérisme s’adressant indistinctement à tous, sous la seule réserve, évidemment, de leur «intégration» dans la communauté de l’Église par le rite du baptême administré sans aucune condition de « qualification » proprement dite.
Antérieurement à cette constitution en une religion et à son extension au bassin méditerranéen, le Christianisme avait eu exclusivement un caractère ésotérique et formait une voie initiatique dont les jalons ou degrés étaient marqués par un baptême dans l’Eau et l’Esprit, ou seconde naissance» donnant accès au monde psychique, puis par un baptême dans le Feu et l’Esprit, en une Résurrection ou «troisième naissance» donnant accès au monde spirituel, enfin par une montée ou ascension sur l’échelle des cieux conduisant au but final, à savoir l’union, par la connaissance ou gnose, avec le Principe suprême : « qu’ils te connaissent, Toi, le seul vrai Dieu», « qu’ils soient un comme nous sommes un » car « il n’y a pas de Dieu sinon l’Un » .
On a, par ailleurs, le témoignage de certains Pères de l’Église qui, en effet, ont mentionné les enseignements secrets transmis par les Apôtres à quelques-uns. Notamment « Ces maîtres [de Clément d’Alexandrie] qui conservent la vraie tradition des bienheureux enseignements, issus tout droit des saints Apôtres Pierre, Jacques, Jean et Paul, transmis de père en fils et parvenus jusqu’à nous grâce à Dieu (Strom. I, 1, 11, 3) et ces enseignements réservés à quelques-uns, transmis jusque-là oralement (13, 2), qui doivent garder un caractère secret, constituent la tradition gnostique (15, 2) ». Outre ce témoignage parmi d’autres, on doit aussi tenir compte, dans cet ordre-là, des nombreux ouvrages non-canoniques, relevant du genre épigraphique, où s’exprimaient les premières générations de « gnostiques » chrétiens, comme les diverses Epitres et Évangiles des Apôtres, Apocalypses, Ascensions…, où, pour l’essentiel, étaient rapportés certains enseignements, donnés par le Christ, après sa Résurrection et avant son Ascension, concernant « ce qui est au-dessus des cieux et dans les cieux», c’est-à-dire les sept sphères planétaires.
Le Verbe-Logos, Image de Dieu, est en soi le seul dont il soit possible de dire en vérité: Il « Est » et II «Est» toutes choses en mode unitaire et synthétique. À d’autres niveaux, nécessairement inférieurs, Il se réfracte en une similitude ou une homothétie (dont les poupées russes sont un symbole) de telle sorte que, d’une certaine manière, Il revête le vêtement ou l’apparence de la lumière qu’Il rayonne en cet état. Ainsi, le Verbe, dans sa descente pour s’incarner, «se transforma dans le cinquième ciel selon l’aspect des anges qui étaient là; ils ne le glorifièrent pas, car son aspect était comme le leur» et de même dans les autres cieux et dans le firmament «où il donna le mot de passe pour ne pas être reconnu »». C’est la raison pour laquelle, notamment dans les premiers siècles, le Verbe de Dieu était couramment désigné sous la dénomination d’Ange, comme «Ange de YHWH» ou encore de «Premier Ange ».

Le livre des générations
Évangile selon Saint-Matthieu (chapitre 1) :
GENEALOGIE DE JESUS, CHRIST, fils de David, fils d’Abraham. Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères, Juda, de son union avec Thamar, engendra Pharès et Zara, Pharès engendra Esrom, Esrom engendra Aram, Aram engendra Aminadab, Aminadab engendra Naassone, Naassone engendra Salmone, Salmone, de son union avec Rahab, engendra Booz, Booz, de son union avec Ruth, engendra Jobed, Jobed engendra Jessé, Jessé engendra le roi David. David, de son union avec la femme d’Ourias, engendra Salomon, Salomon engendra Roboam, Roboam engendra Abia, Abia engendra Asa, Asa engendra Josaphat, Josaphat engendra Joram, Joram engendra Ozias, Ozias engendra Joatham, Joatham engendra Acaz, Acaz engendra Ézékias, Ézékias engendra Manassé, Manassé engendra Amone, Amone engendra Josias, Josias engendra Jékonias et ses frères à l’époque de l’exil à Babylone. Après l’exil à Babylone, Jékonias engendra Salathiel, Salathiel engendra Zorobabel, Zorobabel engendra Abioud, Abioud engendra Éliakim, Éliakim engendra Azor, Azor engendra Sadok, Sadok engendra Akim, Akim engendra Élioud, Élioud engendra Éléazar, Éléazar engendra Mattane, Mattane engendra Jacob, Jacob engendra Joseph, l’époux de Marie, de laquelle fut engendré Jésus, que l’on appelle Christ. Le nombre total des générations est donc : depuis Abraham jusqu’à David, quatorze générations ; depuis David jusqu’à l’exil à Babylone, quatorze générations ; depuis l’exil à Babylone jusqu’au Christ, quatorze générations.

Un détour par les manuscrits nous permet de comprendre l’origine de ce motif. L’évangile selon saint Matthieu commence par la généalogie du Christ, en latin « liber generationis », ou livre des générations et le L se prête à une enluminure représentant une descendance à partir d’un personnage couché comme on le voit dans un manuscrit de 1150.
Saint Matthieu fait lui-même le lien entre la généalogie du Christ et une autre prophétie, au chapitre 7 du livre d’Isaïe : « Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète : Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ; on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous » (Mt 1, 22-23).
L’organisation de la tige de Jessé est toujours assez semblable à ce que nous voyons sur le manuscrit : Jessé le patriarche est endormi, de son entrejambe, de son abdomen ou de sa poitrine selon les cas, sort une plante, symbole d’une génération vigoureuse, supportant dans ses ramures sa descendance : les rois David et Salomon, puis Marie, Jésus au-dessus duquel est représenté l’Esprit-Saint sous la forme d’une colombe nimbée.
Marie apparaît ainsi dans la descendance du roi David, alors que dans l’Évangile de Matthieu, c’est Joseph qui est de la lignée de David et qui est chargé par l’ange de donner le nom de Jésus. Dès le IIe siècle, Irénée souligne que Marie descend également du roi David en faisant appel à l’Apocryphe de Jacques. Celui-ci affirme qu’Anne la mère de Marie est de la tribu de David et que Marie a été choisie parmi les vierges sans tache de la maison de David pour tisser le voile du temple.
Cependant, cet arbre n’est pas exactement un arbre généalogique. Il s’agit plutôt par ce procédé de montrer la nature humaine du Christ, inscrit dans une descendance, et sa nature divine, Fils de Dieu sur qui repose l’Esprit, ainsi que le récapitule saint Paul :
« Cet Évangile, que Dieu avait promis d’avance par ses prophètes dans les saintes Écritures, concerne son Fils qui, selon la chair, est né de la descendance de David et, selon l’Esprit de sainteté, a été établi dans sa puissance de Fils de Dieu par sa résurrection d’entre les morts, lui, Jésus Christ, notre Seigneur. » Ro 1, 2-4. Cette plante extraordinaire, qui n’est pas encore vraiment un arbre au XIIe siècle, relie la terre au ciel. C’est une traduction visuelle du mystère de l’incarnation de Dieu, venu partager la condition des hommes en s’intégrant dans l’histoire humaine par le oui de Marie.
Une promesse mariale
Virgo (tige) Virga (vierge)
Au XIIe siècle, la France se couvre de cathédrales dédiées à Notre-Dame et la dévotion mariale se déploie. Un nouveau questionnement agite les théologiens à propos de l’immaculée conception durant les XIIIe et XIVe siècles, et aura des répercussions sur la représentation de la Vierge Marie. La fête de la Conception de Marie qui existait depuis le XIe siècle en Occident entre au calendrier romain après le concile de Bâle en 1476. Le pape Sixte IV fait alors composer des hymnes liturgiques, les confréries dédiées à la Vierge Marie se multiplient, des concours de poèmes en son honneur sont organisés. L’iconographie de l’Immaculée Conception se développe en Espagne et s’inspire de la vision de saint Jean dans l’Apocalypse : « Un grand signe apparut dans le ciel : une Femme, ayant le soleil pour manteau ». (Ap 12, 1)
Dans ce contexte, l’arbre de Jessé évolue : à partir du XVe siècle, plus que l’ascendance royale de Jésus, il valorise la Vierge immaculée portant l’enfant Jésus. Celle-ci, de simple tige portant le sauveur, devient avec son fils, la fleur de la promesse portée à l’incandescence du bourgeon prometteur.
«Si Dieu s’est fait homme, c’est pour que l’homme devienne Dieu».
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