
Ce château fut porté à la connaissance du public éclairé ou pas grâce aux travaux de mon père, M. Michel Dreue.
Demeures philosophales: un itinéraire alchimique en (Picardie
Dans les lignes qui suivent, il sera question d’une demeure, qui u l’évidence doit beaucoup à l’inspiration hermétiste du maitre des lieux sans aucun doute un Adepte du Grand’Oeuvre. Mais comment ne pas oublier que non loin de Boulogne-la-Grasse, se dresse la majestueuse cathédrale d’Amiens, autre sphinx de pierre qui ne cesse de nous interroger. Rappelons qu’à ce sujet, nous lui devons entre autre, les plus belles pages du non moins énigmatique Fulcanelli sur le décryptage consacré notamment au porche du Sauveur dans son livre « Le mystère des cathédrales ».
A l’instar des cathédrales gothiques ou « argotiques » selon l’expression de ce dernier auteur, les demeures philosophales sont des livres de pierre qu’il convient de lire comme telles. Sans doute, si l’outrage du temps et les égarements parfois funestes de l’homme – n’oublions pas que le château de Boulogne fut partiellement détruit lors de la bataille du Matz pendant la grande guerre de 14-18 n’altèrent pas d’avantage les chapitres de cet ouvrage gravé à l’attention des esprits éveillés, alors pourrons nous conserver ce qui apparait comme étant sans doute l’une des dernières demeures « philosophales » dans la pure tradition de l’Hotel LALLEMANT à Bourges, du château de Dampierre-sur-Boutonne pour ne citer que ces fleurs qui sont autant de roses mystiques comme il en fleurit par ailleurs tant en terre de Picardie.
Mais pourquoi aussi ne pas voir dans cette rose la matérialisation toute spirituelle et allégorique de la pierre philosophale. Rubis au pouvoir prestigieux. Cette fleur, à la fois médecine – élixir- et gemme splendide fut à l’origine de cet ordre de chevalerie que fonda Philippe le Bon en glorification de la Toison d’Or, objet de la « Quêste » initiatique des Argonautes en terre de Colchide ….
Ici la recherche légendaire du Graal et celle plus secrète du Grand’Oeuvre fusionnèrent en un tronc commun où l’imaginaire chevaleresque pu déployer le meilleur de son esprit : Charles de Boulogne à sa façon , avec son château nous a – nous les esprits curieux – embarqué à bord de l »ARGO , toutes voiles dehors à la conquête du « VELLUS AUREUM » ou plus exactement à la recherche du bélier d’or sur la peau duquel – selon le mythe – est écrit l’essentiel de l’ART ROYAL à qui saura le mériter.

Mais la Quête ne détient son sens que de la Dame sans qui aucun chevalier ne saurait s’engager : elle est l’objet de la Quête. Tandis que le chevalier personnifie l’être agissant et maître de sa volonté, à l’inverse la Dame symbolise l’autorité spirituelle sans laquelle l’action n’est que désordre et vaine agitation. Le secret de l’Initiation chevaleresque se résume par la réunion de ces deux parties qui se sont séparées au commencement des temps. « L’union des deux natures » correspond à ce que l’on désigne habituellement par » Petits Mystères » et que l’on retrouve dans l’ensemble des sagas médiévales : Tristan et Yseult, Lancelot et Guenièvre
L’Initiation royale – celle des petits mystères – se prolonge dans l’Initiation sacerdotale. A l’errance chevaleresque – celle de la légende des Karados – succède la contemplation immobile de celui qui se trouve devant l’axe du Monde. Nous retrouverons tous ces éléments dans l’histoire qui réunit ce château à la fondation de l’abbaye de Corbie sans oublier que l’alchimiste de la cathédrale d’Amiens nous montre que les chemins du « Gay Scavoir » peuvent être multiple et ne laissent pas de nous égarer parfois, ce que nous rappelle le gigantesque labyrinthe de près de 42 mètres de circonférence qui pave la nef amiénoise.
Assez paradoxalement, nous voyons comment l’histoire parfois rejoint la légende. Le dernier Prince de Bourgogne, illustre porteur de cette même Toison d’Or, le singulier Charles dit « Le Téméraire » lors du siège de la cité picarde qui s’était mise « en l’obeissance du Roy » quoique le traité d’Arras voulu qu’elle se livra au duc Charles lors de ces hostilités à la cité rebelle ordonna tout de même à ses canonniers qu’ils épargnassent la Notre-Dame :
» Le Duc de Bourgogne (qui faisoit tirer son artillerie contre Amiens) deffendit expressément que l’on tirast point contre l’église. Ce qui fut bien gardé : & tint toute une Quaresme le Duc de Bourgogne iceluy logis. «
Aussi, avant de nous engager dans l’interprétation de ce rebus complexe qui restera pour partie une énigme faute de disposer de la totalité des pièces, à jamais et irrémédiablement manquantes, sachons qu’en dernier ressort
» FATA VIAM INVENIENT «
soit :
Les destins trouveront la voie…
c’est-à-dire qu’en toutes choses, c’est dans la patience à l’épreuve, la lente incubation de Soi que chaque homme en recherche de la Vérité, trouvera et ouvrira à son tour les portes de son destin.
Par cet édifice insolite, le comte Charles de Boulogne a voulu témoigner pour les temps futurs et nous indiquer le chemin pour trouver cette porte basse » à laquelle le pèlerin égaré frappe l’huis et demande l’entrée.
Johan DREUE 21 Septembre 1995


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