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Chevaliers d’Héliopolis au Chat Noir

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le deuxième Chat Noir, celui que fréquenta l’Adepte

A propos du chat, beaucoup d’entre nous se souviennent du fameux Chat-Noir, qui eut tant de vogue sous la tutelle de Rodolphe Salis ; mais combien savent quel centre ésotérique et politique s’y dissimulait, quelle maçonnerie internationale se cachait derrière l’enseigne du cabaret artistique ?  Fulcanelli

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Le chat noir et les arts (3)

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L’activité du premier Chat Noir est intimement liée aux événements historiques qui l’entourent, représentant une sorte de pause créative entre l’amnistie des Communards (1880) et les premières turbulences de l’affaire Dreyfus (1894-1898). Le choix du lieu par Rodolphe Salis revêt une importance particulière : aux pieds de la Butte sacrée, le boulevard Rochechouart représente le trait d’union idéal entre les artistes montmartrois et le public bourgeois, qui peut facilement y accéder. Montmartre devient ainsi le centre de la culture hors de la tradition savante pro­prement dite.

Bien que le cabaret le plus ancien soit Le Cabaret des assassins, plus connu sous le nom de Lapin à Gill (ensuite Lapin Agile), c’est le Chat Noir qui marque l’esprit du temps. Sans revenir ici sur son histoire – voir notamment les études de Martel Oberthür–, nous voudrions plutôt attirer l’attention sur l’aménagement du lieu, car ce dernier influence le rapport entre le chansonnier et son public.

Étant donné les dimensions relativement exiguës de la salle (3,5 x 4 mètres), Salis soigne principalement l’aspect visuel, en confiant au peintre Adolphe Willette le soin de plu­sieurs réalisations, parmi lesquelles, rappelons-le, le vitrail La Vierge verte’, caractérisé par un symbolisme décadent, et le célèbre Parce Domine (cat. 8, p 86) qui, après avoir décoré le premier et le second Chat Noir, est aujourd’hui conservé au musée de Montmartre. Le reste du décor se compose d’une pacotille vaguement Louis XIII, constituée d’objets et de mobilier de récupération.

Les tables et les chaises, très inconfortables, obligent le public à se mélanger aux artistes présents sur scène, si l’on peut nommer de cette manière le petit cagibi surélevé de trois marches. De cette façon, plus aucune distance n’existe entre l’acteur chanteur et le public, qui participe au spectacle, tout en en devenant une composante fonda­mentale.

La chanson montmartroise est ainsi au sommet de l’ex­périmentation du genre,  suspendue entre l’innovation for­melle et la continuité d’une tradition musicale qui, partant de l’opérette, plonge ses racines dans l’exotisme de l’argot. Les artistes à énumérer sont fort nombreux, outre ceux déjà nommés comme faisant partie des Hydro­pathes, nous puvons citer  : George Auriol, Maurice Boukay, Charles Cros, Paul Delmet, Maurice Donnay, Georges Fragerolle, Jean Goudeski, Vincent Hyspa, Eugène Lemercier, Jean Richepin, Pierre Trimouillat et bien d’autres…

Steven Moore Whiting a déjà souligné les diverses typo­logies de chanson qui caractérisent la production du Chat Noir entre sa création (1881) et la mort de son fondateur (1897)8. Il les a distinguées comme suit : chanson réaliste, sentimentale, satirique et macabre. La production musicale qui a vu le jour au Chat Noir s’impose par sa nouveauté : dans le choix des sujets, mais aussi dans l’attitude de l’interprète, souvent auteur de la musique et du texte.

Parmi ces figures, celle de Maurice Mac-Nab mérite une attention spéciale, notamment pour le fort accent politique et social de ses compositions. C’est au Chat Noir qu’il trouve son épanouissement. Le caractère impertinent de la Butte et ses tendances anarchisantes permettent à Mac-Nab de transformer sa raillerie sociale en ironie macabre. Dans L’Omnibus de la préfecture, son ton satirique est au service d’un rapin qui voyage dans une voiture originale :

« Quand j’veux ménager ma chaussure. / Pour me ballader [sic] j’ai choisi / l’omnibus de la Préfecture ! » Dans L’Expul­sion, c’est un cri revanchard que Mac-Nab hisse contre les puissants et les riches :

«Moi, j’vais vous dire la vérité : / Les [sic] princ’il est capitalisse, / et l’travailleur est exploité, / c’est ça la mort du socialisse ! […] Pour que l’mi­neur il s’affranchisse /Enfin, qu’tout l’mond’soye expulsé/ il rest’ra plus qu’les anarchisses ! »

Les deux plus grands interprètes de cette nouvelle tendance, qui apparente la construction du personnage scénique à l’exigence renouvelée des affiches, sont Aristide Bruant et Yvette Guilbert. Le rendu visuel de la chanson devient ainsi la meilleure façon de se faire connaître.

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Au Chat Noir : Montmartre ou « Montjoye » (1)

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Montmartre doit sa renommée principale­ment à la floraison de nombreux ateliers de peintre et de sculpteur, toutefois les musiciens tiennent aussi une place de choix. Installés aux alentours de la Butte, ils profitent du dynamisme qui carac­térise la production artistique et occasionnent une synergie tout à fait originale entre arts figuratifs et sonores dans le panorama parisien de la fin du XIXe siècle. Les cabarets sont in primis les lieux qui témoignent de ces ferments culturels.

Origine et typologie des cabarets

L’étymologie du mot « cabaret » semble provenir du picard cambrette ou camberete via le néerlandais cabret. Après la tradition consolidée au XVIII siècle du café comme lieu de discussion et d’échange d’idées progressistes, le sens origi­naire du mot « cabaret » se transforme, désignant désormais « tous ces endroits où se réunissent, avec le public, poètes et intellectuels, chansonniers et musiciens, peintres et critiques d’art, diseurs de poésies et acteurs».

Concetta Condemi identifie à Paris, entre 1850 et 1890, 396 salles et 600 fonds de commerce utilisés comme lieux de spectacle La clientèle est fortement différenciée, c’est pour cette raison que durant la soirée, des chansons alternent avec des représentations d’arts variés mêlées à des numéros de cirque. Il est aujourd’hui difficile d’évaluer la durée moyenne d’existence d’un cabaret, mais, si l’on en croit les témoignages des contemporains, de nombreux établis­sements disparaissent après seulement six mois ou un an d’activité. Quantitativement les arrondissements les plus riches en salles sont les IXe, Xe et XIe avec 121 salles, suivis par les IIè, IVè, Vè, XVIIIème avec 80 salles.

Souvent considérés comme des lieux de perdition, contraires aux valeurs d’une certaine société sous la IIIe République, les cabarets sont classés en trois caté­gories: d’abord les salles très luxueuses, proches des véritables salles de théâtre (comme l’Eldorado, l’Alcazar lyrique et les Folies Bergère), suivies par les plus modestes (situées principalement sur les Grands Boulevards) et enfin celles que l’on ne désigne pas autrement que comme « innom­mables » (souvent des endroits où la violence et la prostitu­tion étaient de mise).