
Mont salvat ou la Montagne magique
Vers 1270, une soixantaine d’années après le Parzival de Wolfram von Eschenbach, le poête allemand Albrecht von Scharfenberg reprendra le fragment du Titurel de Wolfram pour écrire « le nouveau Titurel ». Ce roman reprend à ses débuts l’histoire du lignage du Graal et décrit avec soin le château du Graal. C’est dans ce troisième Parsifal que Richard Wagner puisera l’essentiel.
Genèse : Il est évident que, pour les mystiques et les romantiques qui soudain s’intéressèrent au Graal à la fin du XIXè siècle, le Parsifal de Richard Wagner servit de révélateur. Mus par l’espoir d’aborder des univers fabuleux, certains d’entre eux se précipitèrent sur le Parzival de Wolfram von Eschenbach. Pour beaucoup la déception fut à la hauteur de leurs espérances, car il faut bien l’avouer, le texte du trouvère allemand ne paraît plus très séduisant à un esprit moderne. Quelques longueurs destinées à être récitées, descriptions de batailles ou de combats singuliers, semblent bien fastidieuses. L’intérêt est ailleurs.
En prélude à son Parzival, Wolfram avait également composé 170 strophes d’un poème, dans lequel il racontait les épreuves subies par la recluse Sigune, cousine du héros. Cette œuvre, Titurel, est restée inachevée, mais elle a servi de base au Nouveau Titurel, un vaste roman mystique rédigé vers 1270 par Albrecht von Scharfenberg. C’est par ce Nouveau Titurel que les Pyrénées, l’Aragon et l’Espagne, s’intégrèrent aux légendes du Graal. Richard Wagner suivit Albrecht pour peindre l’environnement de son Montsalvat : « pays dans le caractère des montagnes du nord de l’Espagne gothique ». Son génie lui avait également fait comprendre les liens subtils qui existaient entre la légende du Graal et le mystère des Rose Croix. C’est pourquoi encore son opéra fut sous titré de « Drame initiatique« .
On ne le dira jamais assez mais Perceval fait ressortir tout le côté féminin du sacré, il participe de la nuit lunatique.Nietzsche de son temps avait déjà subodoré les penchants contemplatifs du musicien et son goût de la vacuité. C’est pourquoi on crût à tort faire un lien entre Montségur et Montsalvat.
Les Cathares voulaient, eux aussi, retrouver la pureté d’un christianisme primitif idéalisé à l’instar de gnostiques à la Marcion. Dans Parsifal, Wagner a glissé l’idée du dualisme suggéré par l’opposition entre le château du Graal et celui de Klingsor, la notion du karma et de la réincarnation avec sa Kundry si différente de l’original de Wolfram, le sens du respect de la vie animale et le végétarisme qui en découle, et surtout l’éloge de la chasteté.
Gnose, mise en évidence de conceptions prônant le respect de toute vie, végétarisme, chasteté, principe du salut obtenu par le renoncement et la compassion, tous ces éléments ajoutés à l’atmosphère médiévale et mystique de l’œuvre, ont favorisé des rapprochements avec les doctrines cathares.
En France, hors du milieu universitaire germanisant, l’œuvre de Wolfram ne fut connue que par ouï-dire jusqu’en 1934, car aucune traduction n’en avait été faite avant celle d’Ernest Tonnelat. Ce qui signifie que l’immense majorité de ceux qui en parlaient au début du siècle, n’en n’avaient jamais lu une ligne. Ceci explique cela…
La vision du Temple dans la continuation d’Albrecht von Scharfenberg
» Dans la terre du Salut, dans la forêt du Salut, se dresse une cime solitaire appelée le Mont du Salut, que le roi Titurel ceignit d’un mur et sur lequel il édifia un précieux château pour servir de temple au Graal ; parce que le Graal en ce temps là ne résidait pas en un lieu défini, mais flottait, invisible, dans l’air. La montagne était faite d’onyx, on en avait dénudé et poli le sommet jusqu’à ce qu’il brillât comme la lune. Le temple avait de hauts murs tout enrichi d’or et incrusté de gemmes, il était de forme circulaire et coiffé d’une coupole, et son toit était en or. A l’intérieur, son plafond était incrusté de saphirs pour représenter l’azur du ciel et constellé d’escarboucles. Un soleil d’or et une lune d’argent se déplaçaient dans les deux moitiés de la voûte par tout un jeu de mécanismes, et le claquement des cymbales marquait le passage des heures .
Ce château, inspiré d’un château réel ou non, est avant tout le rappel d’une donnée de l’enseignement universel : l’homme, l’homme véritable, est un microcosme. Nous sommes, nous être humain, au cœur de ce microcosme, avec son ciel et ses planètes qui régissent notre destinée. Accomplir les mystères du Graal, c’est ressusciter ce microcosme, en faire à nouveau un temple .
On retrouvera cette description au XVIIème siècle dans la Fama Fraternitatis R+C où le sépulcre de Christian Rose-Croix (le cœur secret de la demeure sancti spiritus) est décrit ainsi :
Cette crypte, nous la partageâmes en trois parties : la voûte ou ciel, la muraille ou côtés, le sol ou dallage. Du ciel vous n’apprendrez ici rien de nous, sinon qu’il était, en son centre lumineux, divisé en triangles selon les sept côtés. Mais ce qu’il y avait à l’intérieur, vous devrez bien plutôt le voir de vos propres yeux, vous qui attendez le salut, par la grâce de Dieu. Chaque côté était divisé en dix espaces carrés, chacun avec ses figures et sentences, comme nous les avons reproduites dans notre ouvrage sous forme condensée avec autant de soin et de précision que possible. Le sol était aussi divisé en triangles, mais étant donné que l’on y avait décrit le règne et la puissance du régent inférieur, de telles choses ne se peuvent prostituer au monde impie et curieux pour son usage profane. Mais qui est en harmonie avec l’enseignement céleste marche sur la tête de l’antique serpent sans crainte et sans dommage, ce à quoi se résigne parfaitement notre siècle.
L’Etoile flamboyante pour celui qui sait recevoir la parole. L’aspirant à la vie supérieure qui comprend quelque peu cette exigence, et qui l’applique dans ce monde en tant que maçon conscient, perçoit un aspect de cette partie supérieure du caveau cosmique et du propre caveau funéraire, en tant que réflexion du macrocosme. Des mondes s’ouvrent à lui ; pas à pas, il pénètre derrière le voile. Il a part à la connaissance de première main, à la réalité du triangle lumineux du milieu.
Dans ce présent travail nous mettons en lumière et pour la première fois les éléments du rituel qui renvoient directement au roman initiatique et servent de trame au symbolisme du grade « Le plus humble d’entre nous«
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