
« Et l’Eternel parla à Moïse, disant : Regarde, j’ai appelé par son nom Betsaleël, fils d’Uri, fils de Hur, de la tribu de Juda ; et je l’ai rempli de l’esprit de Dieu, en sagesse, et en intelligence, et en connaissance, et pour toutes sortes d’ouvrages, pour faire des inventions : pour travailler en or, et en argent, et en airain ; pour tailler des pierres à enchâsser, et pour tailler le bois, afin d’exécuter toutes sortes d’ouvrages. Et voici, j’ai donné avec lui Oholiab, fils d’Akhisamac, de la tribu de Dan ; et j’ai mis de la sagesse dans le coeur de tout homme intelligent, afin qu’ils fassent tout ce que je t’ai commandé : la tente d’assignation, et l’arche du témoignage, et le propitiatoire qui sera dessus, et tous les ustensiles de la tente, et la table et ses ustensiles, et le chandelier pur et tous ses ustensiles, et l’autel de l’encens, et l’autel de l’holocauste et tous ses ustensiles, et la cuve et son soubassement, et les vêtements de service, et les saints vêtements d’Aaron, le sacrificateur, et les vêtements de ses fils, pour exercer la sacrificature, et l’huile de l’onction, et l’encens des drogues odoriférantes pour le lieu saint. Ils feront selon tout ce que je t’ai commandé » (Ex. 31 : 1-11).

« Lors du règne du roi Alban, naquit Betsaléel qui fut appelé ainsi par Dieu, avant d’être conçu dans le sein de sa mère. Ce saint homme savait, parce qu’il était inspiré, que les noms secrets de Dieu et ses attributs premiers étaient des protections. Il bâtit tellement en s’appuyant sur eux, de sorte qu’aucun esprit infernal et destructeur n’osa prétendre renverser son remarquable travail. Ses travaux devinrent si connus que les deux jeunes frères du roi Alban voulurent qu’il leur enseigne sa noble manière de construire. Il y consentit, à condition qu’ils ne la dévoilent pas, à moins qu’il y ait quelqu’un d’autre avec eux pour former une triple voix. Ils prêtèrent serment, et il leur enseigna la partie théorique et la partie pratique de la maçonnerie. Et ils travaillèrent. Les salaires des maçons augmentaient dans ce royaume, et l’on compta des maçons chez les princes et les rois.
Lorsqu’il fut près de mourir, Betsaléel demanda qu’on l’enterre dans la vallée de Josaphat, été qu’on grave l’épitaphe qu’il méritait. Ceci fut réalisé par les deux princes. On grava ce qui suit : « Ci-gît le fleuron de la maçonnerie, supérieur à beaucoup, compagnon d’un roi et, de deux princes le frères. Ci-gît le cœur qui pouvait garder tous les secrets. Ci-gît la langue qui n’a jamais rien révélé. »
La moelle dans l’os (MB ou Marrow in the Bone)
Dans son ouvrage intitulé The Free Mason at Work, Harry Carr dit que le manuscrit Graham est le premier à décrire le redressement d’un corps dans un contexte maçonnique et au moyen de cinq points. C’est à l’occasion de ce premier redressement de corps décrit par un rituel, qu’un des personnages dit : « Il y a de la moelle dans cet os. » En anglais : « There is marrow in this bone. » De fait ce M.B., comme bien d’autres mots du vocabulaire maçonnique, a subi toutes sortes de déformations phonématiques justement.
C’est ainsi que dans The Free Mason at Work, Harry Carr note plusieurs versions de M.B. dues à diverses déformations : Maha Byn, Matchpin, Magbo and Boe.
D’où vient cette ressemblance entre « marrow in the bone » et M.B ?
Dans la lecture d’un des rituels publiés par Knoop, Jones et Hamer dans The Early Masonic Catechisms nous apportent une confirmation. Ce rituel, qui précède immédiatement le manuscrit Graham dans l’ouvrage de Knoop, Jones et Hamer, s’intitule « The Whole Institutions of Free-Masons Opened » et il est daté de 1725. Divers mots y sont donnés comme constituant le secret de la maçonnerie, dont « Magbo and Boe » à propos duquel le texte dit que cela signifie « la moelle dans l’os » (« Magbo and Boe signifies Marrow in the Bone »).
La triple voix
Noé mort est au centre du Rite car tout s’ordonne grâce à lui. Il est la cause du rite et spécialement de ce noyau originel implanté en Écosse par la présence de la diaspora judaïque (voir article précédent) aux trois frères.
Les trois frères :
Ces trois hommes avaient déjà convenu que s’ils ne trouvaient pas le véritable secret lui-même, la première chose qu’ils découvriraient leur tiendrait lieu de secret. Ils n’avaient pas de doute, mais croyaient très fermement que Dieu pouvait et aussi voudrait révéler sa volonté, par la grâce de leur foi, de leur prière et de leur soumission ; de sorte que ce qu’ils découvriraient se montrerait aussi efficace pour eux que s’ils avaient reçu le secret dès le commencement, de Dieu en personne, à la source même.
Trois paroles alors leur échappent, et le rite de la triple voix s’impose au fil de la lecture, avec une force et une profondeur, qui laissent deviner que ce rite pourrait encore induire une puissante méditation. Jouer le jeu éveillait sans aucun doute chez le futur maître, futur enseignant du métier, un sens du sacré dont l’évidence et la simplicité se passent d’explication. Désormais, c’est par ce rite que les maçons entreront dans le secret.
Betsaléel ou le Verbe perdu et retrouvé
Nous le savons, Betsaléel est proche de Noé et de ses fils, c’est-à-dire du mythe de Noé. Noé représente une humanité ancienne et perdue. Ses fils sont les représentants d’une humanité post diluvienne, fondateurs de celle-ci.
C’est ainsi qeu se présente le mythe dans le manuscrit Graham, les fils de Noé, en cherchant le cadavre de Noé, sont, en quelque sorte, en quête de cette humanité antédiluvienne et de ses connaissances, que leur père représentait.
Pour Betsaléel et Noé, il y a un « avant » et un « après », une humanité défunte et une nouvelle qui se reconstruit ailleurs. Ce que ne sont ni Hiram, ni Salomon, dont le seul souci est de préserver une société existante et de la moderniser en la dotant d’un temple en pierre. Hiram et Salomon sont, certes les héritiers, mais surtout des conservateurs.
Si Betsaléel et d’autres ont reçu une somme de connaissances et de savoirs par un courant d’air divin, il a aussi en charge sa transmission. Betsaléel est, en effet, aussi doté des capacités d’enseigner. Les hommes qui suivront ses traces devront s’en contenter. Salomon et Hiram sont ceux qui « suivent ».
Les caractéristiques de Betsaléel et de Noé sont possiblement un écho de ce que ressentaient les rédacteurs francs-maçons de cette nouvelle maçonnerie qui déjà n’entendait plus sa tradition, comme leurs contemporains, fondateurs eux-mêmes d’une nouvelle société , celle du siècle des Lumières où par connaissance on entendait désormais tout autre chose.
Le Betsaléel de la bible a acquis la capacité d’enseigner. Le Betsaléel maçon a effectivement transmis ses connaissances mais uniquement à deux princes, en leur faisant prêter le serment de la « triple voix ». Betsaléel est mort. Il ne reste que les deux princes devenus bien inutiles. Les connaissances sont perdues de manière plutôt définitive.
Betsaléel n’a pas mené à bien sa mission de transmission, pourrions-nous dire. C’est Salomon et Hiram qui viennent sauver l’affaire et c’est pourquoi sa présence te la nécessité de créer ce troisième grade se révélera indispensable pour conserver l’intelligibilité du récit . Ils ont construit le temple pour remplacer la tente de Betsaléel. Hiram possédait – admettent les rédacteurs francs-maçons – les connaissances nécessaires, pourtant précédemment perdues d’origine exclusivement divine. Le Secret fut pourtant bien gardé, peut-on affirmer, jusqu’à la tombe. Sa transmission est bien inutile, puisque deux hommes (voir plusieurs) possèdent aussi ces mêmes secrets « naturellement », sans intervention d’aucune sorte, sans transmission. Tel est le paradoxe.
Exode, 35-30 – « Moïse dit aux Israélites : Regardez : le Seigneur a appelé par son nom Betsaléel, fils d’Ouri, fils de Hour, de la tribu de Juda. Il l’a rempli du souffle de dieu, de sagesse, d’intelligence et de connaissance pour toutes sortes de travaux, | pour concevoir des ouvrages, pour travailler l’or, l’argent, le bronze, […] Il lui a aussi accordé le don d’enseigner, de même qu’à Oholiab, fils d’Ahisamak, de la tribu de Dan. »
« Quant aux hommes d’honneur et de probité, par-delà les différences de religion, ils s’accordent tous sur les trois grands articles de Noé, et c’est assez pour préserver le ciment de la loge ». Pasteur Anderson, Constitutions
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