Sur la trace des hommes rouges : à l’aube de l’humanité

Ils furent connus comme les hommes « aux harpons » et parvinrent dans la vallée du Nil à la fin du paléolithique

Cultes lunaire et solaire : étude comparative

Le choix du rite qu’ont fait les peuples pour manifester leurs croyances a divisé l’humanité préhistorique en deux tendances maîtresses, l’une représentée par le culte lunaire, apanage des peuples communautaires, principalement sémitiques et asiatiques, l’autre par le culte solaire, lequel caractérisait des tendances individualistes et essentiellement occidentales, « boréennes » pour tout dire.

Nous pouvons étudier celles-ci depuis les Hommes Fossiles jusqu’à nos jours dans la transmission des coutumes funéraires et de cette pratique de passer le corps, les cadavres, les lieux sacrés ou consacrés à l’ocre rouge ; par là, retrouver et suivre, sans coupure, la trame qui nous apparente directement, nous Occidentaux, à l’Homo-sapiens albus nordicus, ou de « Cro-Magnon », un des premiers (sinon le premier) dont les ossements furent imbibés de colorant, un des premiers qui ait, par ses actes, délimité le domaine entre l’animal et l’Homme, s’il est vrai que celui-ci commence à la pensée.

Le rite de l’ocre rouge fut par définition un privilège pour ceux qui l’employèrent, une marque de supériorité pour ceux qui le revêtaient face à ceux qui n’y avaient point droit, un témoignage des manifestations de la conscience, une affirmation d’individualisme et de foi, car pendant un laps de temps très long aucune autre forme idéologique ne domine la sienne. Ce rite fut donc extrêmement puissant ; il a sans doute dominé une très vaste zone du monde antique ; il s’est perpétué et a resplendi jusqu’au centre de la civilisation égyptienne qui est une des plus archaïques formation du complexe européen.

On a suggéré parfois que la coutume de se passer au rouge voulait peut-être évoquer le sang, le fluide vital, l’élément primordial de la vie du corps. Dans les symboles humains, comme dans toute la nature, il y a deux faces des choses : une qui est noble, figurée, intellectuelle ou mentale, une autre qui est son envers, sa dégénérescence, qui ne préfigure plus que le côté matériel ou même abusif et dont s’emparent les civilisations décadentes ou les peuples à mentalité opposée ou en voie de disparition. A ce stade, la signification première est altérée ; elle a cessé de mériter le nom de symbole ; elle reflète tout au plus un sens immédiatement approprié, ou positif, ou négatif. Il n’est qu’à voir certaines sociétés dites « traditionnelles » contemporaines pour voir comment un mauvais usage des symboles reçus en héritage peut entrainer leur démonétisation ou perte de sens.

Le symbolisme de l’ocre rouge n’a pas échappé à ce double emploi, ni à cette altération. Une antinomie fondamentale entre solaires et lunaires — et que nous pouvons étudier dans l’Histoire — est celle qui opposait la liberté des passions à la maîtrise de soi. Les lunaires, dans leurs cérémonies nocturnes, comme dans leur comportement habituel, laissaient libre cours à leurs instincts ; la codification rituelle ne tendait qu’au maximum de sensations. La Grèce, en certains siècles et en certains ilots, eut des cultes analogues, mais qui n’atteignirent jamais le degré de violence, de cruauté, voire de sadisme et de dépravation où se complurent et s’anéantirent les Assyriens, les Chaldéens, les Phéniciens

Le voisinage de ces peuples fut cependant néfaste aux civilisations qui se laissaient aller parfois à quelque relâchement de principes, comme à l’époque de la XIII ème Dynastie égyptienne. Cela débutait partout par la confusion, puis l’altération des rites ; et si l’on continuait de se passer au rouge, comme les sceptiques continuent d’aller à la messe, on le faisait indifféremment avec de l’ocre comme avec du sang, jusqu’au jour où,  la raison du symbole ayant été perdue — la nature, abusive et commode, amenait les décadents à des pratiques voisines de la sorcellerie et aux rites orgiaques. C’est dans cette catégorie que nous devons ranger les usagers du trafic du sang. Il y en eut comparativement assez peu, mais il y en eut toujours.

Il existe en Numidie, dans la nécropole dolménique de Roknia, au cœur de milliers de sépultures en superstructure, très archaïques, une certaine quantité de caveaux souterrains ou creusés dans la roche, ornés parfois d’un croissant de lune ; dans toutes les tombes, indistinctement, ce sont des Lybico-Berbères que l’on trouve. Dans quelques dolmens plus grands, plus massifs, on a pu identifier des Egyptiens associées aux premières dynasties. Beaucoup de dolmens étaient, comme les plus grands, passés à l’ocre, mais non pas les caveaux souterrains.

Ceux qui ont été enterré sous roche ont adoré la lune et, peut-être, observé des pratiques sanglantes ; mais, d’un tel culte, il ne reste rien.  Selon le mythologue Fabre d’Olivet il existait en Inde, certaines peuplades du Pakistan, au temps des Grandes Migrations dont les premiers éléments, les Pinkshaw, se barbouillèrent le visage avec du sang.

Et, tandis que tous les lunaires ont tendu, dès la nuit des temps à perpétuer désespérément la personne physique, les solaires ont aspiré à la dissolution, dans l’élément éthérique, de leur propre corps, au profit du seul resplendissement de l’esprit. Ils y parvenaient, volontairement, lorsque l’âme exercée par la pratique théurgique s’élançait hors du corps avec assez de puissance, mue par le désir d’affranchissement. Quel que soit l’anéantissement de la vie corporelle, la preuve de l’éthérisation était faite par la disparition de la forme humaine absorbée par son Ka.

De Ram à Zoroastre, de Jésus-Christ jusqu’à nous, à travers les biographies des saints et de certains martyrs, l’Histoire spiritualiste nous a transmis de nombreux exemples. Nous ne citons ces particularités, remontant aux cultes lunaire et solaire, que pour retenir la substance qui les différencie et marquer la valeur intrinsèque des tendances qui les constituent : du dévorant matérialisme de Moloch à cette immolation de tous pour un seul, l’Egypte solaire, dans sa sérénité, a offert son antidote de bienveillance spiritualiste ; face aux sombres et terrifiants aspects de la Divinité sémite, elle a reflété et transmis à l’Occident, dans son culte solaire et son initiation transcendante, l’enseignement qui fait pressentir celui d’un Messie. La maîtrise volontaire et raisonnée du corps physique ; l’observation et la connaissance de la nature, de ses lois, de ses ressources, de ses limitations ; la valeur mentale infinie de l’abnégation donnée en exemple à la masse par le sacrifice d’un seul au profit de tous ; l’affirmation d’une vie éternelle dans le pardon, la douceur et la bonté : Osiris, dieu solaire, éparpillant son être à travers l’Univers pour y semer la loi d’amour fraternel et vaincre Typhon (le Malin), Osiris immortel et altruiste, voilà ce que l’Egypte a opposé à Moloch, insatiable, vindicatif, égoïste et cruel des autres peuples.

L’âme occidentale transparaît, dans ce mythe précurseur, six ou huit mille ans avant le christianisme.

L’entraînement et la science des uns menaient à l’occultisme sacré, ceux des autres à la sorcellerie. C’est uniquement à ces aboutissements que nous voyons la valeur des deux tendances qui n’ont cessé de s’affronter dans le monde.

Les solaires ont élevé à leur conception divine de la lumière et de l’esprit des monuments immenses, de facture cyclopéenne et de lignes étrangement simples et pures ; sur les murailles aux gravures innombrables, ils appliquaient la teinte couleur d’ocre du soleil couchant. Ce furent de tels adeptes qui, les premiers, creusèrent à leurs morts des sépultures intentionnelles. Plus tard, ils élevèrent des tombes, qui semblent avoir voulu défier l’éternité.

A côté d’eux, remontant peut-être aussi loin, les Lunaires pratiquèrent les cultes nocturnes, enterrèrent sous roche, sans rite préservateur ; ils s’adonnaient, la nuit, à des séances orgiaques, à des cérémonies sanglantes, sexuelles et tragiques.

Grace aux civilisateurs (voir plus loin) les uns s’attachèrent au sol et devinrent agriculteurs ; les autres demeurèrent, comme aux premiers âges, de caractère nomadique, vécurent en groupes, ayant tout en commun, biens, entreprises, familles, opposant ce particularisme à l’individualisme des sédentaires, lesquels reflètent en général l’instinct de la paix dans la seule ardeur guerrière de l’auto-défense, la bravoure et l’esprit conservateur que donne la solitude, le besoin de pourvoir à tout par soi-même. Ceci face au matérialisme des masses nomadiques et communautaires, pillardes par nécessité, destructrices par instinct.

Tandis que la domination des Lunaires s’est réduite à l’occupation de l’Orient méditerranéen, puis à celle de quelques côtes puniques de l’Afrique du Nord, les Solaires ont incrusté plusieurs foyers de rayonnement en de nombreux points de la terre allant de Gizeh jusqu’à Göbleki Tepe épicentre du croissant fertile et véritable omphalos de la nouvelle humanité.

Il y eut un empire universel solaire en Inde  et en Asie Centrale, avant cet « Empire-universel-Rouge » de Ram, le druide gaélique, émigré des terres occidentales. Leurs centres diffuseurs laissèrent des traces que ne nous ont pas léguées les autres. En dehors des villes mortes du désert de Gobi, des terres inexplorées de l’Asie, de l’Australie, il y a les vestiges préhistoriques de l’Afrique saharienne, les ruines élamiques, indusiennes, sumériennes, égyptiennes. Celles-ci sont le dernier et le plus pur éclat d’une civilisation essentiellement occidentale, mais dont le berceau est resté introuvable.

Caractéristiques permanentes du rite solaire

Les archaïques traditions mandchoues, parmi beaucoup d’autres chroniques, témoignent de cette immense domination des « Hommes du Feu ». Elles racontent qu’un jour la Terre s’est entr’ouverte et les a engloutis. Le folklore de ce très vieux peuple est empli de réminiscences à ce sujet et affirme communément qu’un passage souterrain est resté entre leurs vastes plaines et le pays originel. Traversant le globe de part en part, ce passage permet d’arriver en sa capitale, au pays où le soleil se couche. « Car les Hommes Solaires ne peuvent être anéantis ».

Si rudimentaire qu’il ait pu être, le culte des Hommes Rouges a présidé à l’origine des religions idéalistes du monde occidental et de l’extrême Occident ou Amérique centrale.

Un dernier éclat fut jeté au Pérou au cours des XV° et XVI° siècles de notre ère. Cette « expérience » inkasique en apprend long quant aux analogies pharaoniques allant jusqu’à l’identité ; l’ologénèse ne suffit pas à expliquer un tel saut dans le temps et dans l’espace et l’on reste songeur devant ce long et flamboyant déclin de la civilisation solaire et de ces Hommes Rouges qui nous ont légué ces centaines de témoignage, prouvant à l’évidence un foyer central aujourd’hui disparue.   En effet, dans l’état actuel de nos connaissances, nous ne pouvons désigner le berceau des grands Indiens, passés à l’ocre rouge, au nez aquilin, au menton proéminent et au front large et haut, d’aspect Cromagnoïde, pas plus d’ailleurs que celui des Mayas, usagers des colorants épidermiques, porteurs d’une civilisation déjà compliquée lorsqu’ils apparurent en Yucatan, quelques siècles seulement avant l’ère chrétienne, ce qui ferait émettre l’hypothèse d’un rapetissement, d’un effritement du groupe antillien d’où seraient issus les Mayas, les Quichés.

Quoi qu’il en soit, les concomitances et analogies de ces faciès et autres vestiges avec le monde archaïque occidental sont aussi inexplicables par le Grand Sud Américain que par son extrême Nord, et le problème ne saurait être résolu arbitrairement, ni aisément, sauf à suivre la trace de ces hommes rouges.

à suivre dans le livre : voir ici